Limbes oniriques ☽ Ollie

Limbes oniriquesTW : cauchemar, sang, mutilation, angoisse, horreur

Octobre 2025 ☽

Où suis-je ?

Le ciel est noir nervé de rouge, comme si un réseau de nerfs le traversait de part en part. Il pulse. Toute cette moelle astrale se rejoint en un vortex qui perce un gouffre vers le néant. Je baisse les yeux. Je suis enfoncée jusqu’à mi-mollet dans un océan couleur pétrole, insondable et sans reflet. Je fais un pas, puis deux. Mes semelles sont lourdes, j’ai l’impression de faire du sur-place. Une forme dérive sur les eaux maintenant, elle vient dans ma direction. J’attends. Elle n’est pas seule, d’autre arrivent en même temps. J’en vois les contours désormais : des formes humaines, flottant comme des poupées de chiffon. Quand elles parviennent à ma hauteur, je pousse un hurlement.

Mason. Milfred. Ma mère. Cet inconnu de l’Underapple. Cassian. Alice. Siwon. Joi. Wolfie. Ils sont morts, mutilés, défigurés à coups de griffes. Des lacérations d’une rare brutalité les ont éviscérés et ils errent maintenant sur cet mer macabre. Impossible… j’ai fait ça, moi ? Je regarde mes mains. Ma peau blafarde est maculée de sang et de longues serres remplacent mes ongles. Nouveau sursaut. Les corps sont maintenant debout, tel un rempart de spectres. Ils m’encerclent et me fixent de leurs yeux morts. A l’unisson, comme autant de marionnettes macabres, ils ouvrent la bouche et parlent d’une voix d’outre-tombe.

- Pourquoi es-tu triste ? C’est toi qui nous a tués. Tu avais faim, pas vrai ? Tu as toujours faim.

Le sol se dérobe sous mes pieds. Je chute pendant une éternité, perçant les trames d’un kaléidoscope phantasmagorique. Bruit de vague, grondement du tonnerre. Je suis dans un champ désormais. Je n’en ai jamais vu ainsi : il s’étend à l’infini, nirvana de fleurs mauves aux tiges grises. Il pleut. Je reçois une goutte sur le nez, puis sur le sommet de du crane. Mes mains sont redevenues normales, pâles et immaculées, mais quelque chose ne va pas. L’averse sent le fer. Plus elle s’intensifie, plus je réalise que ce n’est pas de l’eau.

C’est du sang.

Je me vois courir à travers les collines, trempée, poissée de ce rouge vermeil aux fragrances ensorcelantes. Un train fend soudain la végétation, venu de nulle part. Le nez fin, la carcasse rutilante, il me frôle en lévitant au-dessus des fleurs éclaboussées d’hémoglobines. Stop net. Une porte s’ouvre dans un chuintement et une femme m’attend à l’intérieur. Elle a les traits figés et des marques de jointure partout, comme si sa peau avait été assemblée à la matière d’un puzzle à grosses pièces.

- Bienvenue à bord. Vous pouvez me confier vos bagages et vous rendre à votre siège.

Dois-je monter ? Je jette un œil derrière moi : les fleurs ont changé de forme. Elles ressemblent maintenant à une armée de bouches armées de dents pointues. L’une d’elle se penche en avant et me mord la cheville. Ça fait mal ! Je saute dans le train avant que les autres ne l’imitent, sous les yeux de l’humanoïde qui ne cille pas. Elle ne peut pas : elle n’a pas de paupières ! Ça lui donne un air glaçant. Trop tard, je m’avance dans les allées désertes et m’assoit au hasard sur l’une des banquettes futuristes…

ft. @Ollie Nam