We tell our stories differently, don’t we, you and I? | LLEWHELYN

Ok, s'introduire par effraction chez des gens ce n'est pas légal, ok ça pourrait lui attirer des ennuis ; en fait ça a déjà été le cas et ça même failli finir chez les keufs. Mais là, s'introduire chez Llewhelyn, c'est un peu comme s'introduire à la maison, non ? Après, pour sa défense, Zelda pensait faire de l'urbex dans sa vieille baraque chelou (mais qui a une baignoire dans chaque pièce ???) la première fois qu'iel est passé par une fenêtre laissée ouverte. Iel a failli se péter une cheville, mais l'hôte s'est montré sympathique et au lieu de lui crier dessus - ce qui était légitime, ouais... - iel lui a offert le thé. Demandé des explications aussi et ça, Zelda a été à même de lui en fournir. Iel s'est excusé profusément. Voyez, braves gens, Zelda c'est là pour voler quoi que ce soit. Juste explorer et vérifier que cette étrange maison avec sa grande serre n'est pas le repère de supervilains, ou l'épicentre d'un immense trafique de beuh (bon ça iel s'est gardé de dire qu'elle se serait roulé un petit joint...). Bref.
Zelda n'a parlé de ce secret à personne, ses visites chez Lew. Iel se sent bien avec lui. Iels peuvent parler de trucs de mutants. Ce que ses camarades ne comprennent pas toujours parce que ceux qui s'injectent le sérum peuvent toujours changer leur nature mais Zelda est, par définition, le dragon.

C'est un de ces matins où iel n'a pas cours qu'iel débarque un peu à l'improviste, toujours en passant par la fenêtre de la cuisine (Zelda aime passer par les fenêtres, c'est une métaphore de la vie), d'abord iel balance son sac a dos puis iel déploie ses ailes pour s'équilibrer et hop. Ni vu, ni connu !  Qu'iel croit...
« Yo !  J'ai faim. T'as des bonbecs ? aucun. Y a pleins de gens qui l'aiment. « Est-ce que les bombes de bains c'est mauvais pour ta peau ? Parce que je vais faire une commande lush et j'en ai vu une en forme de baleine et ça m'a fait penser à toi. » Lew iel est trop cool. Le fameux "trop cool" que Zelda emploie uniquement avec des adultes non boomers. Il paraîtrait qu'iel aussi commence à devenir adulte. Et ça fait un peu peur. Parce qu'après, il n'y aura vraiment plus personne pour s'occuper de son cas. « Tu connais lush, hein ? » Au cas où le type est pas sorti de chez lui depuis trois siècles.

Immergé sous l’eau, Llew ne faisait plus qu’un avec l’élément dont il était l’incarnation. Ces moments où il n’était plus qu'eau, étaient de plus en plus ces moments qu’il adorait. Ses inquiétudes et éventuelles pensées intrusives disparaissaient, lui avec, pour se mouvoir avec aisance, presque invisible, alors qu’il ressentait le contact rassurant, le volume qui semblait presque l’envelopper comme une couverture de survie. Le moment parfait. Idéal. Un jour, peut-être, il y restera, dans cette étreinte rassurante et si familière.

Not today.

Llewhelyn sortait de l’eau, reprenant petit à petit sa forme humaine alors qu'il quittait la serre, glissant la main dans ses cheveux trempés afin de les mettre un peu en bataille. Le bruit de ses pas sur le plancher résonnait et il rejoignait la cuisine afin de remplir la bouilloire d’eau, et de préparer une théière. Ouvrant le placard au-dessus de sa tête, il fouillait dans les boites pour sortir une tisane qu’il avait ramenée d’un voyage. Il laissait la préparation un instant pour se diriger vers le salon juste à côté afin de récupérer un livre sur les plantes carnivores qu’on lui avait récemment prêté (et qu’il n’avait pas encore lu, who knew). Il feuilletait un instant l’ouvrage avant d’entendre un bruit venant de la pièce qu’il venait de quitter. Froncement de sourcil, son expression s’assombrissait alors que toutes les plantes de la pièce se tendaient sous l’effet de son pouvoir, alors qu’il passait la tête dans la pièce.

« Zelda. » Soufflait-il, son expression s'adoucissant presque aussitôt. Évidemment que c’était Zelda qui venait de débarquer dans sa cuisine par la fenêtre, Llew, toujours trempé posait le livre dans sa main sur l’îlot au centre de la pièce. Il ne pouvait même pas faire de remarque sur le choix du jeune adulte de passer par la fenêtre, puisque la plupart des portes étaient condamnées par l’ancien botaniste. Un mur n’était pas un obstacle pour ellui, ni une fenêtre, ce qui n’était pas une surprise pour Llewhelyn qui décidait de ne pas s’attarder sur cela. « Ça dépend, comment sont fait les produits, j’ai la peau relativement sensible lorsqu’il s’agit des produits d’hygiène. Ils ont tendance à mettre plein de choses inutiles. Répondait-il en sortant une deuxième tasse de thé pour son invitée imprévue. J’aime bien les baleines. » Ajoutait-il, pas vraiment pour partager ses goûts, mais si elle devait choisir des bombes de bain, autant qu’elle choisisse une baleine, ça lui arracherait un sourire garanti. « Je n’ai plus de bonbons, mais j’ai des cookies », fait maison qu’on lui avait ramené et qui étaient très bon, un peu mou et avec l’équilibre parfait de pépites de chocolat. Il sortait le tupperware, pour le tendre au jeune adulte. « Qu’est-ce qui t’amène chez moi aujourd’hui ? » Le regard clair de Law se posait sur Zelda, curiosité sincère, essayant de ne pas trahir l’affection qui parfois le prenait quand il croisait le regard brun et si familier de sa mère.

Law lae comprend à un niveau que personne ne peut atteindre, pas même son héros, Robin. Robin c'est pas un mutant, iel ne peut pas saisir toute la complexité de la nature de Zelda? Sur ce point là, précisément. Iel n'a pas essayé de lui en parler, ses questions sur le genre suffisent, Zelda ne veut pas non plus embarrasser ses proches. Les questions qui lae hantent ne sont pas celles qu'elle peut poser à l'université - ou elle n'a pas trouvé le bon prof. Il n'y a pas de cours sur le sens de la vie, encore moins quand on est mutant. L'émergence de matières qui tournent autour des mutations et des altérations sont souvent la porte ouverte à des débats ennuyeux. Zelda n'a pas besoin qu'on lui dise qu'iel est contre nature, ou qu'iel est le prochain maillon de l'évolution, ou qu'iel est bizarre. Iel le sait déjà, merci. Suffit d'allumer la télévision et il y a toujours un vieil homme politique, laid de coeur, d'âme et d'apprence pour évoquer ce problème. Les interrogations de Zelda sont sincères. Trop. Enfantines presque. Iel ne veut pas de réponse complexe, construire, iel veut quelque chose qui sorte du coeur. Iel a peur qu'en grandissant, iel devienne pareil et ne sache plus aller à l'essentiel.
Iel désire réellement comprendre, se comprendre, savoir pourquoi iel a besoin d'aide extérieure pour y parvenir.

Law est la personne parfaite, lui aussi est mutant. Lui aussi s'est abandonné à sa mutation, ne fait qu'un avec elle. Ça lae rassure de savoir qu'on peut mener ce genre de vie excentrique et avoir une baignoire dans chaque pièce. Ça lae rassure de se dire qu'on peut être un vieux grincheux, enfermé dans sa maison, coupé du monde, avec pour seule compagnie des plantes. Et c'est ok. « Tu as déjà nagé avec les baleines ? » Zelda sait peu de choses sur Llewhelyn. Aux dernières nouvelles ce n'est pas un psychopathe qui vit reclus pour protéger le monde de ses pulsions. Juste un type aux passions très spécifiques. « J'veux bien les cookies, mais t'as de la sauce piquante ? Sinon ça a pas de goût. » Malheureusement, sa nature lae force à mettre en place des habitudes alimentaires qui déplaisent. Faut pas emmener Zelda au restaurant, certainement pas ces grands établissement avec les gens bien habillés. Un fast food c'est très bien, encore mieux si c'est mexicain.
En fait, c'est juste parfait si c'est mexicain.

Zelda s'étend à moitié sur la table de la cuisine, les bras tendus vers la jolie théière. « J'passais dans le coin. Ça se fait de dire coucou aux copains, nan ? » Une fois attrapée iel se remet droit sur sa chaise. Si la théière est rempli d'eau bouillante, iel ne le remarque pas. « C'est un truc que tu as ramené de tes voyages ? C'est quand que tu repars ? Tu crois que tu repartiras ? Est-ce que je peux venir ?  » Zelda n'a jamais quitté New Blossom. Le monde iel le connait à travers ARGO, les séries, et quelques cours de géographie qui étaient plutôt plaisants.

« Oui, ça m’est arrivé, il y a longtemps.  Il souriait à son invité.e, avant de poser la sauce piquante devant iel. Llewhelyn y avait pensé, surtout, il n’avait pas oublié. Alors ? Tu me racontes.  » Zelda lui expliquait que c’était une visite de courtoisie, parce qu’iel était dans le quartier, que c’était une chose à faire avec les copains. Certes. Les copains de son âge, Llewhelyn avait au moins l’âge d’être son daron (ce qu’il était), voir un arrière-arrière-arrière grand-père qui aurait dû bouffer les pissenlits par la racine depuis longtemps pour ne plus être qu’un tas d’os. Dans ce scénario-là, Zelda n’existe pas, et ils n’auraient pas cette conversation. La présence d’une personne ne se joue à rien, au hasard de suite de choix fait par d’autres, ça lui donnait le tournis à chaque fois qu’il y repensait. Toujours troublé par ce constat qu’il avait certainement fait quand il avait été confronté à la mort pour la première fois. La vie serait tout de même moins drôle sans eux.

« Ah, je crois que c’est un cadeau d’un vieil ami, il me la ramenée d’un voyage en Chine. Attention, c’est en fonte, elle est brûlante.  » Lae prévenait-il. Zelda n’avait pas l’air de sentir la chaleur sous ses doigts, son regard s’attardait alors sur les mains de son enfant. Il repensait à l’humour de l’univers qui lui avait fait cadeau d’un dragon pour progéniture, lui qui avait du feu. Qu'est-ce qui l’empêchait de ne pas la prendre entre quatre yeux et l’informer de ce, détail, qui n’en n’était pas un.

Le vieil homme qui l’était pouvait réellement avoir peur de la colère de Zelda ?

Il en avait connu des colères, des déceptions, beaucoup plus dangereuse que celle d’une jeune adulte de la trempe de la jeune personne qui se tenait devant lui. Il ne voudrait pas lae décevoir, alors qu’iel le regardait toujours avec des yeux pétillants. Il avait pourtant déjà brisé leur lien en choisissant d’omettre la vérité. Une vérité dont il n’avait pas honte. Ils avaient pris une décision, lui et sa mère. Et après la mort de Claire, il ne savait pas quoi faire. Il n’avait pas (encore) de maison, il ne se voyait pas d’élever un enfant, il ne se voyait pas l’arracher à la famille qui venait de l’adopter. Law avait été un lâche, un pleutre. Il aurait pu l’amener avec lui, lui faire découvrir la botanique et de nouveau pays. Être là pour lui parler de sa mère, pour lae rassurer la nuit quand les monstres étaient trop effrayants, il aurait voulu lae protéger du monde entier. Maintenant, iel n’avait plus besoin de lui, de ce père absent qui devrait certainement se racheter toute sa vie. Law n’avait pas signé pour cela non plus. Il ne regrettait pas ses décisions passées, il regrettait plutôt celle d’être revenu, de s’être installé, de l’avoir croisé, invité et tissé un lien sans lui dire la vérité.

Qu’est-ce qui resterait de cette amitié quand la vérité tombera ?

« C’est quand que tu repars ? - Hmm ?  - Tu crois que tu repartiras ? Est-ce que je peux venir ? » Llewhelyn clignait des yeux, prenant un instant de revenir dans la réalité de la conversation, au lieu des questions qui d’habitude ne venait jamais l’emmerder. Clairement, il était distrait aujourd'hui. « Je ne sais pas quand, mais oui, je pense qu’un jour je repartirai. Parce qu’il n’a jamais été capable de rester quelque part trop longtemps, parce qu’il n’aime pas ça prendre racine. Parce qu’il était sensible à l’appel du large. Il s’appuyait sur le bar, observant Zelda de ses yeux bleus. Où aimerais-tu aller ?  » Llewhelyn l’emmerai où elle voudra, partout s’il le faut.