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2019

« Hawk, en position. » A quel point la situation avait-elle dégénérée sur place, pour qu’ils décident subitement de m’affecter à l’équipe en renfort ? Je me poserais la question plus tard. Je faisais partie des heureux élus qui montaient en vitesse à bord du dropship en direction de Crimson Bay. On pouvait déjà tous s’estimer heureux de ne pas avoir été dans les premiers envoyés au casse-pipe, nos chances de survie sur place en seraient meilleures. Je retrouvais certain de mes camarades de l’équipe de combat aérien à l’intérieur, ce qui laissait présager que nous allions devoir agir le plus rapidement possible, potentiellement pour rattraper quelques fuyards, ou que nous avions affaire à des mutations bien spécifiques.

Le départ était prévu pour dans seulement trente secondes. Pour que CERBER s’inquiète de ce qui se passait dans le quartier le plus pourri de New Blossom était déjà assez évocateur : le règlement de compte avait dû virer au massacre, avec plusieurs morts à la clef. En temps normal, l’institution préférait fermer les yeux et concentrer ses forces vives ailleurs. Crimson Bay était un peu comme une cause perdue aux yeux des autorités.
Dix secondes avant le départ. « Mais non putain… pas lui. » Lâchai-je, sans emphase, en voyant le dernier de la bande se rajouter avant la fermeture des portes : Skye. Pourquoi il fallait toujours que je me retrouve sur les mêmes missions que le mutant ? Ça faisait à peine un an que j’avais intégré l’Elimination Squad, et ça ne ratait pas. C’était comme si nos supérieurs prenaient un malin plaisir à nous forcer à travailler ensemble. Je ne pouvais pas l’encadrer, et ce, pour tellement de raisons que je n’arrivais même plus à les citer. Si encore c’était seulement parce que c’était un True Blood… ce n’était vraiment qu’une partie du problème avec lui. Je n’arrivais même pas à comprendre ce qu’il foutait chez CERBER, en dehors du fait que sa mutation était malheureusement très utile dans le cadre de nos missions.

Je tentais d’occulter sa présence pendant le court briefing qu’on nous fit directement à bord. C’était vraiment fait à l’arrache, ce qui donnait déjà le ton. La situation se serait envenimée entre deux gangs jusqu’au point du non-retour. Le conflit s’était déclenché autour d’un échange de contrebande le long des quais, dans d’anciens containers abandonnés. Contrairement à d’habitude, nous n’avions pas affaire à l’éternel conflit entre mutants et altérés, mais uniquement à des mutants qui se déchiraient entre eux. Si ça légitimisait la présence de Skye sur place, je restais persuadé que nous n’avions pas besoin de lui.

Une grosse explosion retentit pourtant non loin du dropship, à peine arrivé sur place, le faisant un peu dévier de sa trajectoire initiale. Ça commençait bien… « C’est quel type de mutant, ça ? » Evidemment, si nous avions eu l’information, elle nous aurait été communiquée, alors on se contentait de tous se regarder comme deux ronds de flan. On devait descendre en premier pour faire place nette. Au point où on en était, on nous demandait simplement de ne pas faire de quartier. Le second dropship, juste derrière nous, contenant la Rescue Team, devait récupérer la première équipe de CERBER sur place qui avait bien dégustée.

« Allez, on traîne pas alors. » Les portes du dropship s’étaient ouvertes avant même que nous touchions le sol. Deux de mes camarades s’étaient déjà envolés sans attendre. Je déployai à mon tour mes ailes, prêt à prendre mon envol. Mais avant même de le faire, je pris un malin plaisir à détacher Skye et le pousser hors du vaisseau sans lui laisser aucune chance. Je le rattrapai juste avant qu’il ne touche le sol pour finir en bouillis de Teddybear, dans un rire moqueur. « Tu t'es pissé dessus, avoue. » S’il ne disait rien, ça passerait pour de la simple camaraderie. Et c’était bien l’avantage : Skye n’allait jamais se plaindre à ses supérieurs de mauvais traitement qu’il pouvait recevoir. « Au boulot. »

J’attrapai mon fusil en prenant de la hauteur pour avoir une meilleure vision de ce qui se passait sur place. Hurricane, le faucon-robot, restait aux côtés de Skye pour le moment. Et ce que je vis me figea un peu. Il y avait plusieurs corps calcinés, dont certains des nôtres, ce qui me renvoyait vers une époque bien plus noire et sombre dont j’aurais préféré ne pas me souvenir. Tout ici rappelait les champs de bataille les plus sanglants où des mutants avaient été mêlées. Pour en rajouter à la scène apocalyptique, l’aube peinait à se lever et le ciel sombre et orageux nuisait à la visibilité. J’activai aussitôt ma vision thermique pour y voir plus clair. Du regard, je traquai les ombres évanescentes des mutants qui se battaient encore sur place avec les forces de l’ordre. Par moment, des flashs lumineux me faisaient comprendre que l’un d’eux avait effectivement une mutation très… ardente. J’en repérai la source, en me rapprochant en plusieurs bonds porté par mes ailes, avant de me réfugier à l’abri. Par l’oreillette, je communiquai aussitôt avec Skye. « Rends-toi utile un peu. Vise ce mutant, il faut qu’on le neutralise rapidement. » Huricane était déjà occupé à lui donner la position exacte, pour qu’il n’ait vraiment aucune excuse pour se défiler.
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Il est sage, Skye. Tellement sage. Sur son siège, les sangles lui retenant le corps. Les armes qu'il vérifie et revérifie. Mécaniques bien huilées. Toujours les mêmes gestes. Toujours la même attention. Et ce qui se passe autour : les regards les paroles larguées les saloperies à son encontre ;  tout ce bordel l'indiffère. Skye est dans son monde. Son petit monde glauque fait d'odeurs ferreuses de poudre de douleur. Son petit monde aux couleurs des massacres. Leur convoyeur convulse sous les coups. Sous les chocs explosions menaces – la merde du dehors bientôt les éclaboussera.
Une mission suicide. Ajoutée à sa liste. Des mutants butant d'autres mutants. Un règlement de compte virant à l'anarchie. Une rage illimitée. Déjà une équipe CERBER perdue.
La leur, appelée en renfort, fera un carnage.
Les corps se désencastrent des bords d'acier. Le squat récupère membres et mobilité. Chacun son tour passe par la porte béante. Ouverte sur les hauteurs. Unités mobile et aérienne mélangées.
Il n'est pas le dernier. Il n'est pas le premier. Il est coincé dans la file. Entre les corps mâles. Leurs odeurs de cuir de sueur de poudre de coton poussiéreux ; leurs violences qui lui hérissent le duvet de la nuque.

Skye s'approche du bord, de l'ouverture. Attend que l'engin le dépose à terre.
Mais.
Ce qui devait arriver.
Arrive.
Évidemment.
Car Skye est Skye. Et s'il emmerde profondément la plupart des êtres qui l'entourent, certains le lui rendent. Au centuple.
Ce gros connard de Blake juge bon de lui faire goûter à l’atmosphère. Ce gros connard de Blake qui ne peut pas le blairer – et pourquoi ouais pourquoi d'ailleurs il aimerait avoir une explication claire nette précise il aimerait qu'on lui énonce ses torts. Lui qui lui qui lui qui-
Skye est un ange.
Skye est un menteur.
Skye gobe ses propres mensonges comme on gobe des Tic Tac.
Blake le chope et le balance par l'ouverture.
Skye est aspiré par le vide.
Corps errant dans les hauteurs. Il regarde en bas. Présume qu'il va s'écraser. D'une minute à la seconde. Combien de temps faut-il à une masse comme la sienne pour percuter le bitume. Il réfléchit – un mètre quatre-vingt-dix. D'accord. Un mètre quatre-vingt-dix. Pour un poids de. Quatre-vingt kilos. Raisonnablement. L'impact devrait aboutir dans moins de dix secondes. Il se considère éclaté disloqué répandu ; ne reste de lui qu'une petite tache rouge vu du ciel. Il ne s'en émeut pas. Il trouve que ce suicide forcé n'est pas dépourvu d'une certaine poésie – Skye est un poète. Skye se découvre l'âme d'un véritable artiste maudit ; des mots et des pensées morbides et lunaires, depuis qu'El(le) partage son existence. Elle ne pourra pas le blâmer elle ne pourra pas chialer elle ne pourra pas dire qu'il a fait exprès – il n'est pas responsable de ça. Non. Vraiment pas. Il faudra qu'elle le venge oh il faudra qu'elle devienne furieuse enchanteresse excessivement  mesquine et magnifique dans sa dinguerie ;  il faudra qu'elle étripe ce gros connard de Blake.
Squelette craque.
La chute mortelle échoue. Le suicide contraint en foirade.
Blake le récupère et se marre et dit : tu t'es pissé dessus, avoue. Et Skye reste muet. Skye n'a pas grand-chose à dire. Skye le regarde sans trop comprendre – Skye est un peu paumé. Skye a la cervelle trop oxygénée et sa pulsion de mort vient de dangereusement morfler. Il est en colère. Putain qu'il est en colère. Pour changer. Il est en colère de ne pas avoir pu constater sa propre mort. De ne pas avoir goûté au bitume. De ne pas avoir su combien de temps son corps à cette hauteur aurait mis pour atterrir en bas. Et se disloquer.

Les semelles tapent sur l'asphalte. Les jambes flageolent durant une poignée d'expirations. Retrouver la matérialité de l'univers après une pareille chute est une sensation nouvelle. Pas nécessairement désagréable. Tout au plus étrange. Skye vérifie qu'il n'a pas perdu d'armes en saut. Ses battoirs cherchent fouillent analysent ses contours. Terre à terre. Bloqué dans l'absurde du concret. Tout est là. Sur ses épaules, son sac continue de peser son poids.

« Rends-toi utile un peu. Vise ce mutant, il faut qu’on le neutralise rapidement. »  voix de Blake dans son oreille. Il grince une insulte entre ses dents serrées. Et lève ses billes bleues vers l'empyrée. Le voit. Lui et ses ailes. Blake n'a rien d'un ange. Blake est tout au plus un putain de gros pigeon. Skye s'imagine avec douceur et délice lui plomber les excroissances. Skye apprécie l'image de son corps de gros con dégringoler des cieux. C'est biblique. C'est extraordinaire.
Skye se met en mouvement. Suivi par le piaf miniature du gros pigeon. Le piaf qui lui file les infos nécessaires à la traque. Son corps évolue à travers le feu et la mort. Son regard remarque sans remarquer les corps carbonisés démantibulés brisés ouverts sur un intérieur qui ne devrait jamais devenir extérieur, justement – ses collègues et ses ennemis entremêlés. Il est indifférent. La mort. La mort les ramassera tous, autant qu'ils sont. Certains plus vite que d'autres. Le destin ne fait pas dans la sentimentalité. Lui non plus.

L'épaule claque contre un mur de béton fracassé par les événements ; crevé par les balles ; carbonisé en son centre. Skye s'abaisse. Se coule au sol. Ose une œillade sur le champ de bataille à moins de dix mètres. Le piaf du gros pigeon continue de lui larguer des indications et Skye jappe « ta gueule » car, vraiment, il n'en a rien à foutre.
Les sangles de son sac quittent ses épaules. Zipper tiré d'un coup sec. Ses paluches plongent et en ressortent le sniper. Gestes mécaniques. Toujours. L'habitude dans chaque enclenchement dans chaque claquement dans chaque emboîtement. Il se glisse davantage contre son mur de béton ruiné. S'installe. Récupère son souffle malgré son palpitant enragé. Le chaos déployé sous ses orbes le fascine. Le chaos environnant l'excite. Mais. Il doit être calme. Conscient des dangers. Ne pas faire de la merde. Agir. Non surréagir. Il n'est pas encore. La grenade dégoupillée et lâchée au milieu du conflit. Il est encore. TeddyBear. Il est encore recul et cohésion avec l'équipe.
Ça ne durera pas.
Ça ne dure jamais.
S'il n'a pas ce qu'il veut.
Si tout ne se passe pas comme tout devrait se passer.

Cible verrouillée. Pupille au viseur. Il presse la détente.
Skye tire sur la cible désignée par Blake.
[LANCER DE DES]
Premier raté.
La cible bouge plus vite qu'il ne l'avait pensé. La cible est une putain de boule de feu vivante. Corps rougissant corps brasier. Balancé tel un missile sur un groupe de mutants armés. Tout explose. Vision cramée. L'impact sur les corps contre le corps ardent l'aveugle durant cinq secondes. Paupières plissées et gueule ramenée en arrière. Torsions de ridules. Skye secoue la trogne. Bande ses muscles. Contracte ses mâchoires hirsutes. Replonge dans son viseur. Retrouve la cible.
Respiration maîtrisée. Les battements du cœur qu'il doit faire redescendre. La crosse de l'arme contre son épaule. Le corps immobile. Rester calme. Rester figé. Prédateur silencieux.
Cible verrouillée. Pupille au viseur. Skye ne tire pas sur la cible désignée par Blake.
Il prend son temps, cette fois. Il ne presse pas immédiatement la détente.
[LANCER DE DES] Et la cible bouge plus vite qu'il ne l'aurait jamais pensé. Non plus sur le sol mais désormais Ouisticram (Skye passe beaucoup trop de temps pour son propre bien sur sa Nintendo, à capturer et dégommer des Pokemons) flirte avec l'apesanteur. Acrobatie. Propulsion. Le feu qui l'anime laisse une trace sur son horizon. Skye presse la détente. La prune effleure Ouisticram. Et raye une aile de Blake. Blake que Skye n'a pas vu à travers les langues de feu à travers le gris bleuâtre violacé moite et étouffé par la fumée du ciel. Leur ciel. Entre chien et loup. Skye se fige. Skye se redresse. Skye observe le ciel et dans sa gorge la boule. Et dans son ventre la contorsion de tripes. Les prunelles s'écarquillent. Une fraction de secondes. Un sursaut de considération pour autrui. Un sursaut d'inquiétude. Et il revoit sans revoir son image biblique et extraordinaire. Le corps de ce gros con de Blake dégringoler des cieux.
[LANCER DE DES] Skye attrape son fusil, enfile la sangle. Une épaule reçoit le poids. Il récupère son Glock, l'arme ; et décide d'en finir. Il n'y a jamais que ça, qu'il sache faire. En finir. La force brute qu'il maîtrise mieux que le reste. Il abandonne son sac. Skye traverse le champ de ruines où l'asphalte sous ses godasses colle. Tout fond. Une touffeur à crever. Ça le ralentit. Un peu. Il esquive un premier mutant surgit du brasier. Lui agrippe le bras, lève l'arme, l'abat. Balle dans la tempe droite. Le corps s'écroule. Et il continue, à travers la mort et le sang et le feu et la fumée. Un second mutant croise sa route, à moins d'un mètre de lui. Relève la trogne et fait mine de vouloir le bouffer – Skye remarque la rangée de dents pareille à celle d'un putain de requin. Il tire. En plein dans la face qui éclate. Morceaux rouges et blancs et giclures en pluie merveilleuse. Biblique. Skye progresse plus rapidement que le reste de l'équipe. Skye est une grenade. Une grenade qu'on n'a pas encore dégoupillée. La déchirure si précieuse à CERBER est aux abonnés absents. La déchirure si précieuse à CERBER n'est jamais qu'une putain de blague, pour lui. Qu'il ne maîtrise pas ; qui lui nique toujours davantage le crâne. Qui lui dévore l'intérieur. Skye est une grenade balancée au milieu des conflits. Toujours. Ce qu'il en ressort : un mystère. Une constance néanmoins demeure inscrite : lorsque Skye pénètre la zone d'horreur, l'atmosphère absorbée par la gorge et engloutie par les bronches prend un goût de fer. Souille jusqu'à l'âme. Le sang. Le sang. Le sang. Skye n'épargne personne. Adversaires. Complices. Lui-même. Skye a les instincts meurtriers terribles et puissants. Ses instincts dépassent sa raison.  
Sa colère explose lorsqu'il se retrouve à proximité de la cible désignée par Blake. De la cible revenue à terre. La déchirure a faibli. La déchirure a reflué car la peau du type n'est plus incandescente. Elle est orange. Puis rapidement brune. Seulement brune. Le clébard de CERBER a muté en molosse. Mouvances animales. Il est en trois enjambées dans le dos de la saloperie (Skye hait putain qu'il hait, les mutants). Bras passé autour de la gorge de sa proie. Ça le brule immédiatement. Il s'en fout. Il serre. Étouffe. Écrase la glotte. Voudrait entendre craquer le cartilage. Il soulève le corps qui se débat. Le claque d'un coup de genou dans les lombaires. Le fout à terre.

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Le regard que Skye me lança en retour, après cette mauvaise blague, était étrange. Le choc. Une colère sourde et… rien de plus. Je n’arrivais pas vraiment à savoir à quoi il pensait exactement en cet instant précis. Est-ce que j’avais vraiment envie de l’apprendre ? La réponse était évidemment que non. Je n’avais pas envie de le comprendre, encore moins d’être dans sa tête de taré. Tout ce qui m’intéressait était sa haine. Mais, malgré mes tentatives, il me la refusait toujours. Je n’entendis qu’une vague insulte murmurée, rien de plus. J’avais espéré que ce saut dans le vide lui aurait fait plus d’effet, peut-être. Il était juste décevant, comme à son habitude. Il en faudrait sans doute plus pour le faire céder.

Je me reconcentrais sur la mission, sans apercevoir le regard qui m’assassinait dans le dos. Hurricane me désignait les cibles en se servant de l’ordinateur intégré. Avec lui, tout était uniquement blanc ou noir. Les cibles à sauver, celles à neutraliser… Tout était clair comme de l’eau de roche. Mais sur le champ de bataille, tout n’était pas aussi simple que dans la tête du faucon-robot. Il y avait toujours des imprévus.

Déjà, il y avait cette pluie persistante qui me brouillait la vision. Passer en vue thermique m’aida à y voir plus clair, pour rester focalisé sur l’essentiel. « Couvrez-moi. » Indiquai-je au reste de l’équipe, en misant assez peu sur l’assistance de Skye. J’avais repéré l’un des nôtres en mauvaise posture face à un mutant qui avait adopté une forme plus… bestiale. Ses hurlements résonnaient comme le tonnerre au lointain, alors qu’il tentait de défendre un de ses camarades, pourtant sans doute déjà mort. Il serait le suivant, vu son état. Je déployai mes ailes pour m’élancer dans sa direction, tirant une salve de couverture juste assez suffisante pour garder le mutant à distance. Je l’empoignai avant de m’élancer en arrière, tournoyant pour ne pas représenter une cible facile. J’atterris en sécurité, avec lui, derrière un mur qui en avait connu des meilleurs étant donné les traces d’impact. Ici, la suite était confiée à la Rescue Team. Je ne pouvais plus rien pour lui.

Il n’était pourtant que le premier d’une longue liste, mais bien trop avait déjà succombé sous les coups des mutants, pris littéralement entre deux feux. Je levai le regard vers cette boule de feu humaine qui éclairait l’horizon. Bien sûr, Skye s’était réveillé affreusement peu efficace en attendant. Le mutant le plus dangereux du lot était toujours en lice. A peine avait-il réussi à le gêner dans sa progression flamboyante…

Il n’a respecté aucune de mes indications. Je croirais presque entendre le cybermon se plaindre, mais il était incapable d’éprouver la même frustration que moi. Laisse tomber, reviens. Il obtempéra pour revenir dans mon sillage. Si cet homme incandescent esquivait les balles avec aisance, j’irais le chopper au contact. Mon bras métallique devrait résister suffisamment longtemps à la chaleur pour que je lui mette une bonne beigne qui le sonnerait à terre. Parfois, il était inutile de faire dans la subtilité.

Ailes déployées, je partis à l’assaut. J’avais presque réussi à lui mettre la main dessus, quand une balle me toucha l’aile, et me dévia de ma trajectoire. Je tournoyai encore, mais cette fois-ci avec beaucoup moins de grâce, avant de percuter le sol avec force. La boule de feu humaine s’était échappée. J’étais sauf, pour ma part, avec une aile un peu défectueuse, que je ne parviendrais sans doute pas à replier. « Bordel. » Le tir venait de derrière. J’eus un regard acéré vers la lumière rougeoyante qui me désignait Skye, juste derrière moi. « Qu’est-ce que tu fous ?! » Aboyai-je, avec colère. Il essayait de faire passer mon meurtre pour un simple accident, peut-être ? Ça ne me surprendrait pas. J’aurais bien voulu régler mes comptes immédiatement avec lui, mais la situation ne s’y prêtait pas. J’allais devoir faire avec un danger ambulant devant moi et derrière moi. Merde.

« Tu comptes te servir un jour de tes pouvoirs ou t’es juste là pour faire figuration ? » Crachai-je ensuite, alors qu’il sortait de couvert pendant que j’en cherchais justement un. Je repris mon arme en main, mais j’eus à peine le temps d’indiquer à Hurricane de passer à l’offensive… que Skye avait réglé proprement son compte au mutant le plus proche de nous. Vraiment ?

L’autre, plus bestial, crut y voir une opportunité pour se jeter sur lui, mais le CERBER lui réserva le même traitement. Déjà deux morts à son compteur. Il ne devait pas les tuer, normalement. Il devait se contenter de les neutraliser, dans la mesure du possible. Parce qu’on était dans le camp des bons, on sauvait ce qui pouvait l’être… mais à mes yeux non plus, rien n’était à sauver sur ce champ de bataille. Et le voir se rendre enfin utile n’était pas si déplaisant. Des mutants qui en tuaient d’autres… quoi de mieux pour me mettre de bonne humeur ? Je n’avais même pas envie de l’aider, il se débrouillait très bien sans moi. Et ce psychopathe avide de sang ne s’était pourtant toujours pas servi de ses pouvoirs d’annulation. « Skye ! On doit les arrêter, pas les tuer… arrête ça ! » Il fallait bien quelqu’un de notre équipe pour le forcer à rentrer dans le rang. Dommage, il était bien parti.

Combien restait-il de mutants exactement ? J’avais du mal à le déterminer, même avec l’aide d’Hurricane. L’envie était réelle d’envoyer le faucon briser quelques crânes supplémentaires à la suite de Skye, mais je me contentais de le voir me désigner mes prochaines cibles. « Deux mutants à dix heures. » Précisai-je à Skye, même s’il n’en avait probablement rien à foutre. J’ouvris pourtant le feu sur eux pour un tir de suppression, de quoi lui laisser le champ libre pour avancer. Et j’évitais de le viser directement, moi. Contre toute attente, l’un d’eux s’effondra même hors de son couvert, lui laissant une occasion en or. C’étaient des amateurs, vraiment. Mais est-ce qu’il allait seulement respecter les consignes ? Une part de moi espérait que non. J’avais bien envie de continuer de le voir faire un carnage et de m’en laver les mains. C’était jouissif.
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Trachée compressée. Il sent sous son étreinte le cartilage péter et plus encore le mec se débattre pour respirer. Skye comprime plus fort. Skye démolit ce qui peut l’être. Skye n’envisage laisser aucun survivant sur son passage. Et ça dure et ça dure. Tuer un homme ne se fait pas en une fraction de seconde. Tuer un homme à mains nues prend du temps. On le sent se tortiller comme un putain d’asticot et on sent ses coups vibrer dans les os. On sent son envie de vivre de survivre de subsister quoi qu’il arrive - et Skye doit y mettre un terme. Car un connard pareil reprendra ses carnages, après un séjour en taule. Car ce connard doit être mis hors d’état de nuire. Comme à peu près tous les mutants du monde, en vérité. La seule petite exception réside dans le fait que ses sentiments sont parfois tronqués, que ses perceptions sont souvent foireuses, qu’il lui arrive de laisser s’échapper de sa haine et de son dégoût un ersatz de compassion ou d’intérêt ou d’am- un truc qui le retient de ne pas buter tous ceux qu’il croise. Et tout à ses tergiversations, Skye en oublie le type sur lui, le type qui ne bouge plus. Et qui - il en est ravi - ne lui a pas cramé la tronche.
Alors Skye repousse le mort sur le côté, se redresse ; boule de nerfs. Ne prend pas la peine de se dépoussiérer de la merde environnante ; ses fringues sont désormais parfaitement dégueulasses. Son arme en main, Skye charge une balle dans la chambre, remet correctement son fusil dans son dos en faisant tranquillement glisser la sangle. Et puis Skye reprend sa route. Les mâchoires allant et venant de droite à gauche, à la recherche d’une proie potentielle.
L’exploration du terrain lui fait exploser un énième crâne. Le mutant n’allait pas vers lui, le mutant était de dos. Le mutant essayait de fuir les lieux du désastre. Et il entend, qu’on braille son prénom au milieu du chaos. Ses billes bleues virent de bord - cherche l’origine du bruit. “Skye ! On doit les arrêter, pas les tuer… arrête ça !” Un CERBER sur sa droite. Il ne distingue qu’à peine l’ordre voilé et ne voit pas sa gueule. Skye s’en fout, Skye opine du chef et ferme les yeux et hausse les sourcils et sur sa face démontée on pourrait lire une parfaite innocence une profonde acceptation (on lui donnerait le bon Dieu sans confession).
Sa langue passe sur ses lèvres. Goût de fumée et de sel. Son battoir s’écrase à son pif, puis le reste de sa trogne. Il masse ses ridules et tente de dégager sa vue brouillée par le bordel autour. Jusqu’à ce que dans son oreille siffle de la voix de Blake le gros connard. Blake le gros connard l’informe. Ses yeux dans le ciel pour observer la merde au sol. Il ne peut nier l’avantage - il ne lui confessera jamais. “Deux mutants à dix heures.” Les guibolles continuent de lui faire traverser la zone de combat. Ses semelles fondent sur le bitume surchauffé. Revers de paume sur le front, pour essuyer la sueur et la suie qui lentement décident de s’imprégner à sa chair. Skye a du mal à respirer. L’air est poisseux - le monde est devenu un enfer à ciel ouvert. Apaisé par une pluie fine qui n’a pas le temps de tout laver et de tout éteindre. Les gouttes sont comme un putain de crachat sur sa face.
Ses prunelles capturent un mouvement et il a juste le temps de s’écarter avant qu’un projectile lancé à pleine vitesse ne le percute - le projectile est un mutant. Encore. Et encore. De quel camp provient celui-ci, Skye ne sait pas et Skye, eh bien, comme à l’ordinaire, s’en fout. La masse revient dans sa direction et ses tympans résonnent et ses tympans grésillent et son cerveau manque exploser. Bouche ouverte sur le rien - le mutant lui hurle cependant des sons. Ultra-sons. Vertige. Skye plie jambe à terre. Rotule sur l’asphalte fumante. Main écrasée dans le goudron. Il s’y crame, fait la grimace et le mutant lui chope les tiffes et Skye est relevé de force et Skye rauque un cri avant d’empoigner le poignet de l’enfoiré et de lui retourner le bras. Phalanges toujours enfoncées dans ses cheveux, l’autre ne lâche pas et lui défonce la nuque. Skye lui fiche son arme sous le menton et tire. Un coup. Un second. La cervelle lui gicle au faciès et dans la bouche. Ecœurement. Sans haut-le-cœur. Il bat des paupières, debout et haineux, devant le mec qui s’écrase à ses pieds. Et à Skye de lever la mandibule en l’air et de chercher celui censément là pour veiller sur son cul. Regard en fente, il y voit que dalle. De la fumée grise pour recouvrir l’empyrée. “Putain d’grosse merde,” grogne le molosse, mâchoires contracturées.
Et le clébard se remet en mouvement, file à travers corps et membres carbonisés, croise un CERBER qu’il manque de buter. Se retient dès lors que l’uniforme lui flamboie dans la rétine. Arme rabaissée, sans excuse, sans même une expression désolée - qu’il avance et qu’il fasse son job. On pourra venir lui chialer dessus quand tout ne sera plus que feu et sang - tant qu’il entend des hurlements et des détonations, le massacre n’a pas de fin.
Ses orbes brûlent, et ses bronches crament. Il s’approche toujours plus près du foyer brasillant. Avant-bras devant le pif, l’odeur est insupportable. Elle l’asphyxie tant l’oxygène est chaud et alourdit par les relents aussi multiples que mortifères. Il n’y a plus âme qui vive, par ici.
Skye bute dans une main aux doigts recroquevillés sur l'atmosphère. Articulations noircies. Il s’abaisse. Accroupi à côté du macchabée. Il cherche à comprendre l’origine de ce délire - il a tué Ouisticram, alors pourquoi tout continue de flamber comme dans les tripes du Diable. Bras tendu, la dextre qui tient toujours son Glock s’approche de la victime qu’il détaille avec méticulosité. Le canon de l’arme pousse dans la barbaque crevée. Et tout s’enfonce trop ; la viande est bizarrement molle. Et lorsqu’il éloigne son flingue, la viande du cadavre se défait, colle à l’extrémité tel du miel. Mine vaguement troublée, Skye continue de tripoter et de triturer la bidoche, insensible à ce qui l’entoure. Concentré dans ses expérimentations en réflexions. Môme glauque, à son aise, au milieu d’un parc aux attractions plus horrifiques les unes que les autres.

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Il n’avait vraiment pas besoin de moi, jusqu’à ce sourire insolent qu’il adressa à notre coéquipier comme s’il ne l’avait même pas écouté. Il pouvait tromper son monde aujourd’hui, mais contrairement aux autres CERBER, j’avais eu suffisamment le malheur de me retrouver en équipe avec lui pour savoir à quoi m’attendre. Skye était un chien fou. Il n’avait pas l’air d’avoir conscience du danger, ou alors il s’en foutait. Tant qu’il pouvait tuer.

Je le laissais agir à sa guise, bien heureux de ne pas être chef des opérations. Personne n’irait me reprocher d’avoir sorti le chien sans sa muselière ce soir. Avec un peu de chance, les clichés de ce carnage seraient suffisants à le faire exclure de CERBER… mais j’en doutais un peu, et non à cause des intempéries qui devaient rendre tous les clichés inexploitables. C’était seulement que Skye s’en sortait tout le temps, car on avait besoin de sa foutue mutation qu’il mettait pourtant bien son temps avant de l’utiliser. « C’est quand tu veux. » Soufflai-je, avec dépit, dans l’oreillette. A quel point lui rendre son tir allié maintenant ferait tache dans le décor ?

Je devais sortir de mon couvert pour ne pas le perdre de vue. Je luttai encore avec mes ailes, dont l’une d’entre elles ne parvenait plus à se rétracter correctement. J’avais vraiment l’air d’un oiseau ébouriffé grâce à lui. J’enrageai, même si ce n’était rien de grave en soi. Je n’avais qu’une légère instabilité supplémentaire en vol… mais c’était suffisant pour me déstabiliser un peu et me faire perdre en vitesse. Je retombai au sol plus tôt que prévu, pendant que Skye fouillait les cieux du regard. Il devrait plutôt faire attention à ce qui venait droit devant. Je crus un instant qu’il allait buter froidement un de nos camarades rescapés, avant que je n’aie le temps de me charger de l’évacuer. Lui était déjà reparti, sans même un regard. « J’en ai marre de nettoyer derrière toi. » Lâchai-je, avec hargne.

Je le portai en sécurité, jusqu’aux rangs de la Rescue Team. Le médecin qui devait prendre en charge les nôtres me héla aussitôt.
- C’était le dernier ?
- Si on exclue Skye, oui.
- Bordel de… va le chercher, Hawk.

Evidemment. Qu’on annule la poursuite ne devrait pas l’enchanter. Le repli fut bientôt ordonné, le dernier CERBER récupéré. Je compris rapidement pourquoi à voir l’incendie se propager à toute vitesse. Des tirs de suppression traversaient la fumée. On commençait à ne plus distinguer les alliés des ennemis dans cette purée de pois. Pour couronner le tout, ma vision thermique devenait inutile, brouillée par les flammes. Mod de désignation sur Skye Lane. Et celle-ci était la meilleure. Hurricane en était réduit à utiliser son ciblage pour m’indiquer où était mon coéquipier. « Skye, t’es où putain ? » J’aurais mieux fait de ne pas le perdre de vue. Je pouvais encore faire demi-tour en prétendant ne pas l’avoir trouvé. Cible désignée. Et merde.

Forcément, il était en plein milieu des flammes. Je m’élevai à nouveau dans les airs, tournoyant à toute vitesse pour m’en prémunir, comptant sur le métal de mes ailes et la vitesse pour les défier. « Qu’est-ce que tu fous ?! » Lui hurlai-je, alors qu’il était penché sur un cadavre avec une expression des plus morbides. « Planque-toi ! » Je le forçai à se coucher, à couvert, en même temps que moi. D’autres tirs, encore. Il ne tenait décidément pas à la vie. Et moi un peu trop à la sienne. J’aurais dû le laisser crever, les réflexes avaient la vie dure.

Un flash lumineux éclaira brièvement l’horizon, avant que notre couvert éclate dans une gerbe d’acier. Je compris avec un temps de retard qu’il n’y avait pas un seul mutant capable de générer des explosions ou des flammes, mais deux. Mon bras métallique en maigre protection ne suffit pas à contrer tous les éclats tranchants, certains s’enfonçant dans mon derme en m’arrachant un grognement sonore. J’attrapai Skye sous les épaules sans lui laisser le choix, m’élevant aussitôt dans les airs en espérant mieux y respirer, et mieux y voir. C’était peine perdue. Un autre flash lumineux éclaira la nuit, promesse de mort. J’étais maintenant certain que ce type tirait des lasers par ses yeux. « Déclenche ton pouvoir immédiatement ou je te lâche de cette hauteur ! »

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“Qu’est-ce que tu fous ?!” lui gueule dans l’oreille(tte) ce gros connard de Blake. Et à Skye de virer de bord, de relâcher de son attention morbide la carcasse dégueulasse sous lui et de s’enfoncer les doigts pour en retirer cette saloperie d’oreillette qui lui nique le tympan. Oreillette qu’il dégage dans les flammes. Voilà. Voilà maintenant le calme est revenu (le calme : nulle part). Voilà. Voilà maintenant il peut se concentrer (autour de lui : tout flambe et les odeurs et la fumée étouffent). Alors, lorsque Blake lui ordonne de se planquer, Skye ne l’entend pas. Skye de nouveau absorbé par sa compréhension de la saloperie gluante devant lui. Dans laquelle son arme continue de jouer. Et la masse de Blake l’écrase au sol. Sans qu’il ne saisisse le pourquoi au comment et encore moins le parce que. -Pourquoi- ils sont au sol. -Comment- Blake est apparu si vite. Et le -parce que- est un grand point d’interrogation. La peur en aberration rayée de son existence. Skye n’imagine pas qu’on le souhaite en vie. Skye n’imagine tout simplement pas faire (res)surgir dans les tripes de Blake un quelconque instinct de protection.
Les tirs traversant la purée de pois et fusant non loin de leurs barbaques, Skye n’en prend conscience que plus tard. C’est une balle ricochant et ratant son épaule qui le ramène à la réalité. La réalité de carnage et d’enfer sur Terre dans laquelle il a perdu pied. Dans laquelle son esprit s’est envolé (ou calciné) ; dans laquelle le monde s’est effacé. Skye et ses délires ou Skye et ses désordres. Skye et la parcellisation pure et simple de sa cognition à trop voir (autant que faire) couler le sang.
Explosion lumineuse. Débris de béton et d’acier. Un souffle si puissant que les paupières se ferment et les corps se ramassent sur eux-mêmes. Détonations multipliées et diffractées. Et toujours plus de brisures et fragments et pierres et toujours plus de chaos et toujours plus de nuées et exhalaisons toxiques pour lui (leur) remplir les bronches. Skye tousse sous les nuages de poussière soulevée. Skye tente de se débattre et de l’envoyer plus loin - ce gros connard de Blake. Car Skye ne supporte pas qu’on le touche, et ce même si c’est pour le protéger. Skye ne comprend plus rien ; aveuglé et blessé ; des douleurs nouvelles pour lui inonder le système nerveux tels des signaux épileptiques. Skye s’est mangé des esquilles dans la gueule et dans les bras et dans les jambes. Et si toutes n’ont pas pénétré sa viande, il commence pourtant à juter son rouge.  
Bras sous les épaules. Sa silhouette arrachée du sol autant que celle de Blake. Pour rejoindre les hauteurs. L’empyrée les reçoit et Skye bat des paupières et Skye arrête de se débattre puisqu’il n’y a plus de sol sous lui. Puisque ses épaules, Blake va les lui déboiter. Et il hurle, finalement. Pas de peur jamais de peur - mais de colère toujours de colère d’une rage qui lui inonde les veines et lui fait flamber les muscles. Des sons inintelligibles - afin qu’on le lâche sans le lâcher et qu’on le laisse et qu’on le ramène à terre et qu’il a mal putain qu’il a mal dans cette position à chier. Son hémoglobine lui macule la face, lui badigeonne l’œil droit.
“Déclenche ton pouvoir immédiatement ou je te lâche de cette hauteur !” et avant que Blake ne termine sa phrase des nouveaux rayons traversent le clair-obscur du ciel et les prend en cible. Et avant qu’il(s) ne comprenne(nt) la déchirure semble lui ouvrir la panse et lui ouvrir le crâne. Cette putain de déchirure qui le défonce ; Skye ferme sa gueule car Skye se néantise. Skye redevenu une grosse merde de mutant sans l’ambitionner une seule seconde. Son organisme répondant et contrant l’urgence immédiate d’une proche atomisation. Skye suspendu dans les cieux à engloutir tout sur son passage. Pas un bruit - ou seulement celui des explosions qui continuent en bas - des fuites de gaz des bâtiments éventrés, de l’incendie qui dévore les rues. Et Skye avale sans ouvrir la bouche. Trou noir annihilant l’existence des autres mutants autant qu’il éteint ce qu’il reste de ce pan de la ville.
En bas, les dernières saloperies de mutants s’éparpillent et se dispersent comme autant de rats dégoûts pris dans les faisceaux du jour. En bas, les tirs s’espacent jusqu’à disparaitre pour ne laisser qu’un rien toujours ce rien ce rien monumental qu’il a provoqué. Plus rien qu’une normalité froide et métallique ; Blake qui le retient quand lui à l’intérieur s’effondre. Ses mutations de saloperie de mutant pour le brutaliser plus surement qu’un coup de poing dans la trogne ou un coup de genou dans le ventre. Skye, désormais, est un tombeau de chairs. Il a avalé sa race, sans sourciller. Et il ne bouge plus et il ne crie plus et il ne rigole plus et il n’aboie plus. Skye pris dans son mutisme en horreur et honte entrecroisées. Skye qui se déteste plus qu’il déteste le monde. Skye qui aurait préféré que les rayons sortis des orbites de l’enculé de mutant sous eux les transpercent ; à devenir étoiles filantes à travers le dôme céleste.
Et Blake redescend - les redescend. Et Skye continue, persiste, dans son mutisme. Ses semelles retrouvent le sol - un sol qui, lui, ne colle pas tant il est surchauffé. Ses quilles tremblent et ne le portent pas. Les rotules claquent l’asphalte autant que ses paumes. Et il percute qu’il n’a plus ses armes et il s’en fout. Et il percute qu’il est accroupi devant ce gros connard de Blake comme un gros connard de soumis et il s’en fout. Et sa déchirure de cannibale à sa race qui le déchire continue, en silence elle aussi, de lui ruiner l’encéphale. Autant qu’elle l’alimente. Autant qu’elle lui répare l’intérieur et lui évite de trop pisser son hémoglobine par les trous. Car Skye ne contrôle rien ; et si Skye ne contrôle rien, Skye ne sait pas faire refluer l’absorption pas plus qu’il n’en contrôle la puissance de frappe. Skye en trou noir métaphysique ; dévoreur et dévoré. Et la migraine lui tabasse les tempes et la migraine devient tant agressive qu’il se met à geindre, sans s’en rendre compte. Le sang qui lui dégouline de l’arcade à l’œil à la commissure, le sang qui désormais lui gicle hors du pif. Skye se démolit de l’intérieur.
Une révolte lui fait pencher la tronche. Sa colère le reprend derrière son calme apparent et sans prévenir, Skye se redresse - Skye bondit. Et sa masse s’abat sur celle de Blake qu’il écrase au bitume. A califourchon sur lui, le poing levé qu’il lui abat une première fois en plein dans la gueule. Et à Skye de lui postillonner son rouge. Parce qu’il doit se venger. Il doit se soulager. De la douleur en horreur en honte qui lui ravine la cervelle et plus encore le corps - tout entier.
Skye, pour la première fois, entre en contact direct, en contact physique, avec ce gros connard de Blake. Skye lui enfonce ses phalanges dans la pommette et la joue. Sa peau à sa peau. Cette peau qu’il ne supporte pas qu’on lui touche ou seulement quand et comme il le décide. Et il n’y a pas une parole échangée pas une insulte plus un cri. Seulement ses phalanges qui retournent aussi sec dans la face de Blake, avant qu’on ne le soulève en arrière. Avant qu’on ne l’arrache à Blake. Des bras pour lui tirer les épaules, autant que le buste. Et son corps qu’on retient de percuter de nouveau le corps de Blake, dans un méli-mélo de bras anonymes qui le contraignent - de medic ou d’égal ; Skye n’en sait rien. Skye est aveugle. Skye est bouffé par sa colère en vortex.
Ses jambes flanchent une nouvelle fois. Et son regard valdingue en l’air et son crâne se gorge de sang. Skye se redresse et repousse les bras ; et repousse et repousse encore ; et se dégage enfin. S’écarte. Et s’éloigne de plusieurs mètres, à la recherche de son équilibre et des pourtours du monde. Sa patte écrasée sur sa figure pour en virer l'hémoglobine qu’il étale davantage. La déchirure enfin reflue et avec elle, Skye dégobille ses tripes. Courbé en avant, les mains agrippées à ses cuisses et son rien en rien qu’il crache, son repas de midi à moitié digéré qui rejoint le bitume, et ses râles en mélodie.
Tout est de la faute de ce gros connard de Blake. Tout est de la faute à l’altitude, ouais. La faute à ce gros connard de Blake et l’altitude, évidemment.


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Cet idiot paraissait tellement surpris de me voir débarquer… à croire qu’il avait relégué aux oubliettes tout instinct de préservation. Je l’agrippai avec force, d’autant plus en constatant que son oreillette n’était plus en place. « Putain ! » Qu’est-ce qu’il en avait fait exactement ? Elle était tombée durant le combat ? Ou ce chien fou s’en était débarrassé ? Ce serait la meilleure, tiens. J’avais envie de le secouer. Peut-être que si je le faisais suffisamment fort, sa cervelle finirait par lui jaillir des yeux, et j’aurais au moins une certitude : qu’il en avait bien une. Veiller sur ce mutant instable était bien la dernière chose que j’avais envie de faire. Il ne restait plus que lui et moi, au milieu de tout ce chaos. Et je n’avais pas le temps de régler mes comptes. Pas si je voulais que nous repartions tous les deux en vie.

Skye ne me rendait pas la tâche plus aisée. Il se débattait avec force dans mon emprise, comme s’il cherchait à se débarrasser d’un de ses ennemis. J’en étais peut-être bien un à ses yeux. « Arrête tes conneries ! » Il saignait autant que moi, la chair attaquée par le métal. Je ne ressentais même pas la douleur, tenu par l’urgence de la situation. Si on restait là, nous étions morts.

Alors je pris mon envol sans attendre, l’emportant dans mon sillage. Mais si je nous croyais à l’abri, l’éclat lumineux en contrebas me détrompa bien vite. Je n’étais pas certain de voler assez vite pour nous empêcher de finir carbonisés sur place… ou alors, il fallait que je lâche Skye. De cette hauteur, c’était le condamner. Ma mise en garde n’en était pas tellement une. S’il ne se servait pas rapidement de son seul putain d’atout de mutant, j’allais bien finir par devoir le lâcher ou m’en servir de bouclier humain. Dans un cas comme dans l’autre, il mourrait en se révélant utile pour changer. Une belle mort pour un mutant comme lui, n’est-ce pas ?

Son hurlement me vrillait les tympans. Son silence, étrangement, n’en fut que plus terrifiant encore. L’éclat lumineux s’éteignit. Bientôt, il n’y eut plus que les déflagrations perpétrées par les armes à feu, alors que els CERBER au sol dispersaient les mutants restants. C’était la débandade. Au milieu des flammes et de ce décor postapocalyptique, il n’y avait finalement plus que des merdeux privés de pouvoirs qui ne comprenaient pas ce qui leur arrivait exactement. Les cueillir fut facile. En un instant, la situation s’était retournée à notre avantage… et je compris à nouveau pourquoi mes supérieur.e.s toléraient un élément aussi instable que Skye dans nos rangs. Putain qu’il était utile. « T’aurais pas pu faire ça plus tôt, connard ? » Je résistais à l’envie de le laisser tomber malgré tout, le reposant au sol sans le ménager pour autant. J’étais rincé, et lui aussi. Skye ne tenait même plus sur ses jambes, comme anéanti par l’usage violent et soudain de son pouvoir. Je ne lui tendis pas une main secourable pour autant. J’avais mes limites.

« On en est où ? » Demandai-je, sans détour, dans l’oreillette. « On vient d’arrêter le dernier dans la zone. » C’était l’occasion ou jamais de les poursuivre mais… l’ordre de repli me revint, comme une claque en pleine figure. Et les gémissements de Skye me forcèrent à baisser la tête vers lui. J’étais prêt à réclamer une aide médicale quand mon collègue bondit vers moi sans crier gare. Je n’eus pas l’occasion d’émettre un son, le souffle coupé avec l’impression de m’être pris un boulet de canon. Rien ne pouvait me préparer à encaisser une telle déferlante.

Le premier coup me brisa net le nez. J’étouffai dans mon propre sang en levant mes bras en maigres défenses. Le sang qu’il me postillonna à la figure me força à fermer les yeux et me détourner de lui. Dans un coin de mon esprit, Hurricane se mit en mouvement, les serres tendues en avant en direction de Skye. La machine froide le détectait comme une menace à annihiler sans tarder. « Non ! » Le son de ma propre voix me parut étranglé, comme si quelqu’un d’autre avait prononcé ses mots. C’était étrange de se voir à travers les yeux du robot. En sang, dominé. Que ça aurait été tentant de lâcher la bride à Hurricane, de voir ses serres lui briser proprement le crâne...

Il me fallut une seconde interminable pour annuler l’ordre d’exécution. Une seconde interminable qui lui permit de me remettre encore un coup en pleine face, m’explosant cette fois la pommette, mon crâne percutant le bitume, avant qu’on ne le soulève pour le détacher de moi. J’étais sonné, mais pas assez pour ne pas vouloir lui rendre au centuple. Je respirais à peine mieux, ce qui restait suffisant pour crier avec rage. Je cherchais à me rapprocher de lui. On tenta de m’en dissuader avec force. Un CERBER vola en cherchant à retenir mon bras métallique. Un seul poing de celui-ci lui arracherait proprement la mâchoire…

« Blake, STOP ! Ça suffit tous les deux ! C’est un ORDRE ! » Un bras posé sur mon autre épaule me força à rester en arrière. Je serrai les poings, le regard haineux. Mon nez pissait le sang jusqu’à maculer le devant de mon uniforme. Skye s’était écarté pour vomir plus loin. Nous faisons peine à voir, ce qui ne nous empêchait pas de vouloir encore en découdre. Dans mon dos, le soupir de notre supérieur était dépité. « Emmenez-les tous les deux en cellule vingt-quatre heures, ça leur rafraîchira les idées. » Je lui lançai un regard interdit, me sentant vaguement trahi. Quitte à être enfermé en cellule, j’aurais au moins aimé pouvoir rendre les coups.

~~~

La nausée me guettait. J’avais un mal fou à respirer par le nez, mais chaque inspiration par la bouche avait un goût métallique. J’étais en nage, dans un uniforme qui en avait connu des meilleurs. Mon aile droite refusait de se replier, ce qui rendait toute position inconfortable au possible. J’avais à peine eu le droit à quelques soins rapides, véritable porc-épic en métal, alors qu’on me retirait scrupuleusement chaque morceau de ferraille enfoncé dans ma chair… avant de me jeter dans cette cellule miteuse, comme le dernier des criminels.

Le pire n’était pas le confort spartiate de la cellule, c’était que celle-ci soit juste en face de celle de Skye. « Putain qu’on me change d’équipe… » Il n’y avait que les murs pour entendre ma supplique. Notre chef d’équipe avait un sens de l’ironie qui m’échappait complètement. Je recrachai un peu de sang, avant de me laisser retomber contre ma couche, ange déchue à l’aile brisée. « T’es complètement taré, tu le sais ça ? » Lâchai-je finalement à l’adresse de mon coéquipier. « Tu devrais te faire interner, t’as rien à faire à CERBER. Putain de mutant instable… » Je me passai une main sur le visage. J’aurais voulu passer un appel, mais les cellules bloquaient toutes les entrées vers l’extérieur. Je ne pouvais même pas prévenir Willow que je serais absent ce soir, pas plus que je pouvais me réfugier dans l’esprit rassurant de la machine. Merde. Être seul avec moi-même me paraissait déjà insupportable… mais seul avec lui ? La nuit allait être longue.

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Les convulsions de la gerbe et sa saveur de sang. Il suffoque. Des masses dans son dos s'amènent et les emmerdes s’y liguent. Compréhension immédiate. Il n’aurait pas dû cogner un équipier, et plus encore, il n’aurait pas dû virer son oreillette et par la même enculer à sec les ordres de replis. Alors, quand une voix s’élève après une poignée de secondes pour l’avertir de la sanction en punition en ordre ; y a son râle qui dégueule une nouvelle fois hors de ses lèvres. Ainsi que sa bile rose. Torse plié, paluches comprimées sur ses cuisses et la migraine lui pétant le crâne en deux. Ou trois. Ou dix. Il lui faut deux bonnes minutes supplémentaires pour que son corps se calme. Moins d’une pour qu'il foute son cul dans le véhicule qu’on lui désigne. Et moins de deux heures pour rejoindre le mitard.

Cellule minuscule. Un lit de camp contre le mur et une couverture de merde. Une nuit à devoir rester dans cette piaule sans avoir eu le temps de prévenir qui que ce soit. Elvira qu’il aurait dû voir ce soir. Elvira qui le taillera en pièces (à défaut de lui tailler une pipe) de n’avoir eu aucune putain de nouvelles. Des excuses qu’il ne lui filera pas. Au mieux des explications amputées de la moitié des faits. Le flou de ses agissements pour ne pas se faire tailler une seconde fois en morceaux ; du Skye Lane éparpillé partout à travers l’appartement et redécorant les murs.
Ça lui tire un sourire. Le derche sur le sol, l’épine dorsale contre le béton. Le froid sous lui et dans son dos lui congèle les muscles et les nerfs. Il a la trogne encore en sang. Des pansements sur les doigts autant que les bras autant que sur le front la joue et la mâchoire. Sous son futal, des plaies suintent et le démangent. Skye s’amuse à passer le bout de son index dans les déchirures de son pantalon d’uniforme. Chutes et éclats qui auraient pu lui hacher la viande - qui lui ont haché la viande. Sa fabuleuse régénération pour lui sauver les miches et le rendre indolent et parfaitement stupide face au prodige. Lui qui ne s’explique rien, lui qui ne veut pas qu’on lui explique. Mutation en tare qu’il anéantit.
Blake dans la cellule en face de la sienne ouvre sa gueule, la sienne se soulève. Des complaintes envoyées au vide que Skye récupère, indifférent. Son regard s’attarde sur la silhouette de piaf défoncé. Son aile pendante et son air pas plus glorieux que le sien - à ceci près que Skye s’en branle, de son air. A défaut de Blake. Alors, son sourire immanquablement s’ouvre davantage.
”T’es complètement taré, tu le sais ça ?” Blake plus piteux que piteux. Blake un brin rageux.
Sa question en suspens. Skye doute qu’il souhaite une réponse. Une réelle. Une sincère. Et qu’est-ce que la putain de sincérité quand on se retrouve coincé entre trois murs et des barreaux en fin d’après-midi, avec la perspective d’une nuit entière et d’une petite matinée pour digérer ses conneries.
”Tu devrais te faire interner, t’as rien à faire à CERBER. Putain de mutant instable…”
La remarque dans la remarque le fait se lever d’un bond et se coller au métal. Il enfonce son visage entre deux barreaux, sur lesquels ses phalanges se replient. Tignasse hirsute. Skye furax, c’est instinctif, c’est viscéral. Et Skye aussitôt aboie : “Va t’faire foutre,” voilà. “J’suis pas comme eux.
Il n’est pas comme eux - comme ceux qu’il a tués aujourd’hui, comme ceux qu’ils ont fait fuir, comme ceux que le reste de l’unité a peut-être arrêtés ensuite.
J’fais mon taf autant qu’tu fais le tien.” Et Skye se recule, battoir écrasé sur le pif et mouvements d’épaules brutaux. Il se détourne, fulmine en silence. La colère couplée à sa honte lui montant aux joues autant qu’à la gorge. Lui brûlant la peau.
Il n’est pas un mutant - pas vraiment. Il est lui. Avec un truc en plus, d’accord. Avec un bouton on/off lui permettant d’annihiler l’existence, pour quelques minutes, de ces saloperies de monstres. Un bouton on/off qui lui explose chaque fois l’encéphale tant il refuse catégoriquement d’en faire usage.  
J’suis désolé pour ton aile.” Les excuses qui l’étouffent. Il continue de fixer le mur du fond de sa cellule. Nuque penchée, mains dans les poches de son pantalon ; ses mains dont il ne sait jamais quoi foutre. “J’t’ai pas vu dans le viseur.” Les éclats de lumières et la purée de pois due à l’incendie pour lui corrompre les perspectives. Ouisticram trop rapide. Les explications s’arrêtent pourtant là. Les coups de poings, Skye les juge mérités. Les coups de poings pour ne plus jamais le forcer à agir contre sa propre volonté. Pour ne plus jamais subir le contact physique autant que sa mutation lui inondant les veines.
Mâchoires scellées, il se re-claque au mur. Se cale dans un angle. Les genoux pliés. Ses bras encadrent ses tibias. Skye se recroqueville. Inspire et expire, lentement, pour ne pas vriller. Pour faire refluer son sentiment de colère et de malaise lui grimpant du bide au plexus. Hantise de sa race puis de son enfermement. La claustration en horreur et vertige, en angoisse persistante ; ses traumatismes et surtout leurs séquelles se rappellent à lui.
Skye, par trois fois, s’empêche de gueuler qu’il doit sortir d’ici et qu’il a compris. Endurer et la fermer. Formaté à ne pas vociférer et se dresser contre réprimandes et brimades de la part de ses supérieurs.
J’suis pas comme eux.” répète-t-il, tout bas. Se persuade-t-il, tout bas. Marmonnement de clébard bousillé. Sa tronche appuie contre ses rotules. Son torse soulevé par saccades.
C’est con,” c’est juste sacrément trop con ouais, car “… ce soir normalement j’allais baiser.” Dévier ses pensées, corrompre sa psyché, se ré-imbriquer à l’instant, au réel, aux faits ; pour échapper à sa hantise lui bouffant les neurones. Les méthodes qu’on lui a apprises et qu’il applique, pour cette fois, soigneusement.
Sa respiration s’apaise. Son bras chute et sa paume droite rencontre le ciment. Sa peau découvre les aspérités du sol. Les grains de poussière et de terre, le lisse du dessous. Ses perceptions rivées sur son environnement. Skye renifle, morve sanglante qui lui glisse dans l’œsophage. Les odeurs qu’il ne perçoit pas tout à fait, le nez trop encombré.
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