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To hell and back | Alice

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To hell and back
@Alice Eyre
09/1850
TW : mentions de manipulation, d'exploitation infantile, de vol, de violences sur enfants
Elle ne savait pas où aller, n’avait aucun endroit qu’elle pouvait considérer comme chez elle. La trahison de son père adoptif et l’emprisonnement par Icarus avaient détruit ce qu’elle appelait alors sa maison et sa famille. Et voilà que trente ans plus tard, elle se retrouvait dans la même situation, abandonnée par ceux qu’elle aimait, laissée seule par ceux qu’elle considérait comme sa famille. Tous partaient dans des directions opposées, comme si finalement la seule chose qui tenait en place les Nightbringers étaient leur haine pour Icarus. Elle pouvait se sentir bien bête d’avoir cru qu’une chose plus grande les unissait, qu’au fil des missions, des difficultés, ils avaient créé quelque chose qui dépassait le simple cadre de l’organisation. Elle était tombée de haut en voyant que non, en voyant que même Adalyn s’était empressée de les quitter une fois le travail accompli. Des Nightbringers, seule Darla lui avait proposé de rester avec elle, seule elle et Alice restaient ce qu’elle avait le plus proche d’une famille. Elle resta ainsi plusieurs mois chez son amie, à travailler pour son mari, à aider aux tâches, à vivre enfin comme une personne normale.

Mais elle se sentait comme un poids, comme un ajout indésirable dans cette famille bien réelle. Ils étaient unis, et elle n’était que cette Nightbringer qui n’avait nulle part ailleurs où aller. Et plus la santé d’Alice déclinait, plus sa sensation grandissait, jusqu’au point où elle décida qu’il était mieux pour tout le monde qu’elle parte, qu’elle trouve sa place dans un monde qui n’avait jamais voulu d’elle, qu’elle aide à son tour comme Darla l’avait aidée, trente ans plus tôt, à se sortir d’une errance sans but, sans repères, sans espoir.



Installée dans le bureau qui était jadis celui de son père adoptif, elle comptait les pièces accumulées dans des sacs grossièrement fabriqués. Autrefois voleuse pour le compte d’un homme qui l’avait manipulée durant quasiment toute son enfance, elle était désormais à son propre compte. Tous les jours, elle se rendait à Londres, usait et abusait de ses pouvoirs pour s’infiltrer chez les grosses pointures de la capitale et récupérer ce qu’ils ne devraient, selon elle, pas posséder. Elle ne cherchait pas à s’enrichir, ne gardait pratiquement rien de ce qu’elle gagnait. La maison transformée en orphelinat clandestin, elle avait besoin de cet argent pour nourrir toutes ces petites bouches qui comptaient sur elle pour survivre. Ils étaient une dizaine à vivre ici, incapables de lire, pas plus capables d’écrire, chargés de missions facilement réalisables par des gosses aussi peu privilégiés qu’eux. Mais contrairement au père, elle ne donnait rien d’illégal, ne demandait à aucun de ces enfants de voler pour elle, de mendier pour elle, de faire glisser en douce de la contrebande pour elle. Elle avait vu ce que ces ordres pouvaient apporter aux gosses, elle avait vu ce qu’une mission ratée avait apporté à sa relation avec Lorcan, cette vie dont elle rêvait et qui fut brisée avant même de commencer. Et elle ne souhaitait ça pour aucun d’entre eux. Ils se contentaient de livrer des journaux, de cirer des chaussures, de sortir des chiens.

La nuit commençait à tomber lorsque l’une des petites entrouvrit la porte d’un geste lent, comme pour vérifier qu’elle ne dérangeait pas. Un regard à l’intérieur, avant qu’elle ne l’ouvre entièrement pour faire face à celle qui se faisait désormais connaître sous le nom de Frances Goldsmith.

« Il y a une dame à la porte qui dit qu’elle veut parler à Beatrix. » A l’entente du nom, elle quitta immédiatement l’argent des yeux, sans trop savoir quoi répondre. Elle avait abandonné ce prénom cinq ans plus tôt, lorsque les Nightbringers avaient laissé croire à un leur mort pour ne plus être traqués. Elle ne pensait pas réentendre ce nom, pas depuis toutes ces années, pas depuis qu’elle avait abandonné l’idée que Darla vienne un jour la voir. Et aussitôt une panique incontrôlable, une paranoïa qu’elle ne se connaissait pas, la saisit à la gorge. Peut-être qu’il ne s’agissait pas d’un originel, peut-être que c’était un agent d’Icarus qui était venu frapper à sa porte. Peut-être que quelqu’un avait balancé qu’ils étaient toujours vivants, qu’ils avaient retrouvé la trace de Darla et, grâce à la lettre qu’elle avait laissé chez son amie, ils venaient de remonter jusqu’à elle. « Mon cœur, dis-lui qu’il n’y a pas de Beatrix ici. » Un simple geste de la tête et la gamine s’éclipsait déjà, refermant la porte derrière elle. Le bureau ne donnait malheureusement pas sur le devant de la maison, et elle se prenait à serrer le poing jusqu’à s’enfoncer les ongles dans la peau, en attendant que la petite revienne. Elle hésitait, esquissait un mouvement pour se lever avant de se raviser. Au bout de quelques minutes qui lui semblèrent être des heures, l’enfant revint, ouvrit la porte de la même façon que précédemment. « Elle dit que quand Beatrix est partie, elle était très malade, et que Beatrix avait laissé un mot pour dire à sa maman de la retrouver ici. »

Elle s’était redressée d’un bond. La description ne correspondait qu’à une personne qui pouvait la connaître. Mais c’était impossible, Frances en était persuadée, ce n’était tout bonnement pas possible qu’elle soit toujours en vie. Son état quand elle était partie ne laissait déjà presque plus de place à l’espoir, et rien n’avait pu la soigner. « Je descends, reste là et ne laisse personne rentrer. » Elle devait en avoir le cœur net, et tant pis s’il s’agissait d’un piège. Cinq ans qu’elle ne l’avait pas revue, cinq ans qu’elle avait laissé cette gamine curieuse aux milles questions derrière elle. Et presque autant d’années où elle l’imaginait morte, enfin épargnée du mal qui la rongeait depuis toujours. Elle descendit les escaliers presque en courant, ne prit pas le temps de vérifier qu’elle était présentable en arrivant devant la porte qu’elle ouvrit d’un geste rapide, prête à réagir s’il ne s’agissait pas de celle qu’elle s’imaginait. Mais c’était bien elle, vivante, visiblement en bonne santé. Elle était là, devant sa porte, comme un fantôme revenu du passé. Elle aurait aimé, en cet instant, lui poser des centaines de question, mais rien ne sortait de sa gorge. Pas un bruit, pas un seul filet d’air, elle était comme paralysée devant cette femme autrefois rongée par la maladie, aujourd’hui resplendissante, comme dans un état de grâce.

« Alice ? », parvint-elle tout juste à articuler. Il lui fallut quelques secondes de plus pour réaliser que c’était bien elle. Quelques secondes où elle resta amorphe, avant de plaquer la jeune femme contre elle dans une étreinte sans doute beaucoup trop forte. Elle finit cependant par la relâcher avant de la tuer, puis jeta un regard aux alentours, espérant voir une autre silhouette dans les environs. Mais il n’y avait rien, sinon les quelques habitants qui vivaient non loin d’ici. « Rentre, ne fais pas attention aux gamins… AU LIT ! » Elle lui indiqua alors le salon, refermant la porte derrière elles après avoir vérifié une dernière fois qu’elle était bien seule.

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tw : troubles psychologiques, décès, violence

Son monde n’avait plus de sens. En fait, il était mort en même temps qu’elle, détruit, brisé, saccagé, en un millier de petits morceaux laissés par terre, piétinés par d’autres. Et j’avais beau vouloir les recoller, mes doigts ne cessaient de s’écorcher face aux débris tranchants, mon sang se répandant, encore et encore, sur le sol, ma peau claire, manquant de me laisser exsangue. Pire que tout, son monde s’était effondré sur lui-même, comme avalé par un trou noir, et lui avait recraché une vie de douleurs et d’incompréhension, une vie de deuil et de désespoirs. Aux côtés de ses deux petits frères, qui ne comprennent pas, n’assimilent pas l’horreur qu’ils ont vécu, leurs âmes se déchirant en lambeaux face à l’horreur de ce dont ils ont été témoins. Et leur souffrance m’étouffe, menace de me submerger, comme un tsunami d’émotions que je ne parviens pas à maîtriser.

Car plus rien n’a de sens.

Et tout m’échappe, inlassablement.

Les gens hurlent sous mon crâne, atomisent mes atomes, lacèrent mon âme de leurs émotions contraires, de leur hypocrisie et de leur immoralité, de leurs failles et de leurs faiblesses. J’ai l’impression d’être une éponge, dont on se sert pour essuyer les pots cassés, en boucle, sans jamais s’arrêter.

Depuis que je suis sortie de ce foutu cercueil, j’ai l’impression d’être un fantôme, une âme en peine étourdie par son nouveau don. Je ne contrôlais déjà pas grand-chose avant, mais aujourd’hui…

Je n’ai plus qu’une solution. Je suis allée sur la piste des autres Nightbringers, cherchant désespérément de l’aide quelque part. Lorcan semblait en avoir plus besoin que moi, alors je l’ai épaulé. J’ai eu récemment une touche pour retrouver Osmond, mais rien de concret encore. Billie ne répondait pas à l’appel. Et mon père… mon père était devenu le démon dont j’avais eu toujours peur. Ne restait que cette étrange correspondance entre ma mère et Beatrix. Une adresse. Jetée sur un vieux papier, daté de plusieurs années. Un seul espoir.
Le seul phare dans la nuit qu’il me reste.

J’ai laissé Octavian et Liam derrière moi pour ça et je refuse de revenir les mains et le cœur vides. Je ne le supporterai pas. Alors je me tiens devant la supposée maison de Beatrix, que l’on m’offre un premier refus, moi aussi, je refuse d’abandonner. Ça ne peut pas être vrai. Je dois bien avoir un peu de chance dans ma vie… Et la porte s’ouvre, dévoile la silhouette d’une femme qui m’a tant manquée, que je ne l’aurais pas cru possible. Beatrix est l’un des derniers ponts qui la relient encore à ma mère, à Darla qui me manque terriblement, qui me manque tant chaque jour que j’ai l’impression qu’on m’enfonce un poignard dans le cœur à chacune de mes inspirations.

Et le fantôme est statue.

Physiquement, parce que l’explosion dans son aura est comme une déclaration de guerre pour mon esprit. « Alice ? » Les lettres se détachent les unes des autres, s’animent sous mes yeux, tandis que je me laisse happer par la vague d’émotions de Beatrix. Je me fonds dans son esprit, dans la douceur de ses sentiments, et tandis qu’elle m’enveloppe de ses bras, j’ai l’impression qu’elle berce aussi mon cœur, qu’elle appose un cataplasme sur mon esprit à vif et sanguinolent. « Rentre, ne fais pas attention aux gamins… AU LIT ! » Les mots n’ont pas vraiment de sens, comme un automate, j’avance dans le salon, un bourdonnement particulier vrombissant à mes oreilles. J’ai l’impression de devoir m’ouvrir la cage thoracique pour en sortir mon cœur galopant comme un étalon sauvage, pour le déposer devant ses pieds. Une offrande. Pour m’excuser de ce que je vais devoir lui annoncer. « Beatrix, tu es là. C’est toi. Mon Dieu. Je suis désolée, je n’ai pas eu tout de suite connaissance de ton adresse et je… » Les pensées qui s’égarent, effacées comme si elles avaient été léchées par les vagues d’un océan colérique. « Est-ce que… ça va ? » Comme un halètement que je le lâche sans pouvoir le retenir, la tête vide maintenant que je suis face à la réalité. « Les… enfants ? » Les tiens ? Pensées qui se télescopent, deuil qui menace d’obstruer ma gorge. C’est trop dur. Je ne vais pas y arriver.

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Beatrix se fraya un chemin entre jeux en tous genres et meubles, refoulant du pied ici une peluche, là une balle que les enfants avaient laissé sur place en partant se coucher en catastrophe. A la lueur des bougies, l’endroit paraissait presque propre mais elle savait qu’elle regorgeait de pièges cachés un peu partout, prêts à s’attaquer au moindre pied qui aurait le malheur de croiser leur chemin. D’un geste de la main, elle poussa vers le sol ce qui pouvait se trouver sur le canapé, avant d’indiquer à la jeune femme qu’elle pouvait s’installer ici. Elle se dirigea ensuite vers un meuble maintenu fermé à clé, tira sur la chaîne qu’elle portait autour du cou jusqu’à avoir la clé en main puis l’ouvrit, révélant à l’intérieur du meuble toutes sortes de bouteilles, autant de petits bonus qu’elle s’octroyait lorsqu’elle visitait les demeures pour y trouver de quoi nourrir les enfants et payer tout ce qu’elle avait à payer. « Je suis désolée, je n’ai pas eu tout de suite connaissance de ton adresse et je… » Encore penchée vers le meuble, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en écoutant les excuses d’Alice. Elle n’avait pourtant rien à se reprocher, alors qu’elle se trouvait dans un état catastrophique lorsque Bea avait quitté leur domicile. Elle s’était imaginée, pendant un moment, que ce serait Darla qu’elle verrait un jour sur son palier, lui annonçant qu’Alice n’était plus de ce monde. Mais finalement, c’était la fille qui se trouvait derrière elle, resplendissante, dans une santé qu’elle ne lui avait jamais connue. « C’est bien moi. Et ne t’excuse pas voyons, c’est plutôt à ta mère de… »

Elle s’était retournée au moment de prononcer ses derniers mots, avant de se taire en plein milieu de sa phrase. Elle n’y avait pas vraiment prêté d’attention en lui ouvrant la porte, en l’enlaçant, en l’invitant à l’intérieur. Mais maintenant que l’excitation de la revoir diminuait, que ses sens semblaient revenir à la normale, elle la voyait enfin. Cette aura différente de celle qu’elle avait connu des années plus tôt. Autrefois pâle, maladive, elle était maintenant brillante, d’une clarté presque aveuglante. Et, surtout, tachetée. Elle ne les voyait que depuis peu, au prix de douleurs oculaires immenses, mais elle avait rapidement compris ce que signifiaient ces spots sur son aura, ce qu’ils impliquaient. « Est-ce que… ça va ? » Elle ne répondit pas immédiatement à la question d’Alice, le regard figé sur elle, le cerveau tentant de comprendre comment elle avait pu devenir elle aussi une mutante alors que le laboratoire avait été détruit. Darius ? Ce vampire n’était plus parmi les Nightbringers lorsqu’ils prirent le laboratoire d’assaut. Mais aurait-il pu, d’une manière ou d’une autre, y pénétrer et voler la formule des scientifiques ? Aurait-il pu, aussi odieux fut-il, l’injecter dans sa propre fille ? « Les… enfants ? » Elle sortit finalement de son état de torpeur lorsqu’Alice mentionna les petits dont elle s’occupait. Et le sous-entendu était plutôt évident. Elle ne saurait dire si elle les considérait comme les siens ou non, si elle était juste cette dame qui les nourrissait à leurs yeux ou si entre eux s’était établi une véritable relation. Elle le savait pour certains, mais pour la majorité, elle n’en avait strictement aucune idée. « Ça va, désolée… Les orphelins et abandonnés de Whitechapel. La situation était mauvaise quand j’étais petite, elle a empiré avec l’arrivée massive des Irlandais. Ils occupent la place, et ces gosses n’ont nulle part où dormir et rien à manger. Ici au moins ils sont en sécurité, ils ont un toit et de la nourriture, ils peuvent apprendre à lire et écrire et qui sait, peut-être qu’ils sortiront un jour de ce quartier… » Finalement, elle pouvait le dire sans trop d’hésitation, après la perte des deux premières, ces gosses des rues étaient devenus sa famille. Mais rapidement, l’aura de la jeune femme occupa ses esprits, parasitant tout le reste. Elle ne comprenait pas, et ça la tuait. Elle s’installa alors sur le canapé, la bouteille dans une main, les verres dans l’autre, posa le tout sur le peu d’espace qu’il restait sur la table avant de remplir les deux récipients. Puis elle se tourna vers celle qu’elle considérait comme une nièce lorsqu’elles vivaient ensemble chez les Nightbringers et prit ses mains dans les siennes. Des centaines de questions se battaient dans son esprit, à un point où elle ne savait pas par où commencer. Fermant les yeux durant une demi-seconde, elle fit intérieurement le tri, puis se lança. « Alice… qui t’a donné le serum ? » La petite avait beau connaître les capacités de l’originelle, elle n’était pour autant pas au courant que celles-ci avaient évolué, lui avait offertes une nouvelle vision de ce qui l’entourait, et qu’elle pouvait dorénavant identifier humains et mutants, purs et corrompus. « Que s’est-il passé après mon départ ? »

Elle avait besoin d’en avoir le cœur net. De ne plus imaginer mille et uns scénarios qui avaient pu faire d’elle une mutante, qui l’avaient menée jusqu’à la lettre qu’elle avait laissé pour Darla, qui avaient dirigé ses pas jusqu’ici seule, sans Darla, sans cette amie pour qui battait encore son cœur malgré l’absence et le silence.


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Un canapé. Des meubles. Une maison. Cela ressemblait presque à un foyer. Mais pas le mien. Plus le mien. Je ne sais même pas si je parviendrai un jour à en construire un autre. Si je me sentirai à nouveau chez moi quelque part. Je croise le regard de deux gosses qui galopent dans les couloirs, le cœur gonflé au bord des lèvres, prêt à obstruer ma gorge, à me renvoyer six pieds sous terre, comme la dernière fois, étouffant. M’arrachant les ongles contre le bois, contre ma peau, lacérant les chairs pour espérer m’en sortir.
Assise sur le canapé. Comme un fantôme qui respire encore. Et Beatrix qui se déplace vers le meuble, pour extirper une clé – vers une résurrection ? Elle extirpe quelques bouteilles, et mon cœur bondit dans ma poitrine – effectivement, voilà un genre de renaissance qui m’accompagne un peu trop. J’ai trouvé dans le fond d’une bouteille des réponses qui me manquaient. Ou en tout cas, un bout de discours qui efface le vide qu’ils ont laissé en déchiquetant tout sur leur passage. « Et ne t’excuse pas voyons, c’est plutôt à ta mère de… » Cœur qui se brise à nouveau. Je crois que j’en entends nettement le bruit. Un crac qui retentit dans ma cage thoracique et se répercute jusque dans ma mâchoire, pour finir par mourir sur mes lèvres.

Les orphelins, oui, terrible.

Orpheline.

Nouvel uppercut qui me cueille avec violence, et je jette un regard perdu à la bouteille, priant presque pour qu’elle la débouche, pour qu’elle anesthésie toutes les pensées horribles qui tourbillonnent sous mon crâne. Et les lieux sont emplis d’une aura, eux aussi, les enfants que j’ai vu ont laissé leur trace, et tous les gens que j’ai rencontrés pour arriver jusqu’ici ont laissé leur empreinte sur ma langue. Je tente de me protéger de l’inquiétude de Béatrix, de ses émotions volatiles qui s’enroulent autour d’elle comme une cape protectrice.

Quand elle me tend enfin un verre, j’ai l’impression de rendre l’âme, de me briser en mille morceaux avant de me reconstruire par une première gorgée. Et voilà que Beatrix s’empare de mes mains. J’ai envie de me reculer, de les arracher, de la supplier de ne pas me toucher, tandis que tout ce qui fait d’elle, elle, tente de forcer le barrage de mes pensées. Ça martèle mon crâne, demande à entrer, l’anxiété et l’incompréhension, les méninges qui tournent en boucle, comme des étalons lancés en plein galop, que je ne parviens pas à retenir.

« Alice… qui t’a donné le sérum ? — Billie l’a donné à Darla. Darla me l’a inoculé. » Question simple, réponse simple. Voilà, faisons ça ; je peux répondre à tout ce qu’elle me demandera, pour un peu qu’elle ose. « Que s’est-il passé après mon départ ? » Question simple. Réponse simple. Il n’y avait pas besoin de passer par mille chemins pour l’avouer. « Je suis morte. Puis Darla a été tuée. » Je ne pouvais pas dire les plus simplement.

Je ne pouvais pas les dire autrement.
Puis, je me mets à pleurer.
Pas des gros sanglots.
Rien d’incommensurable.
Mais les larmes glissent de mes paupières, qui ont déjà trop pleuré, pleuré, pleuré, et c’est silencieux et torturant, parce que j’ai appris à pleurer dans le silence pour ne pas perturber mes petits frères, qui ont recommencé à dormir avec moi, après ça. J’ai essayé d’être forte. Pour nous trois. Mais les cauchemars m’assaillent. Les longues griffes noires des monstres s’acharnent sur mon esprit, prêts à me détruire de l’intérieur. Et puis je ne sais pas quoi faire. Je n’ai jamais été conçue pour survivre. J’ai toujours su que je mourrais jeune. Je n’ai jamais songé à l’avenir. Mon âge était déjà une bénédiction – dont les dernières années avaient été douloureuses et laborieuses, même si je faisais tout pour combattre la maladie. Pour rendre fière Billie.

Alors il faut que les mots continuent de pleuvoir, peut-être pour accompagner les larmes que je ne parviens pas à retenir et qui viennent mourir sur mes lèvres, comme l’histoire que je tiens à lui raconter. « Je suis morte, et je me suis réveillée dans mon cercueil. Le temps que je revienne à la maison, je… Darius l’avait tuée. » Je serre le verre dans ma main, menace de le faire exploser entre mes doigts. Je ferme les yeux, quelques larmes encore accrochées à mes cils filant sur mes joues. « Il l’a déchiquetée, sous les yeux de mes frères. Puis, il m’a laissée avec son cœur, et deux enfants traumatisés. » Je serre les mâchoires, prends une nouvelle gorgée. Les larmes se sont taries. Juste un instant. « Et tu sais ce que donnent des enfants traumatisés dans leur genre. » Des mutants.

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« Billie l’a donné à Darla. Darla me l’a inoculé. » Elle espérait ne pas l’entendre, ne pas valider ce qu’elle redoutait au fond d’elle sans jamais vraiment se l’avouer. Elle espérait sincèrement que la formule qui avait permis de créer le sérum ait disparu avec le reste du laboratoire parti en flammes, que ces expériences menées par Icarus ne pourraient jamais être répétées, que le malheur qu’ils avaient subi tout au long de ces quelques mois appartenait au passé. Mais Adalyn avait détruit tous ses espoirs, elle avait récupéré la formule, l’avait sauvée des flammes. Un pincement au cœur, tandis qu’elle se rend petit à petit compte que malgré leurs liens, malgré cette amitié qui s’était rapidement formée entre elles, elles ne l’avaient pas mise dans la confidence. Addie était-elle partie, juste après la mort supposée des derniers originels, pour ne pas avoir à révéler la vérité ? Darla lui aurait-elle dit qu’elle avait le sérum en sa possession, qu’elle comptait l’utiliser sur Alice, si Bea n’était pas partie ? Victime d’incompréhension, de doutes, elle ne sait pas tout à fait comment réagir à cette nouvelle, ne trouve qu’une nouvelle question en réponse à la révélation de la désormais mutante.

« Je suis morte. » Le choc, il lui semble que son cœur vient de louper un battement, que quelque chose en elle vient de se briser sous les mots d’Alice. Le temps lui-même semble ralentir jusqu’à devenir parfaitement immobile, alors que le souffle de Bea fut coupé sans même qu’elle ne s’en rende compte. Morte, le mot résonne dans sa tête, lui donne le vertige, l’empêche de penser correctement. Durant de longs mois, possiblement de longues années, elle avait rêvé de subir ce sort, de se débarrasser de cette immortalité dont l’avait affligée Lorcan, de ne plus vivre la douleur et la peine causées par la trahison de celui qu’elle aimait. Mais qu’Alice ait subi ça… « Puis Darla a été tuée. » Le second choc, la réplique bien plus violente que la première secousse. Et immédiatement, ces larmes qu’elle parvenait à retenir jusque-là brisent le barrage mental qu’elle avait érigé en catastrophe. Quand bien même refuserait-elle d’y croire, quand bien même s’offrirait-elle dans un déni des plus confortables, elle sait qu’Alice ne lui mentirait pas, pas sur quelque chose comme ça, pas sur le destin de Darla. Le film de leurs derniers moments passés ensemble, avant qu’elle ne parte de chez les Eyre, repasse devant ses yeux. Et les premiers regrets font déjà leur apparition ; Darla a été tuée, peut-être qu’elle ne l’aurait pas été si Bea était restée avec eux. Lentement, elle remonte la main jusqu’au visage d’Alice, glisse le pouce sous l’œil de la brune, incapable de dire quoi que ce soit, incapable de trouver les mots capables d’exprimer ce qu’elle peut ressentir, toute cette peine qui l’afflige, toute cette colère qui gronde en elle.

« Comment ? » De simples mots, une simple question qui pourtant appelle une réponse qu’elle sait douloureuse, qu’elle imagine comme un gourdin prêt à s’écraser sur elle, à briser organes et conscience. Elle reste là, immobile, attrape machinalement son verre pour boire un coup dans l’espoir, sans doute, que l’alcool amenuise ce sentiment qui tente de la dévorer de l’intérieur. Jusqu’à la phrase fatidique, jusqu’à ce que Alice ne lui dévoile le meurtrier de sa meilleure amie, cette créature immonde qui deviendrait sa proie. « … Darius l’avait tuée. » Le verre se brise entre ses doigts et sur les quelques éclats tombés au sol s’écoulent les premières gouttes de sang. Mais elle ne sent rien, l’esprit s’enferme dans une colère qu’elle peine à maintenir, d’une haine qu’elle peine à cacher. Le monstre, le vampire, le manipulateur, cet être abject qui n’aurait jamais dû intégrer leur groupe, qui n’aurait jamais dû se rapprocher de Darla. Elle avait tenté de la prévenir maintes et maintes fois, de lui faire voir ce qu’était réellement cette chose derrière le masque qu’il portait auprès d’elle. Jamais elle ne l’avait écoutée, jamais elle n’avait pris en compte son avis sur lui. Et il l’avait tuée.

Elle entend Alice lui raconter comment tout ça s’était passé, et les mots ne sont que de l’essence jetée sur un feu déjà instable, prêt à dévorer tout ce qui peut se trouver sur sa route. Elle fulmine intérieurement, ne prend toujours pas conscience du verre brisé collé à sa peau. Le regard fixé sur les yeux de la brune, presque vide, comme si elle s’était déconnectée du monde réel pour se retrouver dans un songe.

« Je suis désolée… » Désolée d’être partie, désolée de ne pas avoir été là alors qu’elles avaient besoin d’elle, désolée de n’avoir rien su de cette tragédie durant toutes ces années. Elle qui pestait que Darla ne venait jamais la voir, elle qui espérait qu’Alice puisse un jour aller mieux… Inconsciente, ignorante, elle s’en veut, se reproche sans doute bien plus de choses qu’elle ne le devrait. Au fond, pour avoir déjà failli y passer, elle sait qu’elle n’aurait pas survécu à une attaque de ce monstre furieux, qu’elle serait morte avec elles si elle n’était pas partie avant que tout ça n’arrive. « Quand tout cela s’est-il passé ? » Elle ne parvient pas à trouver grand-chose de plus à dire, le choc encore présent, le cerveau encore endolori, ses sens comme plongés dans un brouillard qui semble infini. Elle remarque finalement, en baissant les yeux, le nectar rougeâtre sur sa main, lâche un juron en se levant pour chercher une serviette dans l’un des meubles. Darla n’est plus là. La vérité lui donne un autre uppercut, le déni se brise en autant d’éclats que le verre, et ça fait mal. Rarement dans sa vie avait-elle connu pareille sensation, et dieu qu’elle aimerait que ça s’arrête, qu’elle ne soit pas condamnée à voir tous ceux qu’elle aime mourir. Mais elle ne peut pas se focaliser sur ça pour le moment, elle ne peut pas se laisser aller alors que des enfants comptent sur elle, alors qu’Alice se trouve sur son canapé, alors qu’elle l’a retrouvée après tant d’années, après une mort et une résurrection, après qu’elle ait tout perdu. « Tes frères… ils ont éveillé leur mutation ? Et toi ? La résurrection mise à part. »

La malédiction de l’éternité qu’elles partagent désormais, condamnés à subir les années et les siècles à venir. Elle pose la serviette désormais entachée de son sang sur la table, se rapproche du canapé avant de poser une main sur l’épaule d’Alice. « Cette maison appartenait à mon père. » Adoptif, et traître, quand bien même ne le dit-elle pas. « Elle a toujours accueilli les enfants qui avaient besoin d’un toit. Tu n’es plus une enfant, mais tu es la bienvenue ici. » Reste, aimerait-elle lui dire, pour qu’elle puisse penser à autre chose, pour qu’elle ne parte pas à sa chasse.



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Les mots pulvérisent l’aura de Beatrix, qui se répercute jusque dans le moindre de mes os. Je n’arrive pas à démêler exactement ce qu’elle ressent, noyé dans l’océan de mes propres inquiétudes, mais je sens que ce n’est pas positif. Même sur l’histoire de ma survie. Mais comment cela pourrait l’être ? La majorité des Nightbringers se sont fracassés contre cette étrange immortalité qu’il leur était attribuée.

Mais le véritable choc, c’est à l’annonce de la mort de ma mère. Évidemment. Cette vérité continue de lézarder chaque aspect de mon esprit, tandis que j’essaye de m’occuper des mes petits frères qui ne comprennent pas. Mais je ne comprends pas plus. Car rien ne semble plus avoir de sens depuis que le monde s’est éteint sous mes yeux. La voilà qui cueille ses larmes du bout du pouce, et je tente de retenir tous les sanglots par une digue autour de mon cœur. Je suis heureuse que Beatrix soit là. Que je l’ai enfin retrouvée. Et… et je suis aussi dévastée, car ce n’est pas ma mère. Car elle ne pourra jamais effacer la peine qui ravage mon cœur et mon esprit, car elle ne pourra jamais représenter cette aura protectrice qui m’a sauvée la vie, à mainte reprise. Encore une fois. Même dans sa mort.

« Je suis désolée. » Elle l’est réellement, la tristesse noyant se couleurs bleuâtres l’aura qui danse autour d’elle. Ça aussi… ça aussi, c’était quelque chose que je ne maîtrisais pas. Quelque chose qui filait sous mon crâne, à m’en coller de terribles migraines. Arriver jusqu’ici a été d’une difficulté sans pareille, moi qui reste enfermée depuis des semaines à l’intérieur. De peur d’être submergée par ce don qui me dévore. Je suis désolée, moi aussi. Désolée de ne pas avoir été à la hauteur, même si je ne sais pas dans quelle mesure j’aurais pu protéger Darla du monstre qu’est mon père. Qui a saccagé chaque pan de ma vie avec une application particulière. J’espérais que ces mots m’apaiseraient. Mais non. Rien ne le peut.

« Quand tout cela s’est-il passé ? — Il y a quatre ans. Je… je vous ai cherchés, ensuite. Les Nightbringers. J’ai mis du temps à retrouver votre piste. » Et à comprendre ce qui m’arrivait. Ce qui arrivait à ma famille, qui se délitait sous mes yeux. J’efface les larmes qui n’ont de cesse de me harceler, comme si la plaie était encore à vif. « Mais j’ai l’impression que c’était hier. » Je prends une autre gorgée, la bouche sèche et pâteuse.

« Tes frères… ils ont éveillé leur mutation ? Et toi ? La résurrection mise à part. — Ça a été très dur pour Octavian. Il n’a pas été gâté, et il est encore si jeune. J’ai fait de mon mieux mais… » Mais ça ne m’a jamais semblé assez suffisant. Beatrix évoque d’ailleurs le problème. « Et ma propre mutation ne m’aide pas. Bon sang, Beatrix, comment faites-vous ? » J’ai l’impression de voir le monde se construire et se détruire sous mes yeux, à chaque seconde qui passe. Je suis noyée sous les émotions de tout le monde, dont je n’ai rien à faire. La noirceur des âmes, l’optimisme des autres, l’amour écœurant ou destructeur… tant de sentiments que j’aimerais repousser, saturant la bande passante de mes pensées.

« Elle a toujours accueilli les enfants qui avaient besoin d’un toit. Tu n’es plus une enfant, mais tu es la bienvenue ici. » Mon cœur se brise un peu, de satisfaction et de reconnaissance, car l’honnêteté se déploie en ailes électriques autour de celle qu’elle a toujours considéré comme une tante, ou quelque chose comme ça. « Merci. » Elle ne réalise pas combien ces mots me touchent. Combien ils apaisent le trou béant dans ma poitrine. J’ai besoin d’aide. J’ai besoin de quelqu’un. J’ai besoin d’un adulte, parce que je suis encore une petite fille, au fond, une petite fille blessée qui n’a jamais vraiment eu l’occasion de grandir normalement. « Mais je ne m’attarderai pas. Mes frères ont besoin de moi. Je dois juste… je dois juste me ressaisir. Essayer de comprendre comment mon pouvoir fonctionne, car je ne peux pas les aider si je ne suis pas en forme moi-même. Quatre ans enchaînée à des vies qui ne sont pas les miennes. « Est-ce que tu pourrais m’aider avec ça ? » Pitié, que je semble insinuer. J’ai l’impression que tout mon corps est frappé de coups, martelé par des forces trop puissantes pour moi. Et je ne sais même pas si elle pourrait être en mesure de m’aider à les dompter.

ft. @Beatrix Turner
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09/1850
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« Il y a quatre ans. Je… je vous ai cherchés, ensuite. Les Nightbringers. J’ai mis du temps à retrouver votre piste. » Elle aurait tant voulu être là pour elles. Pour sauver Darla, pour qu'Alice n'ait pas à vivre sa première mort, pour qu'elle n'ait pas à découvrir ce cadeau empoisonné qu'est l'immortalité. Sans doute n'aurait-elle pu rien changer de ce qui était arrivé ce jour-là chez les Eyre. Probablement aurait-elle été tuée en même temps que sa meilleure amie, victime des crocs de cette abomination sur pattes qu'était Darius. Mais toutes ces pensées rationnelles, cohérentes et finalement justes ne font pas le poids face à ce sentiment de culpabilité qui vient tout terrasser sur son chemin. Elle était partie de chez il y a environ quatre ans. Et elle ne peut s'empêcher de réaliser qu'à quelques semaines près, peut-être même quelques jours, elle aurait été là pour tenter de les aider. Elle se doute qu'il l'aurait tuée... mais serait-elle revenue à la vie, réanimée par cette eau qui coule désormais dans ses veines ? Elle aurait pu tester cette théorie, encore et encore, pour permettre à Darla de survivre, pour lui permettre d'être là au moment où Alice revenait à la vie. Tant de pensées qui se bousculent dans sa tête, et qu'elle ne peut totalement effacer quand bien même l'envie est là. Alors elle tente de changer de sujet, de ne plus avoir à penser à cette amie éternellement perdue, à cette vie désormais derrière elle et condamnée à devenir de plus en plus floue jusqu'à disparaître, un jour, de sa mémoire. Elle pleurera plus tard, quand elle se retrouvera seule face à son chagrin, quand elle n'aura pour seul compagnon qu'un immortel deuil.

« Bon sang, Beatrix, comment faites-vous ? » Elle aimerait avoir une véritable réponse à sa question. Elle aimerait bien lui donner une procédure magique qui lui permettrait de se contrôler d'un claquement de doigts. Mais elle-même ne sait pas comment ils ont fait, comment elle a pu faire pour ne plus être éblouie par les auras des autres, comment elle a pu faire pour remarquer la différence entre les auras humaines et mutantes, comment elle a pu faire pour manipuler sa propre aura et se rendre imperceptible. Tout juste pourrait-elle dire la douleur ressentie chaque fois que son pouvoir a évolué, cette déchirure ressentie dans tout son être. Mais elle connait probablement déjà tout ça pour l'avoir vécu elle-même. « On improvise, essentiellement... » Et c'est la meilleure réponse qu'elle peut lui donner. Tous ont improvisé, ont pris la casquette d'experts en mutations, ont joué avec leur pouvoir jusqu'à découvrir leurs limites, ce dont ils étaient capables, et les faiblesses qui arrivaient avec le paquet. Pour le reste, rien n'était écrit, et ils n'avaient nul mentor capable de les aider. Ils étaient livrés à eux-mêmes, dans des conditions inimaginables, qu'aucun être humain ne devrait vivre.


« Merci. » Logée derrière Alice, la main sur son épaule, elle esquisse un sourire face aux remerciements de la brune. Avant qu'elle ne refuse l'invitation, ses frères ayant besoin d'elle. Elle ne parvient pas à masquer la petite pointe de déception qui vient lui gratter la gorge, quand bien même elle comprend qu'elle ne peut fuir ses responsabilités auprès de ses frères. Bea, elle aussi, est dans cette situation avec les orphelins de Whitechapel. « Est-ce que tu pourrais m’aider avec ça ? » Elle ne répond pas immédiatement, semble se terrer dans un silence temporaire pour mieux chercher quoi répondre. Elle ne sait rien du pouvoir d'Alice, ne sait pas si elle serait capable de lui venir en aide. Mais elle sait qu'elle ne peut pas le lui refuser, comme elle n'a jamais rien pu lui refuser. Elle se souvient encore de cette gamine curieuse, qui lui posait mille et une questions sur ses capacités. Elle se souvient encore de cette véritable bouffée d'air frais dans un quotidien oppressant, étouffant. D'un geste lent, d'une douceur qu'elle se pensait incapable d'avoir, elle retire la main de l'épaule de la jeune femme et place les bras autour de sa tête pour l'enlacer. « Évidemment. » Elle reste quelques secondes ainsi, à profiter de ce contact qu'elle avait perdu depuis des années, à se remémorer les souvenirs d'une vie parfaite, aujourd'hui disparue. « Viens avec moi, on va commencer les préparatifs. »

Bea se redresse alors avant de s'avancer dans le couloir pour prendre les escaliers, vérifiant de temps en temps qu'Alice soit toujours elle. Elle rentre ensuite dans le bureau où elle était quand la brune est arrivée, ce bureau interdit à tous les enfants sauf une, celle qui fait office d'assistante. En face de la porte se trouve le bureau, en bois, encerclé par des chaises côté visiteur et un fauteuil de son côté. A côté du meuble, une étagère impressionnante où s'accumulent livres et manuscrits écrits par elle-même. Point d'ambition littéraire pour celle qui ignorait tout de la lecture et de l'écriture jusqu'à ses 12 ans. Des listes à n'en plus finir, des descriptions, des noms entourés. Et à côté de chacun des noms anonymisés, une croix. Car nul originel n'avait survécu à la guerre qui les avait opposés à Icarus. En s'installant à sa place, elle retire l'un des carnets sur lequel elle commence à écrire tout en invitant Alice à s'asseoir en face d'elle. « Décris moi ton pouvoir, essaie de rentrer au maximum dans les détails. » Elle pose un instant le stylo, semble avoir une seconde d'hésitation. « Avant qu'on ne commence, sache que ça ne va pas être facile. Et je ne parle pas uniquement de contrôler ton pouvoir. L'immortalité, ça va t'obliger à vivre et voir des choses difficiles à encaisser. Tes frères... ils l'ont ? »


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Même si je respire sa douleur et sa peine, j’ai l’impression d’être rentrée à la maison. Que quelqu’un, enfin, va pouvoir prendre les choses en main. Même sur la fin, je n’avais jamais été considérée comme une véritable adulte – toujours comme la petite sur laquelle on devait veiller. D’un autre côté, ils étaient tous tellement puissants et importants… Alors me retrouver d’un coup avec toutes ces responsabilités, et tout ce que je ressens décuplé puissance mille…  

Même la culpabilité de Beatrix me semble une douce mélodie comparée à celle que j’ai ressenti, celle qui a tout lacéré de ses crocs et de ses griffes dans ma cage thoracique durant ces longs mois d’agonie. Mais je m’attendais presque à ce qu’elle m’offre une formule magique, envie d’une enfant qui n’a jamais vraiment grandi, qui croit encore aux contes de fées alors que sa vie s’est transformé en tragédie grecque. « On improvise, essentiellement. » Évidemment, ce n’était pas la réponse que je désirais. J’aurais aimé une carte au trésor ou un claquement de doigts.

Et alors qu’elle semble hésiter à m’aider, elle finit par se résoudre, me cueillir dans ses bras pour accepter de me guider quant à mes dons. Je ne sais même pas si c’est possible, si elle en est capable, si j’en suis capable, mais je me dois d’essayer. Je ne peux pas rester toute une vie cloîtrée chez moi parce que je suis incapable de côtoyer du monde. « Viens avec moi, on va commencer les préparatifs. — Maintenant ? »  Ma voix monte plus dans mes aiguës car je ne m’attendais pas à ce que l’on gère ça… dès mon arrivée. Mais au fond, elle a raison – je ne peux pas rester toute une vie ici, alors Bea va me donner quelques conseils, et puis… peut-être dormir ici, échanger quelques souvenirs, avant de relever les nombreux défis qui m’attendront encore.  Je finis rapidement mon verre – faudrait pas gâcher – avant de lui emboîter le pas. Beatrix m’emmène jusque dans son bureau, où je découvre une immense bibliothèque croulant sous les livres. Elle me demande de m’asseoir en face d’elle et je m’exécuté, la gorge serrée, les émotions encore en pagaille.

Elle me demande de décrire mon pouvoir, me rappelle les enjeux de la situation. « Rien n’a jamais été facile, Beatrix, ni pour moi, ni pour vous. Pour personne, je crois. Je ne sais même pas si tu pourras faire quelque chose pour moi. J’ai parfois l’impression d’être un cas désespéré, comme mon père avant moi. » Je serre les mâchoires de songer à cet homme que j’ai si longtemps haï. Ou en tout cas, c’est ce que je crois. Mais les émotions qui s’entrelacent concernant mon père sont presque trop complexes pour survivre sous le joug d’un seul nom. La haine ; elle est trop simple et facile pour décrire ce qui nous unit. J’imagine que c’était la même chose pour l’amour que lui vouait Darla. « Je t’avoue que j’ai encore du mal à l’appréhender totalement. J’ai l’impression d’en découvrir un peu plus chaque jour. Mais concrètement, il y a une forme colorée autour de chaque personne que je côtoie, et la couleur correspond à une émotion. Parfois, elle est difficile à dénouer parce qu’on ne ressent jamais qu’une chose à la fois, mais plus elle est puissante et plus elle m’indispose, car je le ressens moi aussi. Les foules.. les foules me paralysent complètement, comme si j’étais totalement embourbée dans les émotions des autres. Et puis… » Cette fois-ci, je pince les lèvres, car je ne suis pas certaine d’apprécier ce versant-là de mon pouvoir. « J’ai l’impression que je peux les influencer. Au début, quand mes petits-frères étaient trop énervants, je le faisans sans m’en rendre compte. Comme si je voulais étouffer tout ce qu’ils ressentaient pour que ça ne m’atteigne pas. Quand je m’en suis rendue compte, j’ai eu la trouille. Ce n'est pas… » Je serre les mâchoires. « Ça ne se fait pas. Mais je ne peux pas simplement fermer les yeux au sujet de cette faculté, je dois apprendre à la maîtriser, au risque de la laisser s’échapper sans faire attention. »

Quand je songe à mes petits frères, mon cœur se serre d’autant plus. Je dois le faire pour eux. Pour les protéger… d’eux-mêmes, de moi, de tout. « Et pour mes frères, je ne sais pas encore. Ils continuent à grandir en tout cas, et je t’avoue qu’on ne va pas les tuer pour tester une théorie. » J’aimerais faire de l’humour, mais c’est seulement grinçant. « Moi-même je… eh bien, je n’en sais rien : c’était peut-être juste une carte joker, une deuxième chance que l’on m’offre dans la vie. Je ne suis pas sûre de vieillir et je ne suis pas tombée malade depuis, mais qui sait ? Peut-être qu’une balle pourrait me tuer. Pour de bon, cette fois-ci. » Et étrangement, maintenant que je suis revenue à la vie, je n’ai pas très envie de la perdre à nouveau.

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