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Quelques jours sont passés depuis que Zoey a pété les trois quart de l’électroménager et de la vaisselle. J’ai tout nettoyé et remplacé. Enfin, presque tout. Les restes de son bol de céréales trainent toujours au sol. Oh, j’ai viré la bouffe, mais les morceaux de vaisselle sont toujours là. Question de principe. Une guerre d’usure totalement puérile mais qui, j’en suis presque sûr, m’a valu une œillade amusée ce matin.

Toujours est-il que je sais pas vraiment sur quel pied danser avec ma fille. Ses révélations, notre discussion – ou plutôt notre engueulade – continue de tourner en boucle dans ma tête. Dire que je me sens coupable est un putain d’euphémisme. Il aura fallu toutes ces années pour que ça me revienne enfin en pleine gueule, pour que je commence tout juste à vraiment comprendre à quel point j’ai pu faire du mal à la personne la plus importante de ma vie. C’était facile de l’ignorer jusque-là, ou de me dire que sa mère lui suffisait, que sa vie allait très bien sans que je sois dans l’équation. Et c’était peut-être vrai d’ailleurs. Sauf que Moira est plus là.

Un soupir alors que je referme mon ordinateur portable et que je me frotte le visage à deux mains. J’essaie de me raccrocher au concret, à ce qui est important. Elle m’aime presque autant qu’elle me déteste. C’est que c’est pas totalement foutu. Et elle m’a laissé l’approcher. Un peu, mais ce qu’il faut pour que je réalise l’étendue des dégâts. A quel point c’est irréparable ? Seul l’avenir nous le dira. Mais cette fois, j’ai pas envie de fuir. Il faut que j’assume, quoi que ça me coute au final.

« Zoey ? » La porte de sa chambre s’est ouverte et une masse de cheveux rouquin est apparue. J’attends qu’elle tourne la tête vers moi et je souffle, un peu hésitant. « J’ai… pensé à un truc. » Je la laisse se rapprocher et j’ajoute, me frottant la nuque. « Avant tout, il faut que tu saches qu’avec ta mère, on avait prévu de t’offrir un cybermon pour tes 18 ans. » Qui approchent à grands pas, mine de rien. J’aurais aimé ne pas avoir cette discussion, j’aurais aimé que sa mère soit là pour lui offrir directement mais là, j’ai comme un doute sur le fait que l’idée même de fêter son anniversaire puisse l’effleurer. « On avait acté ça et… le jour de sa disparition, elle est allée l’acheter. Enfin, elle avait prévu de le faire en tout cas, on en avait parlé le matin tous les deux. » L’acompte a en tout cas été bien déduit de mon compte en banque, depuis la carte que je lui avais laissée en cas d’urgence. Je l’avais totalement zappée et il m’a fallu cette discussion avec Zoey pour que ça me revienne. A rien voir sur ses comptes à elle, je m’étais convaincu qu’elle avait pas eu le temps de le faire, tout simplement. Mais visiblement, non. « J’aimerais aller à la boutique. Et que tu viennes avec moi. Choisir ton cadeau. Entre autres choses. » J’ai pas vraiment d’espoir sur ce que ça pourrait donner. Mais on sait jamais. Ce sera peut-être – sûrement – un autre coup d’épée dans l’eau. Mais je lui ai dit. J’arrêterais pas de chercher tant que je serais pas sûr de ce qui a pu lui arriver. Tout comme j’arrêterais pas de harceler les flics en allant les voir tous les jours, sans exception.
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J'te préviens, j'ai la tête dans l'cul ! Elle n'aime pas vraiment être cueillie au saut du lit, Zoey. Elle fait partie de ces gens qui ont besoin d'une bonne petite heure pour émerger et d'un bon petit café avant de s'exprimer. Alors forcément, quand votre père vous saute dessus dès que vous sortez de votre chambre avec cet air qui stipule qu'il a une idée derrière la tête, la rouquine, elle se méfie. T'as... pensé à un truc ? répète-t-elle, suspicieuse. Toi ? Elle plisse les yeux. Oui, c'est vrai, elle ne connaît plus vraiment son père. Les années l'ont partiellement transformé en étranger. Mais elle sait tout de même qu'il faut se méfier de ses idées. Et plus encore, de son enthousiasme matinal !

Mais après une brève hésitation l'adolescente décide tout de même de se rapprocher de son père. Pas seulement pour écouter sa dernière lubie mais surtout, eh, parce qu'il se trouve de toute façon sur le chemin de ses cornflakes. Okay... Oliver et sa mère avaient donc prévu de lui offrir un cybermon pour son anniversaire. Est-ce une manière de lui spoiler son cadeau ou est-ce qu'il y a un intérêt à lui gâcher la surprise ? Et tu crois qu'il y a une piste à explorer de ce côté-là ? Ce n'est pas grand chose mais c'est toujours un début de piste. La piste la plus sérieuse qu'ils aient eu jusque-là, en prime. C'est dire à quel point la disparition de Moira reste un mystère...

La rouquine passe à côté de son père et part enfuir sa tête dans le frigo. Ah, il y a du lait ! Comme quoi si on répète longuement les choses à Oliver, il finit tout de même pas les intégrer. La voici qui se sert un bol tout en décochant un regard à celui qui est toujours brisé, au sol. Ca fait quelques jours qu'il traîne là, abandonné. Ces débris sont devenus le symbole de sa lutte contre l'impérialisme de son père. Et elle a été plutôt claire : elle ne les nettoiera pas la première. Non, elle ne cèdera pas. Le soucis, par contre, c'est que lui non plus. Qu'importe. Un jour il invitera quelqu'un à la maison et il voudra faire bonne impression. La victoire de Zoey est inéluctable. Il faut juste qu'Oliver s'en rende compte, maintenant.

Eh ! T'essaierais pas de m'acheter, là ? En voulant à la fois enquêter et lui offrir un cadeau ? Oh, l'idée n'est pas exactement déplaisante. Zoey ne crache jamais sur des présents hors de prix. Et puis oui, c'est vrai, elle a longuement embêté sa mère pour avoir l'un de ces cybermon qui sont constamment vantés dans les pubs. Tu penses qu'on trouvera quelque chose ? Quelque chose qui justifierait qu'elle se tape sa présence pendant quelques heures ? Ca risque d'être compliqué. Et elle imagine déjà une prise de tête dans cette boutique dont il parle. Voir carrément sur le trajet de cette dernière. Ca va lui demander des nerfs d'acier, et elle le sait. Bon... Pourquoi pas, ouais. De toute façon c'est soit ça, soit aller à l'université. Alors le choix est tout de même assez vite fait. Mais seulement si c'est moi qui joue la bad cop ! Parce que c'est le rôle le plus intéressant et qu'elle n'a pas envie de sourire bêtement à des vendeurs pour obtenir des informations qui devraient leur revenir de droit.

La rouquine rempli son bol avec les céréales, l'inonde de lait frais puis se hisse sur l'îlot central de la cuisine. Et puis après pris une première bouchée elle pointe la cuillère en direction de son père. Et tu m'fous pas la honte devant les gens, hein, non plus ! C'est clairement un avertissement doublé d'une condition supplémentaire. Jure ! Il n'y a rien de pire qu'un père qui vous ébouriffe les cheveux ou qui vous fait la morale devant de parfaits inconnus. Il s'trouve où, c'magasin ? L'idée de traverser la ville si tôt ne l'enchante pas particulièrement. Mais il est question de sa mère et dans le fond, elle irait jusqu'au bout du monde pour elle s'il le fallait.
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Etant du genre particulièrement sympa quand je veux, je lui épargne le couplet du vieux con qui lui balancerait une connerie du genre l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Parce que, outre le fait que c’est complètement une merde que mon père pourrait balancer, je trouve ça aussi débile comme façon de penser. Du coup, je me contente d’arquer un sourcil, lui désignant la machine à café d’un mouvement du menton et mettant de mon côté la bouilloire en route. « Il m’arrive de penser ouais. On dirait que ça t’étonne. » Je sais pas vraiment comment prendre cette répartie, mais qu’importe.

Préférant rester focalisé sur ce que j’ai en tête, j’agite une main dans le vide, comme pour chasser les pensées parasites. « Je sais pas. Mais je supporte pas de rester les bras croisés sans savoir par où commencer. Au pire, ce sera juste du temps perdu et on pourra au moins éliminer une piste. Au mieux… » Un haussement d’épaules. Peut-être que j’aurais enfin un truc à agiter sous le nez des flics pour leur prouver que Moira aurait jamais disparu volontairement. Histoire qu’ils se sortent un peu les doigts du cul. Je laisse filer quelques secondes de silence alors qu’elle remplit son bol de céréales, avant de tousser un rire en secouant la tête. « Franchement, si je pensais que je pouvais t’acheter aussi facilement, j’aurais déjà tenté ma chance. Mais j’ose espérer que ça me coûterait quand même plus cher qu’un cybermon. T’es quand même une Pelhman, un peu de standing quoi. » Nouveau haussement d’épaules quand elle me demande une autre confirmation et je finis par rouvrir l’ordinateur pour le tourner vers elle. « Ces dépenses-là, c’est une carte que j’ai filée à ta mère. Au cas où. Elle s’en sert pratiquement jamais, c’est pour ça que je l’avais zappée et pas consultée donc. Mais j’ai eu un message d’alerte. Et j’y ai pensé quand… hum. Quand t’as parlé d’avoir une de ces bestioles donc. » De là à dire qu’on trouvera quelque chose, franchement, j’en ai aucune idée. « Et ce serait dommage que ta bestiole reste ad vitam aeternam dans son carton non ? »

J’ajoute, levant tout de même un index vers elle. « Pas de bad cop pour le moment. Si j’en veux un, j’appelle Blake et là, j’ai envie de la jouer en finesse tant qu’on sait pas où ça nous mène. T’en serais capable ? » Je la jauge un instant, me demandant bien comment elle va réagir. J’arque un sourcil quand c’est à son tour d’agiter… une cuillère donc, sous mon nez. « Te foutre la honte ? Et comment je pourrais faire ça au juste ? » Pas que l’idée m’ait pas effleurée, mais peut-être un peu. Je suis plus dubitatif sur le fait qu’on arrive à passer plus d’une heure tous les deux sans se prendre la tête, mais faut bien tenter à un moment ou à un autre de toute façon. « Neon's Edge, ça te parle j’imagine. » C’est pas vraiment une question. Le coin est assez connu pour qu’elle y ait déjà trainé un paquet d’heures. Même moi j’y suis déjà allé plusieurs fois, c’est dire. « Tu me supporteras tout le trajet en taxi ? » Soufflé avec une ombre de sourire, alors que je m’attends à ce qu’elle réclame une voiture volante, un jet ou je ne sais quoi.
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Ouais, ça m'étonne un peu quand même... Non, sans déconner, elle sait bien que son père est capable de réfléchir. Et même qu'il est sacrément intelligent. Après tout on ne devient pas un journaliste mondialement réputé avec le quotient intellectuel d'une huître. C'est juste qu'elle aime bien le taquiner, ce père absent dont elle se rapproche - malgré elle - peu à peu au fil des jours, et des efforts de l'intéressé. Mais ravie d'constater qu'il y a encore des trucs qui fonctionnent, là-haut ! Dans cette cervelle qui lui a fait prendre la plus mauvaise décision de sa vie : quitter Moira !

Et elle doit bien admettre qu'il a carrément raison lorsqu'il argue qu'exploiter une piste un peu légère vaudra toujours mieux que de rester les bras croisés. Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait d'Oliver ?! Il semble vraiment sensé, ce matin. C'est parce qu'il ne s'est pas encore enfilé un verre de whisky au p'tit déj' ? C'est... flippant ! poursuit-elle lorsqu'il se rend bien compte qu'un cybermon ne suffira pas à l'acheter. Oui, elle joue la carte de la plaisanterie pour cacher sa satisfaction. Histoire qu'il ne se mette pas à croire qu'il fait juste. La rouquine n'a clairement pas dans l'idée de faciliter leur rapprochement. Elle tient à le laisser dans l'expectative, dans le doute. Ce même doute qui la ronge au sujet de Moira mais aussi, avant cela, au sujet de ce père qui brillait pas ses absences. Combien de fois a-t-elle pu se demander si il l'aimait ? Ou même, si elle n'était pas la cause du divorce de ses parents.

Donc en gros on peut dire que c'est grâce à moi qu'on a une piste, mmh ? ne manque-t-elle pas de relever au sujet de cette carte de crédit qu'il a laissée à sa mère, et de ce relevé qui incarne maintenant l'espoir. Non qu'ce soit vraiment important mais ça m'paraissait quand même utile de t'le faire remarquer... Ne serait-ce que pour lui prouver qu'elle vaut bien plus que ce qu'il peut éventuellement penser. Tu marques un point... concède-t-elle dans la foulée lorsqu'il argue qu'il serait dommage de laisser un cybermon rouiller dans sa boîte. Le pire étant encore qu'il soit vendu à quelqu'un d'autre. J'imagine qu'il n'a pas de mod combat, par contre ? Que ce soit Moira ou Oliver, les deux ont malheureusement compris que refourguer un robot capable de faire du mal aux autres n'est pas vraiment l'idée du siècle...

De la finesse ? Elle n'aime pas cette idée, ni la retenue de son père lorsqu'il question de retrouver sa mère. Et si l'vendeur refuse de nous filer les enregistrements, on fait quoi ? Elle redoute d'ailleurs que ce soit le cas. L'optimisme ne les mènera nulle part. Bon, au pire, ils improviseront. Et dans l'intervalle Zoey lâche un petit ricanement quand son père lui demande comment il s'y prendrait pour lui foutre la honte. Oh, tu sais, j'ai toute confiance en ta capacité à être gênant ! C'est ainsi que va la vie : les enfants ont honte de leur parents à un moment ou à un autre. L'essentiel, ici, c'est qu'il n'y aura probablement aucun camarade de l'université dans les parages immédiats du centre commercial. Bah non, eux, ils seront en cours. Ou en train de cuver. Ouais, vaguement. J'y suis allée avec Meg et Viktor une fois... Neon's Edge est le temple de la technologie et elle suppose que c'est plutôt logique qu'ils y vendent des cybermons.

Mais la question essentielle, c'est surtout de savoir si elle arrivera à supporter son père pendant tout le trajet. Zoey ne sait même pas si elle doit se féliciter - ou non - que son père ait déjà songé à ce petit problème. J'en sais rien, on verra bien. Tu promets d'pas faire de blagues ? Ah, l'humour du paternel... C'est toute une histoire ! T'as déjà commandé le taxi ? Laisse-moi finir mes céréales, enfiler un truc décent et on pourra y aller ! Mais en attendant il lui reste encore à respecter la tradition. Celle qui stipule que chaque matin, inlassablement, elle doit tenter de prendre son père à défaut. Elle pose son bol, recueille un peu dans au robinet dans le creux de sa main et la balance par dessus l'îlot de la cuisine. Droit sur lui. Et le constat s'impose rapidement : Okay, tu contrôles pas la flotte ! Il va falloir qu'elle creuse encore pour trouver sa mutation, on dirait.

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Je fixe ma rouquine de fille, croisant les bras, avant d’esquisser une ombre de sourire. « Je suis ravi que tu sois ravie ma chère. » Et je passe outre le sous-entendu sur lequel je n’ai pas la moindre envie de m’engager, surtout avec elle. Et si je suis tenté de la pousser un peu pour voir ce qu’elle a réellement en tête, je préfère rester focalisé sur ce que j’ai moi-même à l’esprit. J’ai pas la moindre idée de ce que ça va donner, si ça va même donner quelque chose, mais comme je lui affirme si bien, ça coûte rien d’essayer.

Et je finis par souffler, avec une œillade amusée. « Ca te surprend parce que tu m’écoutes pas les trois-quarts du temps. Tu le ferais, ça te ferait moins flipper. » Vu qu’elle s’applique au quotidien à ignorer tant que faire se peut tout ce que je peux lui dire. Au moins, je vais pas m’en plaindre, on dirait que j’ai bien capté son attention pour une fois. Mais après tout, ça doit être épuisant, de tout faire pour m’ignorer ou pour m’envoyer bouler, qu’elle soit d’accord ou pas. Alors ouais, de temps à autre, elle se rate et finit par m’écouter. Ou quelque chose du genre.

Je l’observe tout de même quelques instants, attendant de voir si elle va me poser d’autres questions, avant de finir par hocher la tête. « On peut dire ça si tu veux. » Si ça peut lui faire plaisir. Et visiblement, on dirait qu’elle a besoin d’avoir un rôle actif dans ces recherches, ce que je peux comprendre aisément. « Tu imagines bien. Que ce soit ta mère ou moi, on est pas assez dingues pour te laisser un cybermon avec un mod de combat actif. » Et je pense qu’elle a pas le moindre doute à ce sujet. Du reste, j’ai un soupir, me pinçant l’arête du nez. « De la finesse oui. C’est un mot que tu connais au moins j’espère. Et on avisera si le vendeur refuse. C’est le moment d’apprendre à improviser sans forcément encastrer le type qui nous revient pas ou qui fait pas ce qu’on veut dans le mur le plus proche. Tu crois que t’en es capable ? » Et j’ai un sourire amusé quand elle enchaine avant de souffler, d’un ton malicieux. « Promis, je t’appellerais pas mon petit chardon en public. Pas aujourd’hui en tout cas. » Et elle connait le coin, même s’il semblerait que ce soit juste vaguement. « Ah bon ? Je pensais que tu y étais allée plus souvent. Le temple des nouvelles technologies, c’est pourtant ton rayon ça non ? »

Je fais mine de réfléchir à sa question et j’ai un haussement d’épaules. « J’ai dit que je ferais plus de promesses que je pourrais pas tenir. Alors… je préfère éviter de me prononcer à ce propos. » Et je secoue la tête au reste. « J’attendais de voir si ça t’intéressait ou pas. Je vais en commander un. D’ici une heure, c’est bon pour toi ? » Si elle avait dit non, je me serais téléporté, ce serait bien plus simple pour moi. Mais visiblement, cette option ne l’effleure pas encore. Et je roule des yeux quand elle m’asperge de flotte. « Tu t’es pas dit que je pouvais me maitriser suffisamment pour que mon pouvoir m’échappe pas aussi facilement ? Mais j’avoue que contrôler l’eau, ce serait cool. » J’ai un temps avant d’ajouter, sur le ton de la conversation. « Si tu pouvais choisir, tu prendrais quoi toi ? » A dire vrai, la téléportation m’a toujours collé à la peau et je me vois mal avoir un autre pouvoir. Mais je suis curieux de voir la réponse de ma fille. Et sa réaction, probablement outrée, à l’idée-même d’avoir une mutation. Je me demande aussi si elle a tilté. Que de fait, être ma fille implique qu’elle a le gène. Dormant pour le moment et peut-être pour toujours. Après tout, s’il s’est pas réveillé avec la disparition de sa mère, il peut ne jamais se réveiller.
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T'es hyper optimiste, là ! Elle ne l'écoute pas les trois-quarts du temps, hein, selon lui ? S'il savait... Je t'écoute jamais ! Ce qui est complètement faux mais aussi tout à fait dans sa logique qui consiste à lui faire croire qu'il ne représente plus grand chose à ses yeux. La seule différence avec leurs prises de têtes ordinaires c'est que cette fois, ils parviennent à en plaisanter. Mais Zoey s'en rend compte. Et bien sûr, elle se fait un devoir d'effacer son sourire et ce ton léger de sa bouche. Oliver pourrait croire qu'elle lui laisse une porte ouverte...

Elle affiche néanmoins un petit air satisfait lorsqu'il accepte l'idée que ce soit grâce à elle qu'ils aient une piste. Oui, juste avant d'enchaîner sur un regard agacé lorsqu'elle comprend aussi qu'elle avait raison, et qu'elle peut oublier l'idée que son futur cybermon soit doté d'un mod combat. Et si j'me fais attaquer dans la rue ? demande-t-elle, yeux plissés. Tu sais que j'suis peut-être une cible, hein ? J'suis riche, jeune, intelligente... J'pourrais clairement devenir la prochaine présidente du pays ! Ce qui ferait d'elle une cible, donc. Un mod combat pourrait m'sauver la vie. Et t'épargner bien des remords, aussi ! Si elle essaie de la manipuler ? Non, quelle drôle d'idée voyons ! J'dis ça comme ça... Par le plus grand des hasards et sûrement pas pour le pousser à changer d'avis. Ou alors juste un peu...

Très drôle... enchaîne-t-elle, un brin vexée, lorsque son père lui reproche son manque de finesse. Et puis surtout, qu'il persiste à vouloir user de la manière douce. Ouais donc en fait t'es vraiment un optimiste, quoi ! Zoey en est convaincue : il faut accepter de céder à la violence pour attraper les gens qui s'en sont pris à sa mère. Mais elle sait aussi qu'elle ne fera pas changer d'avis Oliver sur la question. Alors elle roule des yeux et soupire : Très bien ! J'serai giga fine ! Et même un peu plus que ça. J'leur ferai des petits sourires, j'leur proposerai un café.. Et puis s'ils le demandent gentiment, tant qu'à faire, j'pourrais aussi leur filer mon compte en banque ? Oui, bien sûr qu'elle ironise. Tu penses que ce sera suffisant ? Ou faut aussi que j'leur offre ma virginité ? Ca lui apprendra à lui demander si elle se sent capable de se tenir correctement, tiens !

Quant au fait qu'il ne l'appellera pas mon petit chardon en public... Non, vraiment, elle ne trouve pas ça drôle ! Ni en public, ni en privé ! le prévient-elle. T'as p't-être pas remarqué mais j'suis une adulte, maintenant. J'ai passé l'âge pour les surnoms débiles... Même si oui, c'est vrai, ça lui ferait tout de même un peu plaisir d'avoir droit à un quolibet affectif. Mais ce n'est pas la question. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, non, elle n'est pas souvent allée à Neon's Edge. Ca va p't-être t'étonner mais de nos jours, on peut tout acheter en ligne. Et même se balader dans des boutiques virtuelles ! Ca évite de se déplacer et c'est tout aussi efficace. J'te donnerai un cours de rattrapage à l'occasion. Il en a bien besoin. Et il passera sans doute un peu moins pour un boomer, aussi. Même si ça, dans le fond, c'est plutôt marrant. Zoey a tendance a oublier que son père a tout de même connu les débuts d'internet...

Et moi j't'ai dit que j'te faisais plus confiance. répond-t-elle ensuite sur un ton égal lorsque Oliver lui assure à nouveau qu'il ne fera plus de promesses en l'air. Elle le confine dans une impasse. Pas par cruauté, mais simplement pour se protéger. La rouquine agite sa main pour éviter de s'enliser dans ce sujet désagréable puis hoche la tête lorsqu'il est question de commander le taxi. Dans une heure, ouais, c'est bien. Même un peu moins. Plus vite on y sera, plus vite on pourra faire preuve de... comment tu dis déjà ? Ah oui, de finesse ! Elle doit prendre une douche et enfiler un truc potable, rien de plus. Et ils ont déjà perdu assez de temps pour retrouver Moira.

Pas assez, toutefois, pour l'empêcher de continuer à chercher la nature du pouvoir de son père. Et c'est donc un air un peu déçu qui vient conclure sa piètre tentative pour s'assurer qu'il ne maîtrise pas l'eau. Non, j'me suis jamais dit que t'arrivais à te maîtriser... claque-t-elle, agacée, lorsqu'il tente en plus de l'induire en erreur. À ce rythme elle ne trouvera jamais. Je crois que j'aimerais bien pouvoir remonter le temps. répond-t-elle après un instant d'hésitation lorsqu'il lui demande quelle pouvoir elle aimerait bien posséder. Comme ça j'aurais pu protéger maman. Et dans la foulée, avec un peu de chance, sauver notre famille... Elle se dévoile plus que ce qu'elle aurait voulu. Tant pis. Il y a certaines choses qu'il est difficile de cacher, et sa rancoeur en fait partie. Mais qui sait ? P't-être que c'est mon pouvoir ? poursuit-elle, estimant que le propos se prête à une discussion approfondie. Y'a un risque que j'sois une mutante si j'ai bien tout compris, non ? Pourtant tu m'as jamais posé une seule question à ce sujet ! C'est forcément la preuve qu'il se fiche toujours un peu d'elle, et de ce qu'elle traverse. Cette pensée la pousse à se renfermer d'un coup. Ca t'intéresse pas ? Même pas un tout petit peu ?

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Un rire silencieux à sa répartie. « Je me disais bien aussi qu’il y avait une arnaque. »  J’avoue que ça me fait bizarre. De pouvoir parler comme ça avec elle sans que la discussion tourne court d’une façon ou d’une autre. Mais ça me fait un bien fou. De me dire que, peut-être, tout est pas complètement foutu. Que j’ai encore une petite chance avec elle. Je sais que je dois pas m’emballer ni rien, mais c’est difficile de pas avoir envie d’être optimiste.

Je croise les bras quand elle s’emballe sur son cybermon avant de lever un index vers. « Navré de te décevoir mais, dans la mesure où tu n’es pas née sur le territoire américain, je crois que tu pourras jamais être présidente. » Ceci étant dit, j’ajoute, non sans froncer les sourcils. « Dans quel coin tu pourrais trainer pour qu’on risque de t’attaquer dans la rue ? T’es intelligente justement, c’est la meilleure façon de le prouver que de pas trainer aux mauvais endroits non ? » Je la vois venir, à tenter de me filer mauvaise conscience. Sauf que j’ai déjà un trop-plein de ce côté-là.

Du reste, je me contente d’arquer un sourcil à ses paroles. « Disons que j’ai envie de croire que rien n’est jamais totalement perdu. Je me trompe ? » Et je roule des yeux, en parfait miroir de ma fille, quand elle enchaine. « Je suis ravi de savoir que tu as encore une virginité à vendre. » Si elle voulait me mettre mal à l’aise, elle a pas misé sur le bon cheval. « Et si t’essayais d’imaginer que tu… les manipules ? Ce serait pas marrant comme exercice ? » Je me doute bien qu’être appelée mon petit chardon est bien la dernière chose qu’elle voudrait entendre, mais sa réaction outrée m’amuse un peu. « J’ai remarqué que tu étais une adulte, t’en fais pas pour ça. Mais désolé, je pourrais jamais m’arrêter de penser à toi avec ce surnom. On change pas les mauvaises habitudes comme ça. » J’arque un sourcil au reste, avant de reprendre, amusé. « Je sais, les interactions humaines, c’est clairement has been hein. Je me suis déjà baladé dans les boutiques virtuelles mais, pour avoir de vraies réponses, c’est toujours mieux de regarder les gens dans les yeux. »

Si je me crispe quand elle me rappelle qu’elle me fait plus confiance, je me contente d’un hochement de tête, sans chercher à relancer un débat stérile. Lui montrer qu’elle peut le faire sur la durée, y a que ça qui pourra la faire changer d’avis de toute façon. Et j’attrape mon téléphone pour commander le taxi à l’heure dite avant que la discussion ne dérive sur les mutations. Forcément, sa réponse m’arrache un froncement de sourcils. « Sauver notre famille ? » Je la fixe longuement, attendant de voir si elle veut en dire plus, avant de grimacer au reste. « C’est pas vraiment un risque. C’est dans tes gênes dans la mesure où tu es une descendante d’une lignée originelle. Mais ça peut ne jamais se révéler non plus. » Autant être honnête avec elle sur ce sujet. Au reste, j’ai un bref soupir, attrapant mon thé et buvant quelques gorgées, avant de souffler, à mi-voix. « Bien sûr que si ça m’intéresse. Je sais que c’est difficile à croire mais… j’ai toujours suivi ce que tu fais Zoey. Avec beaucoup d’attention. » Je relève la tête, mon regard ancré dans le sien. « Mais je sais que le sujet est compliqué pour toi. Que l’idée même que tu puisses être mutante te rebute, comme elle rebutait ta mère. Peut-être même plus que l’idée d’avoir à en parler avec moi. Alors je voulais éviter de te presser de questions à ce sujet. Je me suis dit que, si tu voulais m’en parler, tu le ferais. J’ai eu tort ? » Peut-être que oui, mais je sais qu’à sa place, j’aurais détesté être bombardé de questions ou oppressé à ce sujet. Et je reprends, fronçant les sourcils. « Jusqu’à ce que ma première déchirure apparaisse, je savais même pas que j’étais un mutant. Mes parents avaient jamais abordé le sujet. Et avec le recul, je me suis dit que, si j’avais su que ça pouvait m’arriver, j’aurais probablement pas eu la même vie. Ca m’aurait mis la pression de savoir si j’avais une mutation, laquelle et j’en passe. Tu vois l’idée ? » Probablement que non. Mais au moins, j’essaie de lui expliquer de façon construite, c’est toujours mieux que faire comme si de rien était. Je suppose.
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Quoi, c'est une vraie loi ? Zoey n'a pas vraiment dans l'idée de devenir présidente des États-Unis mais oui, ça l'agace un peu de savoir qu'elle n'aurait pas cette possibilité le cas échéant. Pourtant j'suis quand même à moitié américaine... Et ça devrait compter. Bordel, même cet autrichien de Schwarzy a réussi à devenir gouverneur. Et il a l'air con comme ses pieds, en prime... Bon, pas grave, j'ferai changer la constitution en amont. On a de quoi payer, non ? Et au pire il restera le financement participatif. Tu sais que t'es horrible ? De dire à ta fille que ses rêves ne pourront jamais se réaliser ? Bon, d'accord, elle exagère un peu. Mais juste un peu. Pour la forme, et pour qu'il se sent un peu con. Parce que c'est rigolo.

Oui, même s'il laisse entendre qu'elle ne se fera jamais attaquer dans la rue, et qu'elle est suffisamment intelligente pour ne pas s'aventurer là où il ne le faut pas. Ca veut dire que maman était conne, elle ? Oui, elle aime bien l'entendre galérer. Elle ne lui rend pas la vie facile et elle en a conscience. Mais là encore, c'est marrant. Écoute... J'dis juste que j'peux faire une mauvaise rencontre un jour. Oui, même si j'cherche pas à la provoquer. ajoute-t-elle. Et tu sais j'dis ça pour toi. Pour ta conscience, quoi. Mais si tu penses pouvoir vivre avec ma mort sur la conscience alors okay, pas d'problèmes... Une piètre tentative de manipulation ? Mais pas du tout ! Non non non !

Ouais, tu te trompes ! confirme-t-elle ensuite lorsqu'il retombe dans l'optimise et prétend que rien n'est jamais perdu. M'enfin c'est pas comme si c'était la première fois non plus. J't'en veux pas. Pas trop. Ce monde a cruellement besoin de gentils rêveurs, en plus. Peut-être que les choses iraient mieux avec un peu plus d'Oliver, et un peu moins de Sept. Zoey pose en tout cas un regard patient sur son père lorsqu'il tente de transformer leur enquête en petit jeu. Attends.. Je rêve où tu m'incites à manipuler les autres par jeu ? L'idée est étrangement plaisante mais un brin éloignée de ce que la morale impose à la plupart des parents. Quant à ces mauvaises habitudes difficiles à changer... J'suis sûre qu'un collier électrique pourrait faire des miracles. C'est qu'une question de persévérance... Et hop, une petite décharge à chaque fois qu'il lui donne un surnom infantilisant et dans quelques semaines, il ne songera même plus à les prononcer. C'est la magie de l'éducation canine, ça. C'est ça, ton super pouvoir ? Lire les sentiments des gens dans leurs regards ? Non, évidemment que non. Si c'était le cas il serait capable de la comprendre, elle...

Et après avoir épuisé la possibilité que son mutant de père puisse contrôler l'eau, elle se retrouve à nouveau - et malgré elle - engagée dans une discussion aussi instructive que déplaisante sur l'héritage du gène mutant. Si c'est pas un risque, t'appelle ça comment ? Une bénédiction ? L'adolescente ricane. Comme si le fait de devenir un monstre était une bonne chose. La retenue et la patience de son père l'exaspèrent. Et ça se traduit par une gestuelle plus tendue quand bien même elle garde le silence alors qu'il continue à s'exprimer. Ouais, Oliver. T'as eu tort ! claque-t-elle. Une fois n'est pas coutume, Zoey ne croit pas aux explications de son père. Enfin... À ses justifications, plutôt. Mais j'aimerais quand même comprendre un truc... Pourquoi tu répètes les erreurs qu'tes parents ont commises avec toi, avec moi ? La rouquine arque un sourcil et se pince l'arrête du nez. Oui, tout comme son père. À quel moment tu as pu te dire que me laisser découvrir ça par moi-même était une bonne idée, hein ? Tu imagines dans quel était j'aurais été si j'avais été une mutante, en découvrant mes pouvoirs ?! Probablement, oui, puisqu'il est aussi passé par là. Vraiment, des fois, elle ne comprend pas son géniteur. En tout cas sache un truc ! Si j'suis comme toi, j'te colle un putain de procès ! Pour mise en danger de la vie d'autrui, abus de confiance et... heu... manipulation ! Plus divers autres petits trucs. Il faudra qu'elle voit ça avec son avocat en temps voulu. Ou pas. Parce qu'elle n'irait tout de même pas jusque-là. Elle veut juste lui faire chier, c'est tout.


Oliveeeeer ! T'es prêt ? crie-t-elle à travers l'appartement. Ceux qui disent que les femmes ont besoin d'une plombe pour se préparer n'ont de toute évidence jamais rencontrés son père. Zoey patiente sur le pas de la porte de l'ascenseur de leur appartement, errant sur son portable pour passer le temps en attendant qu'il veuille bien daigner se montrer. Tu sais, j'ai réfléchi... prévient-elle lorsqu'il la rejoint et qu'ils montent dans l'ascenseur. Non, c'est pas bon pour lui ! T'as dit qu'tu voulais m'laisser venir vers toi si j'avais des questions sur les mutations, pas vrai ? Et j'imagine que ça sous-entendait qu'tu y répondrais honnêtement ? Question rhétorique, rien de plus. Zoey ne lui laisse d'ailleurs pas le temps de répondre. Pourtant dès que j't'ai questionné sur la tienne t'as refusé d'me donner sa nature exacte ! Du coup la procureure a une question pour l'accusé ! Oui, c'est lui l'accusé. Le doute n'est pas permis. T'as pas l'impression qu'il y a, comme qui dirait, un antagonisme entre tes propos et la réalité ? La rouquine ne s'énerve même pas. Au final elle est l'habitude de cette différence entre les faits et ses discours. Mais le jury, lui, il risque de ne pas laisser passer ça à l'heure de rendre son verdict...

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Un bref hochement de tête en réponse. « Oui, c’est une vraie loi. Tu crois que ça m’amuserait d’inventer des trucs pareils ? » J’ai quand même une ombre de sourire quand elle parle de changer la constitution. « J’ai de quoi payer. Toi, je sais pas encore. » Du reste, je la fixe quelques secondes avant d’ajouter, franchement amusé. « Vu que je sais que tu feras de grandes choses de ta vie, j’ai en effet aucun scrupule à te dire la vérité quand c’est nécessaire. » Même si clairement, ce serait plutôt une question de survie pour ce pays qu’elle accède pas à la présidence.

Mais elle arrive à me tendre en un battement de cils. « J’ai dit ça à propos de ta mère ? Non. Sans compter que j’ai jamais dit non plus qu’elle avait pu trainer là où il faut pas. Alors arrête de m’inventer des propos ou des intentions Zoey, c’est déjà assez compliqué comme ça. » Au reste de ses paroles, je me fige et je la regarde, la mine autrement plus sérieuse. « Non. Je ne pourrais pas vivre avec ta mort sur la conscience. Je ne m’en remettrais pas. Pour autant, hors de question que tu te balades avec une arme du genre sur toi. C’est non négociable. »

Je me pince l’arête du nez quand elle continue, laissant filer son commentaire sur mon côté gentil rêveur. Franchement, elle m’épuise quand elle part sur ce terrain-là. Au reste, j’ai un bref haussement d’épaules. « Tu peux le voir comme ça. Moi je dirais plutôt que je t’incite à apprendre à obtenir ce que tu veux sans avoir à recourir à la force. » Parce que vu son gabarit, elle pourra difficilement le faire. Surtout face à des types comme Blake qui peuvent l’aplatir contre un mur d’un coup de poing. Alors ouais, faut faire preuve de subtilité et faire avec les armes qu’on a, je l’ai appris depuis longtemps. Et je ne prends même pas la peine de relever le reste, me contentant de lever les yeux au ciel, avant que le sujet de la mutation ne revienne sur le tapis. « Parce que je considère pas ça comme une erreur. Je préférais rien savoir plutôt que d’espérer ou de craindre quelque chose qui arriverait jamais. J’ai découvert que j’étais un mutant justement parce que mon pouvoir m’a sauvé la vie. Si je l’avais attendu et qu’il était pas arrivé, j’aurais fini cramé dans un incendie. Remarque, au moins, je serais pas en train de me fatiguer à avoir cette discussion avec toi. » Et j’ai un rire sans joie quand elle me menace, une fois de plus. « Et bah, au moins, y a du progrès. Ta mère m’avait menacé de mort si t’étais une mutante. Toi tu me menaces juste d’un procès. Je suis ravi. Fais-moi signe quand tu seras prête. » Sans même attendre une réponse de sa part, je vais me poser sur la terrasse pour souffler un peu, allumant une cigarette alors que je sens le mal de crâne méchamment venir. « Chier… » Dire que Moira me manque est un foutu euphémisme. Je suis incapable de gérer Zoey, elle me déteste beaucoup trop pour ça. « Je vais pas y arriver… » Soufflé dans un murmure, alors que mon regard finit par se perdre dans le vide.

Il m’a fallu de longues minutes pour reprendre une contenance. Et un demi-paquet de clopes. Ouais, ouais, ça craint, je sais. Je garde le silence quand on monte dans l’ascenseur, laissant Zoey dérouler son idée et sans répondre à ses questions rhétoriques. Et, quand elle a fini, je finis par tourner la tête vers elle. « Tu m’as pas demandé correctement une seule fois quel était mon pouvoir. Tu m’as menacé, insulté et j’en passe. Et depuis, tous les matins, tu t’amuses à tester ce que ça pourrait être. Tu l’aurais demandé comme il faut dès la première fois, tu le connaitrais depuis des semaines déjà. » J’ajoute, posant sur elle un regard froid. « Au risque de te surprendre Zoey, j’aime pas quand on me manque de respect. » Et je lève une main dans sa direction. « Je sais ce que tu vas me dire, que je me fous bien de toi, que j’ai pas eu de respect pour toi en étant aussi souvent absent et j’en passe. Sauf que ça n’a rien à voir. Là je te parle de ton attitude et de ta façon de t’adresser à moi. Si tu me parles comme de la merde, t’attends pas à ce que je t’ouvre les bras et que je te confie les choses les plus importantes pour moi. » Une inspiration, alors que ma main retombe le long de mon corps. « Et plus tu la joueras procureure en me traitant d’accusé, moins t’auras de réponse à tes questions. Moi je suis là si tu en as. Sans te juger. Contrairement à toi. » La porte de l’ascenseur s’ouvre et, sans même lui adresser un regard, je me dirige vers la sortie. Merde, j’ai déjà besoin d’une autre cigarette.
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Tu veux qu'on compare nos comptes en banque, p't-être ? Elle le demande sur un air de défi parfaitement juvénile mais avec cette lueur dans le regard qui évoque une forme de satisfaction. Okay mais j'préfère te prévenir : j'suis à peu près sûre qu'tu vas finir roulé en boule sous la table ! Parce qu'elle est blindée, Zoey. Son dernier partenariat avec une marque d'accessoires pour le Metaworld lui a probablement rapporté plus qu'un mois de salaire de son père chez Omnivox. Quant au fait de ne pas avoir de scrupule à lui dire la vérité quand c'est nécessaire... Profite ! Parce qu'un jour tu devras faire comme tous les autres et m'lécher le cul ! Au sens figuré, évidemment, Mais est-ce vraiment utile de le préciser ?

Et bien sûr, ensuite, Oliver nie avoir avancé que Moira était un peu conne. Tu l'as hyper sous-entendu, en tout cas... Et la voici qui lève un doigt - pas le majeur - pour demander le temps de préciser sa position. Si elle a été enlevée, c'est forcément qu'elle trainait au mauvais endroit ! Ca n'arriverait pas dans le Nexus, ça, si ? Elle le laisse cogiter là-dessus. De toute façon elle a raison. Mais pas gain de cause, par contre, vu qu'elle peut oublier un cybermon équipé de mods de combat. Parfois j'ai quand même l'impression qu'tu m'prends pour une tarée, j'te jure... grogne-t-elle, vexée. Mais tu sais, j'l'utiliserais pas forcément à mauvaise escient. Mais il faut choisir ses combats, dit-on. Et celui-là semble perdu d'avance.

Ouais, en gros, tu m'apprends la patience quoi... maugré-t-elle de plus belle, quelques instants plus tard, lorsque son père condamne le recours à la violence légitime. Ou à faire les yeux doux, à minauder ou que sais-je encore... Ces simples idées lui arrachent une grimace de dégoût. Si t'avais eu un fils tu lui aurais tenu le même discours ? Elle en doute un peu. Enfin juste un peu, pour la forme. Et pour mettre Oliver dans l'embarras. C'est con, oui, mais elle adore l'entendre se justifier. C'est l'un de ses nombreux petits kiffes. Et ça rapporte cinquante point de plus s'il est outré dans le processus.

Le regard de la la rouquine se pose ensuite sur la brûlure de son père lorsqu'il évoque son pouvoir, le fait qu'il lui ait sauvé la vie et, plus globalement, le fait que ce gène n'est pas une erreur. Mais ce que Zoey retient ? Donc ton pouvoir est utile pour contrer le feu... Oui, elle sait extirper les informations vraiment importantes d'un discours. Bon à savoir ! Elle progresse. Lentement, mais elle progresse. Même si dans la foulée elle découvrira qu'il ne peut pas contrôler l'eau. Maintenant cette petite victoire ne l'empêche d'adopter un air agacé lorsqu'il accepte l'idée d'un procès sans broncher. Mais plus que ça... Maman savait aussi ?! Putain... Oh mais de mieux en mieux ! Il n'y a que la principale concernée - elle, donc - qui n'en savait rien au final. Je vois que la communication au sein d'une famille est un concept qui vous passe largement au-dessus de la tête ! Le truc cool, par contre, c'est qu'elle a maintenant un prétexte pour faire de même.

Et sur ces belles paroles voici l'adolescente qui disparaît pour se préparer, et retrouver son père plus tard. L'ambiance, quant à elle, n'a pas beaucoup changé. En témoigne la remarque d'Oliver sur le fait qu'il n'aime pas qu'on lui manque de respect. Fallait y penser avant de délaisser ta fille adorée, ça ! rappelle-t-elle. Le respect n'est pas indu, et c'n'est pas parce que tu m'as expulsée d'tes couilles que j'vais t'en témoigner du jour au lendemain ! Elle grimace, consciente d'exagérer un peu sur ce coup-là. Cela dit, j'dis pas, j'suis contente que tu l'aies fait cet... heu... cet effort ! Bref ! Si elle est là c'est quand même grâce à lui. Et il n'a pas tout tort dans son plaidoyer non plus. Après tout elle ne lui facilite pas la vie, et fait souvent ce qu'elle lui reproche. Alors elle se tait quelques instants, et en profite pour appuyer sur le bouton qui les mènera au rez-de-chaussée.

Tu sais, j'aimerais vraiment pouvoir te parler normalement. Et puis ça va peut-être t'étonner mais je sais aussi que je dépasse les bornes avec toi ! reprend-t-elle lorsqu'ils finissent par s'avancer dans le luxueux hall de l'immeuble. Enfin, parfois ! Pas tout le temps ! nuance-t-elle. C'est important. Puis j'me rappelle ce que j'ai pu ressentir pendant des années. Et plus précisément lorsque ma mère m'a dit qu'tu préférais aller t'faire tirer dessus ou traîner dans des ruines ravagées à l'autre bout du monde plutôt que d'rester avec moi ! Ta putain de fille ! Le taxi est là, elle ouvre la porte d'un air rageur et se glisse à l'intérieur. Neon's Edge ! indique-t-elle sobrement au chauffeur, sans parvenir à lui prêter l'attention qu'il mérite. Alors qu'ce soit clair ! Je t'emmerde toi, ton Afrique saharienne et tous les autres endroits où tu t'sentais mieux qu'à mes côtés ! Alors qu'elle restait à Londres, espérant son retour. Et puis forcément, c'est à ce moment-là qu'elle remarque la jolie couleur du peau de leur chauffeur. Merde... Le prenez pas personnellement, hein, surtout ! soupire-t-elle. Elle a le don pour faire des boulettes. J'suis afroaméricain ma p'tite dame ! Ah ! Ben tout vas bien, alors ? De toute façon Zoey se fiche pas mal de la sensibilité de cet homme et de ce qu'il peut penser. Et bien vite son regard accusateur se pose à nouveau sur son père. Ils ont quoi d'plus que moi, hein, les conflits ?! J'peux savoir ? Ca c'est vraiment quelque chose qu'elle n'a jamais pu comprendre. Mais alors vraiment pas !

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J’ai un sourire amusé. « Tu pourrais être étonnée Zoey. Oublie pas d’où je viens. Et que j’avais un grand-père qui tenait particulièrement à son plus jeune petit-fils. » Je dresse un index devant elle. « Et je sais aussi combien toi tu gagnes, je suis celui qui gère tes comptes, l’oublie pas. » Quant à lui lécher le cul comme elle dit si bien, ça risque pas d’arriver. Je le fais déjà pas avec mon père, c’pas pour commencer avec elle.

Je prends même pas la peine de relever quand elle parle de nouveau du cybermon et qu’elle tente de me la faire à l’envers, me contentant de lui jeter un regard dépité. Regard auquel s’ajoute un profond soupir. « Vrai que c’est le conseil que m’a donné mon père et que je suis une fille. Si j’avais eu un fils, je lui aurais tenu exactement le même discours. Encore une fois, tu me prêtes des attentions qui sont pas les miennes. » Claquée d’une voix plus fatiguée que je le voudrais.

« Non, mon pouvoir n’est pas utile contre le feu. » Et j’ajoute, me pinçant l’arête du nez. « Dans la mesure où on a commencé à parler d’avoir des enfants, évidemment que j’ai dit à ta mère ce que j’étais. » Contrairement à ce qu’elle semble avoir affirmé à la terre entière, oui elle a toujours su qu’elle épousait un mutant. Enfin, passons. J’ai assez d’emmerdes à gérer comme ça.

Une fois dans la voiture, évidemment, elle n’en fait qu’à sa tête. « Donc, t’insultes tous les gens que tu croises par principe, parce qu’ils ont pas mérité ton respect ? Tu dois t’en faire des potes dites donc. » Et j’ajoute, d’un ton las. « T’as pas la moindre envie de me parler normalement, arrête d’essayer de le faire croire, c’est une perte de temps, pour toi comme pour moi. Tu veux m’en faire baver, tu veux que je m’en prenne plein la gueule. Tu l’as dit toi-même, tu me détestes. Et je sais que tu veux que je paie pour mon absence. » Pour autant, le résultat reste très difficile à vivre, quoi que j’en dise. J’ai pas les épaules pour gérer ce genre de choses, clairement pas.

C’est à peine si je prête attention au chauffeur, alors que j’accuse le coup de tout ce qu’elle balance. Avant de laisser filer un profond soupir. « Ils avaient absolument rien de plus que toi Zoey. C’est pas ça du tout. Tu… » J’ai une hésitation, songeant que ce genre de confession devrait se faire n’importe où sauf ici. Mais tant pis, au point où j’en suis. « Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée. Quand je t’ai tenue dans mes bras, je me suis senti… entier, pour la première fois de ma vie. » Ca rend probablement le reste encore moins compréhensible. Alors j’ajoute, à mi-voix. « Si j’essaie de t’expliquer, tu m’écouteras vraiment ? » Sans vraiment attendre de réponse, je souffle, en direction du taxi, alors qu’on vient de s’arrêter au niveau d’un parc. « Désolé, on va descendre là. Faites-moi payer toute la course, ça ira. » Sans attendre de contestation ou autre, j’ouvre la porte après avoir payé, attendant que Zoey en descende.

Et j’ai une profonde inspiration, désignant un banc et m’y laissant tomber plus que je m’y assois réellement. « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu être journaliste. Parce que je considérais important d’être la voix des autres, de ceux qu’on ignorait. Ceux qu’on laissait de côté. Ceux qu’on essayait d’étouffer, de faire taire, parce qu’ils dérangeaient. Qu’ils remettaient en question le grand ordre établi par une poignée de connards persuadés de pouvoir tout contrôler. Parce qu’ils avaient le droit d’être entendus. Ta mère le savait. C’est… c’est même ce qui nous a rapprochés au départ. Parce qu’elle voulait faire pareil dans sa galerie. Exposer des gens qui voulaient aussi se faire entendre, qui avaient vécu les mêmes choses qu’elle et qui exprimaient leur douleur à travers leurs œuvres d’art. » Je sais pas si Zoey savait pourquoi sa mère avait voulu ouvrir une galerie d’arts, maintenant c’est fait en tout cas. « J’avais pas tilté que ce serait pas compatible avec une vie de famille. Parce qu’au début, ça allait. On s’en sortait pas si mal. Jusqu’à ce que ta mère décide que les mutants étaient responsables de tous les maux de la terre. » Je lève une main vers elle pour l’empêcher de contester. « J’aurais mieux gérer. J’ai merdé là-dessus. Comme sur le reste. Mais ouais, j’ai fui ce conflit-là. Vous étiez heureuses toutes les deux, je me suis dit que vous aviez pas vraiment besoin de moi, que ça vous suffisait comme ça. Et quand j’ai réalisé que c’était pas le cas… c’était trop tard en fait. » Un profond soupir alors que je me frotte le visage à deux mains. « J’ai compris quand tu m’as appelé Oliver, en partant pour New Blossom. Et j’ai pas su comment réagir. Alors j’ai encore fait de la merde. Y a pas eu une journée où j’ai pas su ce que tu faisais, où j’ai pas demandé à ta mère des nouvelles. Je voulais pas m’imposer dans ta vie après avoir merdé autant. Et puis, tu l’avais elle. Elle compensait largement pour mes ratés. » Un sourire un peu triste. « J’ai pas d’excuses valable. Zoey. Je t’aime et t’as toujours compté plus que tout. Et je suis tellement désolé. » Je sais pas si c’est pire d’en avoir conscience ou pas.

Je finis par laisser filer un silence, bien conscient que rien de ce que j’ai dit suffira à ce qu’elle arrête de me détester. Mais au moins, j’aurais essayé. Et je tends la main vers elle, un peu hésitant. « Je peux te montrer mon pouvoir. Si tu veux. Suffit juste de me prendre la main pour ça. » Et de me faire confiance mais ça, j’y crois moyen.
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Oui et c'est pas normal, ça, d'ailleurs ! Forcément, Zoey, elle saute sur l'occasion de rappeler à son père qu'il ne devrait pas être aux commandes de son compte en banque. On est en 2025 ! Et en 2025, les femmes sont émancipées ! Enfin, pas toutes. Mais elle, oui ! Ou en tout cas elle devrait l'être. J'suis pas encore bien réveillée mais on aura une petite discussion à ce sujet, toi et moi, tout à l'heure... Quand elle aura terminé son délicieux bol de cornflakes, que ses yeux auront enfin décidé de se décoller et qu'elle songera à autre chose qu'à retourner se glisser dans son lit, par exemple.

Zoey se contente ensuite de rouler des yeux lorsque son père lui affirme qu'il aurait tenu le même discours à un garçon qu'à sa propre fille. Ou encore qu'elle lui prête des intentions qu'il n'a pas. C'est facile, ça. D'autant plus qu'elle ne peut pas vérifier. La rouquine préfère garder ses forces pour les combats qu'elle peut gagner, ou les reproches qu'elle peut étayer. Donc maman a appris que t'étais un mutant après t'avoir épousé ? relève-t-elle dans la foulée. C'est un peu comme acheter un kilo d'pommes et se retrouver avec une livre de prunes... Des prunes pourries, en plus ! Il y probablement eu tromperie sur la marchandise. Ce qui est contraire aux règles élémentaires du commerce. Ou ici, en l'occurrence, aux lois de la bienséance.

Tous les gens qu'je croise n'm'ont pas tourné le dos, j'te rappelle ! claque-t-elle très vite, par la suite, alors qu'il tente d'étendre son raisonnement sur le respect aux parfaits inconnus de la rue. Mais t'as raison, ouais. J'ai envie d't'en faire chier ! La rouquine l'admet sans rougir, ni même ciller. En fait j'crois même qu'on peut parler de besoin, là ! C'est sa thérapie à elle, sa façon de composer avec le retour d'un père qui se réclame présent après avoir longuement brillé par ses absences. J'suis pas aussi douée qu'toi pour tourner la page, d'toute évidence... Et pourtant elle aimerait bien en être capable. Mais la rancœur ne se dompte pas. Elle ordonne, et fait subir.

Et elle colle encore aux pensées de Zoey lorsque cette dernière se glisse, en compagnie de son père, à l'arrière du taxi. Ou qu'elle se retrouve confrontée à la sincérité de son père. Cette sincérité avec laquelle elle ne sait plus composer autrement qu'avec mépris. Entier ? relève-t-elle. Pas assez, visiblement ! Sinon tu serais pas allé courir le monde pour trouver... autre chose ! Cette chose que ni sa mère, ni elle n'ont été capable de lui offrir. Des frissons ? De la nouveauté ? De l'adrénaline ? Essaie toujours ? Elle lui laisse une porte ouverte lorsqu'il lui demande si elle fera au moins l'effort de l'écouter. Puis lâche un soupir lorsqu'il ordonne au chauffeur de les déposer. Non, on descend pas là ! Elle n'a pas envie de marcher, ni de rester bloquée avec son père sur le trottoir. Mais comme bien souvent, c'est l'adulte qu'on écoute. Patriarcat de merde ! Et elle, donc, elle se retrouve à suivre le mouvement en traînant des pieds jusqu'à ce banc qu'Oliver choisi pour être le témoin de leur discussion. Même si c'est plutôt une prise de tête.

Et la voici donc qui croise les bras et reste obstinément debout tandis que son géniteur lui explique les raisons de son absence. Cette nécessité qu'il éprouvait d'offrir une tribune aux laissés pour compte. La rouquine tente plusieurs fois de protester mais se retrouve opposée à cette main patiemment levée qui la cantonne au silence. Bordel... J'suis même pas majeure et j'ai déjà compris qu'le monde n'est pas fait pour être changé ! s'insurge-t-elle, agacée par les beaux idéaux de son père. Ou encore, par cette façon qu'il a de la placer au centre de ses réflexions alors qu'elle a l'impression que ses envies n'ont jamais été écoutées. Alors quoi ? Tu t'es effacé avec noblesse ? T'as décidé d'continuer à jouer aux fantômes en te disant que c'est c'que j'voulais ? OU même ce dont j'avais besoin ?! Elle lève ses mains devant elle, les crispes comme pour mimer son désir de l'étrangler. Puis se rappelle que sa déchirure pourrait se déclencher et se force à fermer les yeux et à respirer. De la lâcheté ! grogne-t-elle. C'est d'la lâcheté, c'est tout ! C'est du moins ainsi qu'elle le perçoit. C'était plus facile d'rester en retrait que d'sauver c'qui pouvait encore l'être ! Peut-être qu'elle se trompe. Peut-être qu'elle est injuste. Mais c'est ce qu'elle ressent, et donc ce qu'elle partage. Je sais qu'tu m'aimes lui concède-t-elle néanmoins. L'ennui c'est qu'à un moment, t'as oublié qu'il fallait m'le montrer ! Et c'est à son tour de lever la main. Pour lui signifier qu'elle ne veut pas poursuivre cette conversation. Pas ici, ni maintenant. On n'efface pas des années en quelques secondes, ou avec quelques mots ! Zoey doit digérer tout ça et lui, il devra faire mieux que ça pour obtenir son pardon. Mais... c'est déjà un début ?

Au final elle se retrouve donc à considérer la main qu'il lui tend. Avec un mélange de crainte et de curiosité. Il lui suffit de la saisir pour découvrir sa mutation ? Ton pouvoir, là... C'est pas un truc qui tripatouille l'esprit, au moins, hein ? Est-ce qu'il pourrait modifier ses sentiments à son égard ? Effacer le passé et la rancune d'un simple contact ? Elle n'a pas envie qu'on touche à ses souvenirs. Je t'interdis d'me modifier ! Elle lève l'index comme pour donner plus de poids à sa mise en garde, adopte cet air sévère qui stipule qu'elle ne plaisante pas et hésite encore un peu. Juste quelques secondes. Pour la forme. Avant de glisser sa main dans sa paume et... disparaître ?!

Elle a besoin de quelques instants pour se remettre de la téléportation. Ses pensées comme son rationalisme sont malmenés par le brusque changement de décor. Elle a perdu ses repères, et son équilibre dans la foulée. En fait elle serait même tombée dans cette flaque d'eau si son père ne l'avait pas retenue. Et puis quelques secondes plus tard, alors qu'elle comprend la nature de la mutation d'Oliver, elle sent la colère l'envahir. Pendant tout c'temps, t'étais capable d'venir me voir quand tu l'voulais ?! Oh, la rouquine avait accepté le fait que la distance qui les séparait était un obstacle que ni elle, ni son père ne pouvaient franchir aisément. Mais putain... Tu t'fous d'ma gueule, là, j'espère ?! C'est quoi son excuse pour ne pas s'être téléportée à ses côtés lorsqu'elle avait besoin de lui ? Tu. Te. Fous. De. Ma. Gueule ! Il n'y a plus de place pour la retenue. Juste pour ces poings qu'elle écrase maintenant dans une gestuelle rageuse sur le torse de son père. Et dire qu'elle lui cherchait encore des excuses...

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Putain mais, y a pas un sujet, un seul, sur lequel elle va pas tenter de négocier, de me contredire et j’en passe ? Visiblement non. Et je me contente de froncer les sourcils quand elle parle d’avoir une discussion à propos de son argent. Elle rêve si je vais prendre du temps pour ça. Du reste, j’ai un profond soupir quand elle m’interroge. « Non. Je lui ai dit avant, quand les choses ont commencé à être sérieuses entre nous. En lui proposant de venir vivre à Londres avec moi. Donc deux ans avant ta naissance. Donc tes prunes pourries, tu sais ce que tu peux en faire. » J’essaie de pas être agressif ou agacé, mais franchement, l’exercice est vraiment compliqué. Elle m’épuise et ça commence à vraiment me porter sur les nerfs.

Un rire sans joie au reste de ses paroles. « Qui a dit que j’avais tourné la page ? » Soufflé d’un ton las, sans vraiment attendre de réponse. De toute façon, quoi que je dise – ou que je dise pas – ça se retournera contre moi. Dans le taxi, je peux entendre ce qu’elle me dit. Parce qu’elle a pas tort. Parce qu’il me manquait quelque chose, sinon je serais pas parti vadrouiller loin d’elle. Mais j’ai envie de lui expliquer. D’essayer en tout cas. Sans trop d’espoir sur ma réussite en la matière.

Pourtant, je suis surpris. Parce qu’elle m’écoute. Plus que ce que j’aurais cru. Je suis pas sûr qu’elle entende réellement ce que je voudrais lui faire comprendre mais, au moins, j’arrive à dire tout ce que j’ai sur le cœur. En grande partie en tout cas. Evidemment, ça lui plait pas. Mais je me sens pas d’entrer dans une discussion à cœur ouvert sur ce sujet. Pas maintenant. J’ai pas les épaules pour dans l’immédiat. Sans compter que ouais, y avait probablement – sûrement – une part de lâcheté dans mon comportement, j’en suis bien conscient. « J’ai jamais dit que je comptais effacer des années en quelques mots Zoey. Jamais. »

Mais elle me prend la main. Je vois ça comme une victoire, même si je suis pas assez naïf pour pas comprendre que c’est surtout parce qu’elle veut savoir à quoi s’en tenir avec moi. « Si tant est que ce soit tentant de te modifier, jamais ça me viendrait à l’esprit. Sans compter que non, c’est pas mon pouvoir. » Et j’attends sa réaction une fois qu’on s’est téléporter. Avant de la fixer, décontenancé. « Quoi ? Tu crois que… » Elle commence tambouriner des poings sur mon torse et je l’attrape par les poignets avant de la relâcher aussi sec, levant les deux mains dans sa direction en me reculant d’un pas. « Désolé, je voulais pas te toucher. Je sais que… tu veux pas. » Ouais, je risque pas d’oublier ce qu’elle m’a balancé à ce propos. Je suis pas du genre rancunier, mais certaines de ses réactions me font plus mal que d’autres. Celle-là, celle où elle était prête à m’accuser du pire si j’avais le malheur de la toucher de nouveau, est dans le top 3, assurément. « Je… j’ai jamais pu me téléporter au-delà de 20 kilomètres Zoey. Et encore, c’est un exercice qui m’épuise, que je peux pas renouveler directement. Alors non, j’étais PAS capable de venir te voir quand je voulais. Je me suis entrainé putain. Tous les jours. En essayant de visualiser ta chambre. En espérant que j’arriverais à venir jusqu’à toi. Mais c’est pas le cas. J’ai dû finir le nez en sang, à faire des malaises, avant de comprendre que c’était pas possible. » Pour ce que ça change. Je suis à peu près certain qu’elle trouvera encore un truc à redire de toute façon. Et ça m’épuise. Vraiment. Pourtant, j’ai pas la moindre envie de lâcher l’affaire, même si, les jours passant, j’ai juste l’impression que … c’est pire. Que le peu d’affection qui pouvait subsister pour moi s’étiole pour laisser juste place à de la colère, voire de la haine. Je sais que je peux pas me plaindre, que j’en ai pas le droit. Et que je dois juste garder ce que ça me fait pour moi. Parce que je l’ai bien cherché ouais. Va peut-être juste falloir que j’accepte. Zoey me déteste. Point. Peut-être qu’après, ça ira mieux.  

Une nouvelle inspiration et je me frotte le visage à deux mains avant de m’allumer une cigarette. Ne pas lui monter que je tremble, que tout ça me met sur les nerfs. Garder un semblant de… self-control ? Ouais une connerie du genre. Ca marche pas terrible, j’en suis bien conscient, mais je me raccroche à ce que je peux. « Bon. On va à cette boutique. Et on rentre. » J’en ai déjà plein le cul de cette journée. Et il est même pas midi. Mais j’ai quand même un temps d’arrêt avant de souffler, en direction de Zoey. « Merci. D’avoir pris le temps de m’écouter. » C’est déjà mieux que rien.
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