Bang ! / Keith

Keith ne dort pas. La chose est compliquée depuis quelques mois. Un problème qu’il ne partage pas encore de vive voix, mais qu’il ressent pleinement. Clemente et Curtis doivent bien se douter de quelque chose. Les trois hommes vivent ensemble, maintenant. Il est difficile de taire la chose. Difficile de bien paraître alors que ses besoins et ses envies sont perturbés et sans cesse massacrés par les rongeurs qu’il côtoie. C’est une hantise à laquelle il ne peut tout simplement pas échapper.
Keith ne dort pas ; les rongeurs ont dormi. Keith ne mange pas ; les rongeurs ont mangé. Le corps réclame d’une manière silencieuse et ne veut pas s’y soumettre. L’homme est plus faible, plus fort à la fois. C’est une chose dont il est prisonnier et dont il ne connaît pas encore les réponses. Il lui faudrait parler avec une personne ayant des capacités similaires aux siennes, mais il ne l’a pas encore fait.
Le détective a un livre au creux de ses mains lorsque son téléphone vibre, sur le canapé. Prenant une pause dans son paragraphe - bien ennuyeux -  il s’empare de son téléphone et hausse d’un sourcil en voyant le nom de Jaesang apparaître.
Ils ne se sont pas vraiment parlés depuis janvier. Du moins, pas de la manière dont Keith aurait aimé. Il y a encore un problème. Keith se demande si un problème existait avant cela mais sait que oui ; Clemente le lui a confirmé. Il se sent mal dans cette situation ; incapable vraiment de mettre un mot sur la situation et de savoir comment s’exprimer. Dans un carnet usé, il a gribouillé quelques phrases sans vraiment écrire quelque chose faisant sens.
Soupir au bord des lèvres avant qu’il n’ouvre la conversation. Il est dérangé à voir qu’il s’agit d’un message vocal et baisse le son avant de l’écouter.
Keith doit l’écouter une seconde fois avant de réellement s’inquiéter.
Aussitôt, l’homme se lève du canapé et porte le téléphone à son oreille. La sonnerie retentit quelques coups, mais Nessie ne répond pas.
- Bon sang  Son coeur est affolé. Keith ne sait pas quoi penser. Il s’inquiète. Un démon dans ses entrailles. Il se pose un millier de questions et abandonne ses pantoufles pour mettre ses chaussures, quittant aussitôt la maison. Quand il regarde son téléphone avant de démarrer, le détective doit un autre message ; il l’écoute. Son coeur se serre encore plus ; l’anxiété lui prend au ventre. Je te crois promis. J’arrive. Ne pars pas sans moi. Le téléphone est balancé sur le banc voisin et Keith démarre un peu trop rapidement. Peu importe les limites de vitesse ; il a sa carte CERBER sur lui, si un policier veut l’intercepter.
Les minutes sont longues et terribles. Lorsqu’il arrive enfin devant le Nightclub, Keith ne constate même pas que celui-ci est devant chez Moon et Dak-Ho. Son regard est trop concentré sur la foule qui attend pour rentrer et les quelques âmes solitaires fumants. Il abandonne la voiture dans un endroit certainement pas destiné à cela, et présente son badge au doorman. L’homme le regarde avec amusement des pieds à la tête. Keith ne s’est pas changé ; il porte encore son pyjama. Un habit convenable certes pour la maison, mais pas pour une telle chose. Peu importe. Il n’a pas le temps d’être embarrassé. Jaesang est sa priorité.
Quand il rentre enfin, la musique lui donne le tournis. Sortant son téléphone de ses poches, il envoie un message à Nessie pour savoir où il se trouve.Je suis là. Où es-tu ?

Le détective se prend des regards bien marqués tandis qu’il circule dans le nightclub. La musique lui donne déjà une migraine considérable alors que la musique cogne encore et encore dans ses oreilles. Il est à vif. Énervé et calme à la fois. Il n’aime pas le fait de ne pas trouver Nessie encore ; son cœur est serré depuis le premier message reçu, et le détective aimerait trouver son ancien apprenti le plus rapidement possible.
Est-ce que Nessie va bien ? Est-ce qu’il est toujours conscient ? Il s’inquiète. Le silence est la pire des choses. Keith ne le supporte pas.
Une vibration vient de son téléphone. Aussitôt, il le sort et colle le portable à son oreille pour écouter ce qu’il vient de lui envoyer. Ses sourcils se froncent à la mention d’un genre musical qu’il ne connaît absolument pas. Keith n’y connaît rien à la musique. Il ne saurait pas différencier le rock à la musique alternative en toute sincérité.
- Envoie moi un audio de la musique. J’arrive. Reste là Même s’il ignore, Keith continue. Avance ; traverse les foules et les salles, va dans les salles de bain pour trouver Nessie. À chaque fois, il ne le trouve pas. À chaque fois, l’angoisse monte dans ses veines. Il n’aime pas la situation.
Quand Nessie envoie l’audio, Keith colle son téléphone à son oreille et déteste le bruit. Il le déteste autant que la voix de Jaesang actuellement. Il y a quelque chose d’inquiétant qui lui tord tant le ventre que Keith a l’impression qu’il ne pourra pas manger pendant des jours durant.
Presque dix minutes se sont écoulées depuis qu’il est arrivé quand il trouve enfin cette musique démoniaque. Dans la foule, Keith joue du coude pour trouver la salle de bain et l’atteindre.
Son coeur tombe dans son estomac lorsque ses yeux se posent sur Jaesang. Jaesang sans faux, Jaesang avec ses yeux et ses cheveux sombres. Il semble plus jeune. Keith s’assure de fermer la porte derrière lui avant de le rejoindre lentement.
- Jaesang – ça va ? Je suis là. C’est Keith Il semble concentré loin, ailleurs. Doux, Keith pose une main contre son bras en répétant son prénom.

Voir Jaesang avec les yeux et les cheveux naturels lui rappelle l’époque où le jeune homme était encore à CERBER. Les souvenirs sont précis, presque nostalgiques. Il arrive trop souvent que Keith se questionne sur la chose et se demande s’il n’aurait pas dû lui tenir la main plus longtemps, le guider un peu mieux, lui dire les choses plus sincèrement. Est-ce que Nessie aurait été heureux, à rester chez CERBER ? Il en doute, d’une certaine manière. Lui-même n’y a jamais été particulièrement heureux. Il apprécie les outils venant de la compagnie, mais pas la compagnie en soi. Il ne l’imagine pas dans un univers aussi contrôlé, aussi restrictif. Malgré tout, le détective Lim a souvent imaginé Nessie à ses côtés uniquement pour l’avoir à ses côtés. De la même manière, au final, qu’il imagine parfois Clemente de la sorte. Mais il ne s’agit que d’une rêverie. Il réalise maintenant depuis quelques mois qu’il lui faut aussi quitter la compagnie pour son propre bien être, peu importe les avantages salariaux et stratégiques reliés. Il doit penser à sa santé.
Mais revoir Nessie ainsi - - Une telle vue remonte des souvenirs et des inquiétudes. Keith le voit si jeune. Si innocent. Encore trop heureux, trop enthousiaste pour ce qui l’attend. Nessie a toujours eu cette énergie vive ; et Keith cette peur vorace que le monde la dévore toute entière ; le brise.
- Évidemment que je suis là. J’ai promis. Est-ce que tu peux marcher ? Le regard nage sur ses traits et Keith ne peut qu’être inquiet. Jaesang ne semble pas être au meilleur de sa forme. Il se demande ce qu’on lui a fait prendre.
Par réflexe, son corps se rapproche du sien lorsque Nessie prend appui sur son bras. Keith a envie de le protéger du monde. De créer un bouclier pour s’assurer que rien ne puisse l’atteindre.
Son coeur se serre lorsque le chanteur tente de le convaincre d’une chose dont il est pourtant déjà persuadé. Keith serre les dents ; se maudit. Donne-t-il l’impression d’être inapte à le croire ?
- Je sais. Je sais, Jaesang. Je te crois. qu’il lui répète, le ton doux mais assez relevé pour être entendu. La musique est forte, même dans les toilettes. Quoi ? Keith est interdit, une seconde. Il baisse les yeux et constate que, en effet, il est en pyjama. Il est tard., qu’il répond du tac au tac, le ton plat. Keith pince ses lèvres, un certain embarras le prenant. Il est gêné. C’est un pyjama tout à fait convenable, de toute manière. Il n’y a aucune honte à le porter, oui. Même en dehors de la maison. Du moins, Keith essaie de s’en persuader.
- Penses-tu être capable de marcher jusqu’à la voiture ? qu’il lui demande ; son inquiétude est plus lourde que son embarras. Keith cherche son regard et ses pupilles, essaie de voir leur état. Il pose une main contre le front de Nessie, brièvement. Tu as des sueurs froides ? Mal au coeur ? Il se maudit de ne pas avoir apporté une bouteille d’eau. Ne t’inquiètes pas. Je vais te sortir d’ici. On va rentrer à la maison. Il espère que les paroles sont rassurantes. Elles le seraient pour Moon, Noah et Chung-Ae. Mais Jaesang ? Keith ne sait pas, pour lui. Il ne sait plus ; il pensait savoir.

tw : personnage drogué à son insu
Les sourcils froncent alors que le coeur tambourine aussi fort que la musique dans ses tympans. Le détective observe le plus jeune avec une impression certaine mêlée à une culpabilité qui ne peut vraiment s’en aller. Est-il responsable de la chose ? Il n’y a jamais vraiment porté attention, toujours persuadé que Jaesang l’écoutait et comprenait ce qu’il voulait dire et mais décidait simplement de ne pas suivre ses conseils. Finalement, il ne sait plus rien. Le mutant est confus depuis ce fameux repas en compagnie de Chung-ae et la courte discussion avec Clemente à ce sujet lui a certes éclairer l’esprit mais il n’en reste pas moins encore perdu. Keith a besoin d’entendre les choses plus d’une fois pour les comprendre ; il a besoin de les voir.
- Arrête de t’excuser. L’heure n’a pas d’importance. Appelle quand tu veux. Le détective ne veut pas que le plus jeune croit qu’il dérange. Il n’a jamais voulu cela. Keith désire être là pour lui, l’aider et lui servir d’appui si nécessaire. Il est profondément désolé à l’idée de ne pas l’avoir fait par le passé. Il pensait que si. Encore aujourd’hui, il en est persuadé mais doute un peu.
Les lèvres pincées, l’homme aide le chanteur à se redresser. L’inquiétude augmente lorsqu’il lui dit qu’il a envie de vomir, et Keith guette ses traits. Il a peur pour lui ; il ne voudrait pas qu’il perde conscience maintenant. Keith pourrait certes le porter, qu’importe la douleur de son dos et de son genou.
- Ne dis pas ça. Tu n’as pas fait exprès, si ? Les sourcils se froncent et Keith le tient contre lui, aide Nessie à faire quelques pas. Il semble bien tenir, contre lui. Tu étais seul ? Avec des amis ? Il y a une pause. Il se rappelle de la dernière fois. Avec hm - la personne que tu vois ? C’est lui qui t’a fait prendre quelque chose à ton insu ? Moon a déjà eu de mauvaises fréquentations. Noah a longtemps travaillé dans un cercle dont il ignore les détails. Si quelqu’un en qui Nessie avait confiance lui a fait ça … Keith ne sait pas ce qu’il ferait. Pas de belles choses dans tous les cas.
Un soupir traverse ses lèvres et il secoue la tête.
- Commençons par sortir d’ici d’abord. On verra ensuite ce qu’on fait. Sa prise est solide contre la taille de Jaesang tandis que le bras de celui-ci est par-dessus ses épaules. Keith s’assure qu’il est solide sur ses jambes avant de tirer la porte et d’être accueilli par l’horrible musique qui envahit les lieux. Il s’efforce de marcher le plus vite possible tout en le soutenant, décider à quitter le lieu rapidement.

tw : personnage drogué à son insu
Le coeur se serre. Keith tourne la tête vers Jaesang ; plus que nécessaire, certainement. Il a mis le chanteur de son mauvais côté, trop empressé pour le redresser. De son visage, il ne voit pas grand chose. Le détective est obligé de tendre le cou encore plus pour apercevoir une parcelle de son visage. Malgré tout, il parvient à apercevoir la manière dont son visage se tord et ses yeux se remplissent de larmes. Keith écarquille les siens, surpris par une telle réaction. Il lui semble ne jamais l’avoir vu pleurer dans les dernières années. Certes, Jaesang ne pleure toujours pas, mais l’émotion est visible dans ses yeux et arrache le coeur de l’homme.
- D’accord. Pardon - Je ne voulais pas dire qu’il - enfin, Tant mieux. Je ne le connais pas. Keith se demande s’il s’agit de la même personne. Il sait que les relations s’écourtent vite. Les gens s’aiment et se délaissent rapidement. Il n’a jamais compris l'intérêt. Je sais - je sais. Le coeur est serré. La plainte de son ancienne recrue lui arrache le coeur, vraiment. Il aimerait pouvoir l’amener immédiatement loin de ce lieu et le garder en sécurité, mais la chose est impossible. Tout ira bien D’un geste maladroit, Keith le serre légèrement pour le rassurer. Il espère que la chose fonctionne.
Il leur faut traverser cette foule pour quitter les lieux.
- Tiens toi, d’accord ? Je - Il y une pause, une hésitation. Je ne vois rien du côté gauche. Un aveu qui lui arrache la gorge mais qui est nécessaire. Garde l’oeil ouvert, d’accord ? Et avertis moi s’il y a quoique ce soit. Keith regardera autant que possible, mais le lieu est vide de rongeurs. Il ne peut pas se servir d’eux, ici, pour voir. Pour compenser son handicap.
Une inspiration tremblante alors qu’il se met en marche. S’il y a un long chemin pour quitter les lieux, traverser les salles, il cherche plutôt une porte d’urgence pour rejoindre l’extérieur le plus rapidement possible.

tw ; perte de conscience, clinique, drogué à son insu
L’extérieur les accueille et la nuit aussi ; Keith se rend compte de la stupidité qu’a été son impulsivité. Simplement vêtu d’un pyjama et ayant traversé une foule remplie de sueur, l’homme frissonne de froid. Il peut sentir le vent se glisser au travers des boutons de sa chemise et contre sa nuque. Brièvement, il espère qu’il n’aura une crève dans les jours qui suivront mais la pensée est éphémère. Contre lui, le poids de Jaesang ne cesse d’accroître et les inquiétudes du détective augmentent considérablement. Les muscles de son bras, le tenant par la taille, le brûlent de plus en plus. Keith sait qu’il ne pourrait pas le tenir très longtemps encore ; malgré tout, l’homme ne se plaint pas, ne s’arrête pas. Il refuse de le lâcher.
Et Jaesang, lui, continue de s’excuser encore et encore. Les phrases commencent à perdre leur sens bien que le message reste le même.
Keith ne peut que lui répondre.
- Je sais - Je sais Jaesang. Je te crois. A-t-il fait quelque chose par le passé pour que son ancien apprenti pense qu’il doute de lui ? Keith se demande s’il s’agit de sa faute ou simplement de l’effet associé à la substance prise à son insu. Ma voiture est juste là qu’il répond, rapidement, lorsque le chanteur semble paniqué. Keith n’a pas le temps de tourner la tête pour l’observer qu’il peut le sentir tomber.
Perdre conscience.
Contre son bras, le poids triple presque. Poupée de chiffon entre ses doigts, Nessie a perdu conscience. Et Keith ne peut qu’être frappé par une profonde angoisse. La gorge serrée, il le secoue quelques secondes en murmurant son prénom, alternant entre Nessie et Jaesang. Il lui faut inspirer un grand coup plusieurs fois pour retrouver contenance et, malgré son dos et son genou, le soulever entièrement pour l’amener jusqu’à sa voiture.
- Attention ; les inquiétudes sont prononcées plusieurs fois alors qu’il l'assoit à l’avant, qu’il l’attache et s’assure de sa sécurité. Keith teste son pouls, lui murmure des paroles réconfortantes certainement inutiles, avant de prendre place derrière le volant.
La clinique privée la plus proche est à 10 minutes de voiture. Croiser un policier lui faudrait certainement de multiples contraventions, mais Keith n’en a que faire. Le trajet est similaire à une éternité et lorsqu’il arrive à destination, il laisse sa voiture dans un stationnement désigné pour l’un des employés. Peu importe.
Son dos hurle ; le genou cède un peu quand il reprend Nessie dans ses bras. Son corps est aussi lourd que inerte et Keith peut sentir ses doigts lâcher prise à chaque pas. Il parvient malgré tout à l’accueil de la clinique privée - les riches ne dorment pas - et interpelle le secrétaire tandis que son genou cède. Dans la brève chute, il ramène la tête de Jaesang contre son torse, désirant ne pas le blesser à cause de sa faiblesse.
On lui prend Nessie ; loin ; dans une salle fermée. Keith leur donne les informations ; drogué dans un bar, une substance inconnue. Le secrétaire lui demande s’il va bien ; oui oui, peu importe ; rien à faire ; Jaesang, lui ? Il veut savoir. Keith a besoin de savoir. Lien de parenté ? Non. Aucun. Un inconnu. Un ancien collègue. Juste ça.
La salle d’attente.
On lui dit d’attendre.

Une heure ; un peu plus ou un peu moins. Assez pour envoyer un message à Curtis et lui parler quelques minutes au téléphone pour le mettre à jour sur les événements. Assez pour refuser quelques vêtements et qu’il vienne le voir à la clinique. Keith est bien ; tout le monde l’a déjà vu en pyjama, de toute manière. Il accepte son accoutrement. Il veut juste voir Jaesang ; avoir de ses nouvelles. Curtis lui propose de menacer le médecin à charge ; Keith rit un peu ; un rire humide qui coince dans sa gorge mais qui le capte un peu. L’appel s’étire ; trop ; peu importe. Le détective reste de longues minutes au téléphone, au final. Assez qu’on vient lui parler alors que Curtis lui raconte une anecdote banale en lui dictant que Jaesang veut lui parler.
Les excuses sont vite dites au téléphone ; la ligne raccrochée avant qu’il ne se lève et rentre dans la chambre. Son coeur est affolé, son corps frissonne encore. Le froid s’est glissé jusqu’à dans ses os et ne les a pas quitté, depuis toute à l’heure.
Quand son regard se pose sur Jaesang, Keith a l’impression de s’effondrer de l’intérieur.
- Évidemment que je suis là La voix est faible ; la gorge serrée. Les larmes dans les yeux de Jaesang le mettent à l’envers. Je sais. Je sais, Jaesang. Les explications tombent encore et encore. Keith a mal ; mal de le voir comme ça, si fragile. Incapable de pouvoir l’aider, l’apaiser. Le détective se sent impuissant. Il s’approche et s’assoit à côté de lui. Keith a envie de lui tenir une main ; ne le fait pas. Il le rassure malgré tout ; répond à ses explications sans fin par le même discours ; il n’est responsable de rien.
Entre épuisement et rassurante, Keith sent ses propres yeux s’envahir de larmes. Il les retient car Nessie n’est pas dans son état normal, qu’il a besoin de lui, qu’il soit fort. Il les retient car il n’a jamais pleuré devant Nessie, aussi.
Un poignard en plein coeur quand il sanglote.
La retenue tombe et Keith s’empare de sa seconde main.
- Regarde moi, Jaesang. Une pause, Keith a la gorge serrée. Jae - Nessie, regarde moi. Il serre ses doigts. Je suis là. Tout va bien. Tu m’as envoyé un message immédiatement en te sentant mal. Tu t’es enfermé dans les toilettes. Personne ne t’a touché, d’accord ? Tout va bien. Keith aurait aimé arrivé plus tôt. L’aider. Arrêter le coupable. Le tuer. Lui faire la paix. Je laisserais personne te faire du mal. Promis. Les lèvres se tordent, le sanglot le secoue, enfermé à l’intérieur. Les larmes coulent. Plus jamais. Nessie a été blessé, une fois. Quand il était sa recrue. Une petite chose, vraiment ; plus de peur que de mal. De la peur malgré tout.
Il renifle avec maladresse, essuie de sa main libre ses larmes en inspirant. Keith racle sa gorge et, sans lâcher sa main, s’empare d’un gobelet de jus posé là pour lui.
- Tiens. Bois un peu. Tu dois avoir la gorge sèche. Il lui offre, doigts tremblants.

La mémoire de Jaesang s’écoule entre ses doigts. Keith aimerait pouvoir la retenir pour lui mais la chose est impossible. Il peut seulement lui remémorer les événements passés, tâcher de le rassurer et lui tenir la main. Outre cela, l’homme se sent particulièrement incapable de faire quoique ce soit pour l’aider. Les larmes de Keith sont silencieuses et l’homme les essuie, écoute ce que Nessie lui raconte et hoche de la tête, le rassure autant qu’il le peut et hoche la tête, quand il parle de son mec. Le terme est commun chez les jeunes ; Keith le trouve vulgaire. Il imagine une brute comme celles que Moon fréquentait avant Dak-Ho. Il imagine un homme fatigué qui a préféré rester à la maison que veiller sur Nessie. Quelque part, le détective l’accuse des événements. Pourtant, il sait que la chose est irrationnelle.
- D’accord. Je te crois. Léger mensonge, mais Keith préfère aller dans le sens de Nessie. Tu lui enverras un message ou tu l'appelleras plus tard, si tu veux. Quand tu te sentiras mieux, d’accord ? Une pause. Ou je peux m’en occuper. Désire-t-il parler à l’homme qui a laissé Nessie sortir seul ? Oui. Il parlerait bien à ses amis aussi. Keith le ferait sans la moindre gêne. En pyjama ? Certainement.
- Arrête de t’excuser. Je ne dormais pas. Le sommeil lui échappe. Ils se fuient. Keith est fatigué mentalement ; le corps fonctionne autrement.
Les mots continuent ; reviennent encore et encore. Jaesang est coincé. Pris dans une boucle sans fin. Et il l’angoisse ; le détective sent ses muscles se tendre, son inquiétude augmenter. Il serre ses doigts, répète son nom une fois, deux fois.
- Jaesang - Jaesang! Arrête Le voix monte et le coréen lui échappe. Un ancrage pour le ramener. Keith lâche ses doigts, passe une main contre les traits de l’autre pour ramener son regard sur le sien. Ses yeux sombres qui lui donnent un air de gamin. Quelque part, il lui rappelle Moon, tout juste ado, incapable de savoir quoi faire, une vraie boule de larmes, de colère et d’anxiété. Keith a envie de le protéger. C’est fini . Je te crois. Tout ce qui m’importe c’est que tu sois bien, d’accord ? En santé. Est-ce que - est-ce que ça va ? Le ton est plus doux, plus calme. Keith l’observe et cherche des traces de quelque chose, n’importe quoi. Il cherche un ennemi à vaincre, à combattre. À être utile. Tu n’as rien fait de mal. Tu ne pouvais pas savoir qu’on allait s’en prendre à toi. Rien est de ta faute – Il y a une pause, un léger sourire. Crispé et ému ; dur de retenir les larmes qui veulent encore coulé. Je suis content que tu m’aies appelé. Peut-être que ça ne veut rien dire, mais peu importe. Keith est rassuré d'avoir pu l'aider.

Jaesang parle d’avoir encore mal au coeur et Keith tourne la tête, cherche un médecin ou un infirmier des yeux pour l’en informer et avoir quelque chose, n’importe quoi, pour aider son ancien apprenti. Mais Jaesang parle encore, et Keith calme ses inquiétudes et le regarde de nouveau.
Le coeur subit bien des choses à l’entente de ses mots. Le détective se racle la gorge, hoche la tête. Il ignore la manière dont de telles paroles le rendent sentimental et préfère se concentrer sur Nessie. Il y a plus important que ses piètres émois de vieil homme. Le chanteur n’a pas besoin de ses larmes et de sa sensibilité trop fragile ; uniquement de la sécurité associée à sa présence.
Alors, Keith tâche d’être ce pilier pendant ce moment très angoissant.
Il ne peut rien faire d’autres ; incapable d’attraper les malfrats. Incapable d’apaiser Jaesang de cette manière là.
- Je n’ai aucune raison de ne pas te répondre. Je répondrais à chaque fois, d’accord ? Au meilleur de mes capacités. Keith ne peut pas promettre à jamais. Il ne connaît pas l’avenir. Son esprit et son corps se brisent lentement.
Les larmes lui brisent le coeur.
Keith tend les doigts, s’empare des siens, et les serre.
Et rit.
- Arrête de te moquer de mon pyjama., qu’il peste. Il a certainement honte. Ses oreilles sont rouges. Le détective porte encore ce fameux pyjama, très ordinaire et simple, au milieu d’une clinique réservée aux plus riches. Peu importe. Il tâche de se redresser et de se mettre droit. C’est du coton égyptien, tu sauras. qu’il dit, pour la forme. Entendre Jaesang rire est plus plaisant que de le voir pleurer. Il veut bien être la raison de la chose ; Keith l’accepte. Juste pour le voir rire. Sourire un peu. Il préfère cela à ses lèvres.
- Tu pourras rentrer d’ici une heure, d’accord ? Ils ont parlé d’une prise de sang et d’analyses, mais ils attendent que tu prennes un peu plus de force, d’abord. Keith serre sa main. Je te raccompagne ensuite. Une pause. As-tu quelqu’un avec qui rester ? Sinon, tu peux venir dormir à la maison. On a des chambres pour les en - pour les invités. Nessie n'est pas l'un de ses enfants.

Nessie semble si fragile, au travers de la misère venant de la drogue ingurgitée. Keith aimerait l’en défaire ; le débarrasser des maux ressentis.
- Je sais. Mais c’est important pour le dossier, Jaesang, qu’il souffle.
La voix est plus calme, plus basse. Keith observe ses traits fatigués, endormi. On dirait bien qu’il ne va pas tarder à dormir.
Quelques minutes, il peut bien. Keith le réveillera avant qu’ils ne viennent faire la prise de sang.
- Tu veux de l’eau encore ? Le verre est repris, rempli et tendu à Nessie de nouveau. Keith l’observe et ignore la manière dont son coeur réagit, hoche la tête lorsqu’il réclame dormir chez lui ainsi que son chien. On ira chercher Lutin. Promis. Colonel ne sera pas très ravi. Le chien se comporte encore plus comme un roi depuis qu’il possède une maison entière. Alors un chien ? Un intrus dans son royaume ? Le détective peut déjà entendre sa colère. Peu importe. Qu’il gronde ; Nessie vient dormir à la maison, et Lutin aussi.
- Tu peux te reposer un peu. Je te réveillerais pour la prise de sang, d’accord ? Il serre sa main, brièvement. Keith doit envoyer un message à Curtis et Clemente pour les prévenir. Les appeler, peut-être. Est-ce que Curtis dort ? Certainement pas. Il doit attendre son retour depuis l’échange un peu plus tôt. Keith l'appellera. Je surveille. Dors un peu qu’il dit, rassure.