bad reputation (niho#1)

Soupe de merde, frite de merde et dessert de merde. MinHo a ce sourire forcé sur les lèvres, une grimace vraiment, quand il paie la facture et qu’il laisse un pourboire beaucoup trop généreux pour la boue qu’il vient de manger. Son ventre est plein ; trop plein. La graisse du repas lui colle encore dans la gorge, dans la bouche, sur les lèvres. Une impression odieuse d’avoir mis un masque d’huile sur son visage qui ne s’en va pas ; faut quitter les lieux. Quitter le dîner rapidement, s’éloigner et se laver l’esprit à défaut de pouvoir se laver le corps en entier. Tout ça parce qu’il a des achats à faire pour les gamins, des trucs précis dont ils ont besoin pour le retour aux classes et que Lou est occupé avec le travail. Peut-être que l’idiot s’est proposé pour le faire, peut-être que MinHo a quand même insisté en pestant ; il veut faire sa part. Il a du temps libre, il peut bien le faire. Lou a encore parlé de sa carte de crédit, mais MinHo a humé et levé les yeux au ciel sans trop d'approbation. S’il peut payer par lui-même, il préfère. Il n’a pas besoin de Lou pour ce genre de choses ; MinHo peut gérer seul, comme un grand.
De toute manière, c’est que des cahiers et des crayons, un tube de colle et des papiers de couleurs. MinHo, il est pas si paumé.
La porte du dîner est poussée ; MinHo inspire l’air frais pour ne sentir que celles des voitures et des usines des environs, les poubelles qui traînent plus loin et un vomi dans la rue. Ça lui rappelle des souvenirs, tiens ; il a souvent vomi dans les rues du coin, par le passé.
Maintenant, il achète des cahiers à colorier pour des enfants qu’il considère comme les siens. Un vrai changement de gagnant - et il le croit.
Il en est fier, même.
Y’a une grimace sur sa gueule, son nez qui est retroussé ; MinHo, il veut bien foutre le camp, aller à la dernière boutique et aller chercher les mêmes à l’école, ensuite.
L’problème, c’est le connard sur le bord du trottoir qui dit des merdes à une gonzesse depuis qu’il est sorti du dîner. Depuis avant, sûrement. MinHo, il a même pas porté attention à ses conneries, à ses paroles ; parfois, ça veut même pas la peine d’écouter.
Sauf le plus important :
- hé tête de couille, tu comprends pas ?, qu’il finit par dire, s’approcher de quelques pas. Le gars fume la clope, forcément. MinHo grimace encore plus, déteste l’odeur. elle a dit non, dégage. D’un dernier pas, il se fout entre les deux.

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cw: harcèlement de rue

Tous les jours, New Blossom lui donne une raison de douter de son choix. Elle ne pensait pouvoir être surprise par la ville, elle vient de Los Angeles après tout. C’est pourtant rare qu’elle entre dans une situation avec un soupçon d’arrogance, parce qu’elle sait très bien la piqûre que représente le retour à l’humilité. C’est ce qu’elle ressent devant le dinner au trottoir mal entretenu qui l’a fait trébucher. Si elle parvient à garder son équilibre et à ne pas s’étaler de tout son long, elle ne peut pas en dire autant de sa clope qui tombe dans une crevasse où stagnait l’eau de la pluie de ce matin.
Niko pousse un profond soupir, qui se prolonge quand elle ouvre son paquet et constate qu’il est vide. Pas sa journée. Et franchement, pas sa semaine non plus. Le moral dans les talons, elle accepte la clope tendue par l’inconnu qui la prend en pitié et réalise un trop tard le piège dans lequel elle vient de se fourrer quand il commence à lui tenir la jambe à base de pick up lines foireuses sur les étoiles du ciel que son père a volé pour les mettre sur sa peau. “Tu comprends ? Parce que tu brilles.” Elle lui oppose la même expression impassible. Elle a passé l’âge d’être gentille avec le fou du métro pour pas se faire planter. Lui n’a pas l’air de l’avoir capté, parce qu’il a l’air à peine plus âgé que sa fille et que ça ne fait que la désoler encore plus sur l’état de la dating scene pour les jeunes d’aujourd’hui. (Ce n’était pas franchement mieux à l’époque, son ex-mari en est un prime exemple.)

“Je t’invite à réfléchir à ce que tu dis, j’ai presque l’âge d’être ta mère.” Ca n’a pas l’air de le freiner, il se fend d’un sourire taquin, l’air de dire “oui, et?”. Elle soupire. Elle ne va pas s’en sortir comme ça. Qu’est-il arrivé au mythe de la ville trop pressée pour prêter attention à une meuf au hasard qui passe ? Il continue de lui servir un discours sur le fait qu’il est mature, qu’il préfère même le fait qu’elle soit plus âgée, lui demande si le problème c’est qu’elle a un mari, si elle n’a pas son Argo à lui filer… Elle finit sa clope et réitère à chaque fois qu’elle n’est pas intéressée.
Il s’est déplacé de sorte à lui barrer le chemin. Par précaution, les gemmes sur sa peau commencent discrètement à migrer sur ses phalanges dans une tentative de poing américain. Elle a déjà testé et laissé une trace de paillettes sur les joues d’un malheureux. Tout ce qui brille peut aussi faire du mal. Mais elle n’a pas besoin d’en dire plus qu’un autre inconnu s’interpose entre eux.
Niko soupire de soulagement alors qu’elle jauge le dos de son sauveur improvisé. Il est bien bâti, suffisamment pour faire douter l’autre type sur ses chances de gagner une rixe. Alors il se retient de le provoquer directement, se contente de se rebiffer et de lancer : “T’es qui toi ducon ? T’es son mec ou un truc comme ça ?”

L’opportunité est presque trop belle. Elle n’aime pas particulièrement faire ça, estimer le respect qu’on lui doit à si elle est déjà prise ou non, mais elle sait que les petits cons dans la rue ne respectent que les autres hommes. Alors elle s’agrippe au bras du dernier arrivé, feint le soulagement de le voir enfin là puis rétorque à celui qui ne voulait pas lui lâcher la jambe. “Ouais ! Totalement, c’est mon mec et il est taré. Il peut te trouer le bide d’un regard donc si j’étais toi je me taillerais.” Elle en rajoute, théâtrale comme toujours, toujours dans l’exagération parce que trois fois sur quatre ça suffit à faire fuir les autres. Elle espère juste que c’est pas le scénario du quatrième, qui escalade les choses encore plus. Elle espère aussi que celui qui s’est improvisé chevalier servant ne se défilera pas non plus.
ft. @MinHo Yeong

MinHo est persuadé qu’une bonne partie de la population a perdu une part de sa cervelle et oublie les choses les plus importantes. Comme sortir les ordures, par exemple. Quoique peut-être que la meuf de ce connard l’a justement fait mais qu’elle a oublié de le foutre comme il faut dans la poubelle. Faut pas demander la perfection, non plus. Même MinHo, il fout des trucs qui vont au recyclage à la poubelle et l’inverse, parfois. Personne est parfait, quoi. Quoique ce connard, clairement, il doute pas le moins du monde de son emplacement assigné. C’est presque écrit sur son front en gros caractère ; même Lamar pourrait lire et savoir dans quel contenant le foutre pour le bien de l’environnement. Lennox lui dirait peut-être une merde comme quoi au minimum, il va dans le compost mais franchement ; MinHo se dit que même les légumes veulent pas d’une telle merde. Les nutriments, il en a surement aucun à offrir.
Y’a les sourcils de MinHo qui monte au plafond quand les deux neurones de l’idiot se connectent pour donner la pire des conclusions. Un autre abruti persuadé que les meufs ont besoin d’un mec pour justifier un non ? Y’a la gueule qui s’ouvre pour lui faire une morale à deux balles et lui apprendre comment la vie fonctionne que déjà, y’a un bras qui s’enroule autour du sien et la minuscule dame qui s’exclame des absurdités que même Lamar, il sort pas de son imaginaire à deux balles quand il raconte des histoires de gamin.
Pour le coup, c’est elle qu’il troue du regard pendant quelques secondes. Parce que franchement, il a une gueule pour avoir des yeux lasers ? Bon certes, Lou dirait que oui, mais son mec est un con.
Les lèvres se tordent et MinHo lève les yeux au ciel, retient un soupir et fait un choix. Il accepte sa vie. Son attention retourne vers le con de service avant qu’il cause de nouveau :
- T’es sourd ou quoi ? T’as envie d’ressembler à un fromage suisse, p’être bien ? Vaut mieux pas connard, parce que ma gonzesse elle est intolérante au lactose et j’lui fais même pas voir des fromages en peinture, t’as capté ? Alors dégage. C’est un ramassis de merde balancé pour convaincre un abruti. MinHo, il a pas peur ; il sait parler leur langage. Tu m’fous les nerfs avec ta sale gueule et ça m’en prend pas des tonnes pour foutre ma patience en l’air alors dé-ga-ge L’poids fermé et levé, l’index appuyant contre le torse de ce dragueur du dimanche à chaque syllabe du dernier mot.

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cw: harcèlement de rue

Le soulagement lui dénoue les épaules presque immédiatement quand l’inconnu, malgré un moment d’hésitation, finit par entrer dans son manège. Le ridicule de la situation a presque raison d’elle, elle retient un rire entre ses dents, encore plus quand il ajoute couche sur couche. Heureusement, se juguler l’empêche d’en rajouter, mais c’est suffisant. Elle ne sait pas si c’est la menace ou simplement l’esclandre embarrassante qui a raison du type, mais il finit par faire un pas en arrière, renifler et lâche : “Z’êtes malades. Putain de tarés.” Il recule toujours, l’égo visiblement touché parce qu’il ajoute. “Eclate-toi bien avec ta vieille peau.” Niko s’indigne presque immédiatement : “Eh!” Mais elle ne dit rien de plus, toujours enveloppée au bras de l’inconnu. Elle aurait dû lui foutre un coup comme elle y avait pensé.

Quand la distance devient raisonnable pour qu’ils n’aient plus à jouer la comédie, elle se détache de l’homme et tapote la manche de son manteau pour retirer les paillettes d’améthyste qui ont fané. “Je suis trop trop trop désolée.” Elle lui adresse son plus beau sourire pour agrémenter les excuses. “Je sais pas ce qui m’est passé par la tête, mais souvent dire ou faire un truc dingue ça éloigne ce genre d’énergumène.” Niko a épuisé toutes les techniques du catalogue, elle parle du haut de sa triste expertise sur le sujet.
“Merci d’avoir joué le jeu.” Elle prend le temps de bien le détailler, pour garder le plus de description à offrir à Rumi une fois la journée écoulée. Le sourire qu’elle avait aux lèvres ne la quitte pas vraiment, parce qu’elle pense au fait que c’est le premier acte de gentillesse dont elle bénéficie depuis qu’elle a emménagé dans cette ville et que ça lui fait du bien de savoir qu’il y a encore des gens prêts à intervenir quand quelque chose de mal se passe.
Ca la rend un peu nostalgique des gens qu’elle a laissé à Los Angeles, des comédiens dramatiques prêts à des mensonges absurdes pour la tirer d’affaire également. Ses amis. Elle espère pouvoir retrouver un cercle similaire à New Blossom, à commencer peut-être par… “Je peux vous offrir un café pour vous remercier ?” Et pour le convaincre, elle lui sert sa moue implorante, le genre qu’on veut pas décevoir, avec ses yeux qui brillent d’espoir et son coeur sur la main qu’on briserait si on lui refusait ce qu’elle voulait. Les paillettes sur son visage ne font qu’ajouter au spectacle.

ft. @MinHo Yeong

Y’a un échange de regards digne d’un vieux western pourri mais hé, MinHo, il dérougit pas. C’est qu’il a un diplôme dans ce genre d’art, le gars. Dévisager les gens, c’est son passe temps préféré. Parfois, c’plus simple de leur faire comprendre qu’ils sont profondément cons d’un regard trop appuyé que d’prononcer des mots. Faut dire que pour certaines personnes, MinHo a pas envie de gaspiller sa salive. Ils le méritent juste pas. C’est une perte de temps et d’énergie ; c’plus facile de leur faire comprendre leur connerie avec un silence et un regard qui hurle mille et une choses.
Ça prend une p’tite éternité mais faut croire que le plouc, il est capable de se servir de ses neurones parce qu’il finit par marmonner un truc et foutre le camp. MinHo, il l’observe encore juste au cas parce que parfois, ils ont le culot de se sentir insulté et de revenir à la charge avec une poussée de connerie dans la cervelle. Faut croire que celui-là, il est un peu intelligent.
Y’a un soupir qui s’extirpe de sa gorge et MinHo secoue sa tête, avant d’tourner les yeux vers la p’tite dame et la manière dont elle nettoie sa manche. Quoi, elle perd ses pellicules ? Non, ça brille son truc. C’quoi encore, ce délire ?
Il hausse faiblement d’un sourcil à ses excuses, face à son sourire.
MinHo, il marmonne en haussant des épaules.
- Ça va. Avec ces idiots là faut sortir une connerie aussi grosse qu’eux c’bien connu. Ça s’rait moins épuisant si fallait dire un truc qui équivaut avec ce qu’ils ont dans le pantalon, franchement. MinHo, il le dit constamment. C’rien, qu’il ajoute, quand elle le remercie encore. MinHo, il sait jamais quoi faire des remerciements et des excuses. Dans un sens, ça l’rend mal à l’aise. Il a l’habitude du contraire ; ou plutôt, il s’attend au contraire, persuadé souvent qu’il mérite que ça.
Y’a ses sourcils qui s’froncent un peu à voir le regard qu’elle lui balance et l’sourire qui quitte pas ses lèvres. P’tain, Minho espère qu’il s’est pas foutu dans une sale histoire. Il a déjà assez d’la prof qui l’lâche pas, au taff. Il a beau être en couple depuis des mois, elle capte toujours rien.
- Un - Il fronce un peu des sourcils, MinHo. Il sait pas trop, franchement. Déjà, c’est pas son délire de se faire des amis. On pourrait même dire qu’il sait pas comment s’en faire, en fait. Pas sans alcool, en tous cas. Y’a Nuage qui a résisté aux emmerdes et Link et Lennox qui sont là, mais en vrai, il angoisse souvent à l’idée de pas être à la hauteur. C’est une des conneries qui joue en boucle dans sa tête. t’as un truc sur la gueule c’est normal ? Y’a des meufs qui se font des brillants au visage, MinHo a bien capté, mais dans son cas c’est un sacré délire, quand même. On dirait qu’elle est tombée dans le pot, en fait. Ou le pot est tombé sur elle, au choix. Okay c’bon ça va, fais pas cette tête. MinHo, il résiste pas aux têtes du genre. Suffit de voir Lennox qui capte rien à ses yeux de bambi ou encore Jia qui en joue constamment, depuis qu’elle a capté. Pas ici par contre. c’est d’la pisse chaude., qu’il désigne le dîner, derrière lui. Y’a un café par là-bas. J’dois acheter des trucs pour mes gamins à côté Il place les gosses comme ça, même si c’est pas les siens - dans son coeur si, MinHo assume pas - pour qu’elle capte, juste au cas.

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Il se montre compréhensif quoi que visiblement embêté tout de même et elle peut pas empêcher cette réflexion de daronne de se dire qu’il est bien élevé quand même. Enfin, il pourrait travailler un peu sur sa familiarité immédiate, mais elle ne peut pas lui en vouloir après s’être accrochée à son bras et avoir prétendu être sa copine. Alors elle se garde bien de tout commentaire, se contente d’acquiescer quand il lui demande si les paillettes sur son visage ont bien leur place. Elle n’a pas besoin d’un rappel, elle voit bien aux regards intenses qu’on lui lance que sa mutation est hors de contrôle.
Niko passe instinctivement une main sur son visage, gratte l’amas de paillettes qui se forme sur sa ligne de cheveux. Les gens ne font pas toujours le lien avec une possible mutation, se disent qu’il s’agit peut-être d’une excentricité de maquillage ou un tout nouveau genre d’implant cosmétiques, ce n’est que lorsqu’ils voient les morceaux d’améthyste incrustés dans la peau qu’ils commencent à comprendre. “Ouais, c’est rien t’inquiète.” Manquerait plus qu’elle l’effraie.

Elle rayonne de joie quand il se résigne à accepter son invitation. C’est à ce moment exact qu’un sentiment qu’elle sentait peser sur elle comme un temps humide donne naissance à une pensée consciente, une réalisation bien triste. Niko manque désespérément de contact social, elle a du mal à se faire à cette ville, à cette agitation constante et mécanique, qui déshumanise tout le monde. Elle manque de contact tout court et ça la pousse dans ce genre de situation à quémander de l’amitié dans la rue au premier bon samaritain. Rumi lui dirait qu’il y a des applis pour ça, mais elle est un peu de la vieille école, qui fantasme toujours des rencontres organiques et chaleureuses.
Elle s’éclaire davantage quand il mentionne ses enfants. Un point commun, c’est une porte d’entrée, c’est une conversation qu’elle peut amener naturellement jusqu’à tisser un lien. “Oh ! T'as des enfants ? Combien ? Ils s’appellent comment ?” Elle lui a emboîté le pas et jauge discrètement son profil pour essayer de déterminer son âge, mais sans y accorder le moindre jugement. Ce serait malvenu de sa part, vu qu’elle avait le gamin dans le ventre avant la bague au doigt et surtout, avant d’avoir le droit de boire. “Et toi tu t’appelles comment en fait ? Moi c’est Niko.”                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

ft. @MinHo Yeong

MinHo a un karma de merde. Faut croire que par l’principe que son corps accepte pas les chats et qu’il les déteste à un certain point, on lui a foutu des choses implorantes aux grands yeux sur son chemin d’une autre manière. C’est un coup d’état, vraiment. MinHo, il l’regarde le p’tit bout d’dame devant lui, avec son grand sourire et ses grands yeux et il s’dit ; merde, pas encore  ; parce que franchement, c’est l’genre de délire qui lui tombe toujours sur la gueule. Il aurait tendance à dire qu’il a pas masse de potes, qu’il parle pas à des tonnes de gens, mais les quelques uns qui sont encore sur sa route, ils ont tous ce foutu regard. On pourrait croire qu’on y a foutu des étoiles et que les moindres gestes qu’il fait, ça les fait briller comme si c’était un acte saint ou une connerie du genre. MinHo, il déteste ça. Il juge que Marcus est l’premier coupable parce que gamin, son frère était capable de lui faire du chantage juste d’un regard implorant.
C’est l’genre de trucs qui a pas changé. P’ëtre que Marcus le fait plus  - si, mais MinHo est aveugle - mais l’reste du peuple a bien capté comment ça fonctionnait, avec lui.
Ou alors ils sont inconscients.
Et MinHo est juste faible.
Ça s’rait pas une nouveauté, ça, sa faiblesse.
Faut croire qu’avoir des gamins, c’est un truc merveilleux. MinHo l’pense aussi, étonnement. Ça l’fait vivre d’puis quelques mois. Mais il tire quand même la gueule à se faire mitrailler d’questions.
- C’est pas - les siens. MInHo pince ses lèvres, fronce des sourcils et reprend. Jia et Lamar. Jia a sept ans et Lamar trois. Des p’tits monstres, vraiment. MinHo les adore ; il sait pas vraiment qu’il ferait, sans eux. Il s’rappelle parfois le délire de cet été, quand leur mère a déménagé à l’autre bout du pays et qu’il a cru qu’ils allaient partir avec elle. Aujourd’hui encore, ça lui fout des angoisses. Lamar a juste b’soin d’dire que sa mère lui manque pour qu’il se tape une insomnie plus puissante que la précédente.
- Niko, l’prénom est testé ; MinHo hausse d’la tête. Elle a l’air d’une Niko, aussi. Ça lui va bien. MinHo, qu’il répond. Dire que pendant une bonne partie d’sa vie, il a insisté pour être appelé Frankie. Un caprice dont il a honte, presque, maintenant. Frankie est un démon. Frankie est l’monstre qui lui dévore les entrailles et l’tire vers le fond.
Y’a un silence.
Faut dire, MinHo sait pas causer aux gens. Le small talk ? Il a l’insulte facile mais ça, il l’connait pas vraiment.
- On s’bouge ou quoi ?, qu’il demande, d’nulle part. MinHo, il amorce un pas et s’arrête, lui fait un signe de tête l’air de répéter ses mots sans un bruit, avant d’marcher. Vu comment elle est minuscule, il a l’réflexe de ralentir son pas. La vitesse qui colle bien à Jia. t’aimes bien les enfants ou j’sais pas ? Franchement vu sa tête, elle a l’air d’être une prof à la petite école. De chanter des comptines et des trucs du genre. MinHo l’imagine bien assise en cercle avec des braillards et taper des mains en chantant des conneries sur les arbres et le soleil.
Ça lui arrache un sourire, tiens.
- tu d’vrais te faire une arme ou j’sais pas avec c’qui te sort du visage. P’être que ça f’rait fuir les cons. Ou au pire, rentre dans leur jeu. Fais genre que c’est l’homme d’ta vie et accroche toi à eux. Ça les fait fuir. Le nombre de merdes que MinHo a sorti aux parents célibataires - ou pas hein - d'puis qu'il est secrétaire scolaire, c'est assez impressionnant.

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“MinHo.” Elle répète, en écho, imprime sur sa langue et s’habitue à le dire parce qu’elle a décidé de s’en faire un ami. Du moins, tant qu’il la laisserait. La solitude est un poing serré autour de son coeur et elle se trouve un peu pathétique d’essayer désespérément de s’en défaire, mais la perspective que ça fonctionne la convainc de continuer.
Ils prennent le chemin vers le café, elle suit avec enthousiasme, presse le pas pour s’adapter à la démarche rapide des blossomiens. Dans sa tête, elle passe en revue tous les sujets de conversation adaptés à ce genre de rencontre, puis se laisse surprendre parce qu’il initie lui-même. “J’adore les enfants, je les trouve super drôles. J’ai une fille, mais elle est grande maintenant.” Niko visualise très bien Rumi qui lèverait les yeux au ciel, embarrassée d’être toujours mentionnée à chaque occasion. “Faut pas lui dire, mais ça me manque l’époque où c’était qu’une gamine.” Les choses entre elles étaient plus simples, il y avait un monde que d’elles deux. Maintenant, Rumi a toute une vie en dehors de sa mère, une indépendance qu’elle réclame une plainte à la fois, un esprit beaucoup trop vif qui prend constamment Niko de court et un rythme qui ne laisse plus autant de place pour leur relation.
Elle manque de mots pour enjoindre MinHo de profiter de ses enfants tant qu’ils sont encore des enfants justement. Elle manque encore plus d’idées pour combler son existence maintenant qu’elle n’a personne à qui se dévouer. Pendant vingt ans elle n’a fait que ça, se dévouer à son ex-mari, se dévouer à sa fille, et maintenant elle n’avait plus qu’elle à prioriser sans le moindre début d’idée de comment. C’est comme ça qu’on se retrouve à tenir la jambe d’un étranger rencontré dans la rue.

“Oh ça?” Elle remonte la manche de son manteau pour montrer son bras sur lequel on distingue plus facilement les morceaux de pierre précieuse. D'un geste de la main, elle frotte les paillettes qui tombent sur le sol juste entre eux. “C’est de l’améthyste.” Puis elle ferme son poing pour montrer les pointes qu’elle avait formées au bout de ses phalanges en prévision d’une altercation. “J’y avais déjà pensé.” Niko lui retourne un air amusé. “C’est pas mon premier rodéo, je connais toutes les tactiques, je les ai déjà toutes essayées.” S’il n’a pas encore compris jusqu’à présent qu’elle était plus âgée qu’elle n’en avait l’air, sûrement que maintenant il devait s’en douter.
“T’es du coin ? Tu connais bien le quartier ?” Ses yeux papillonnent, tentent de retenir le nom des rues qu’ils passent pour retrouver l’adresse du café plus tard, se contentera finalement de retrouver son parcours sur son téléphone qui traque visiblement le moindre de ses faits et gestes. Crimson Bay n’était pas son premier choix, mais c’était ce qu’elle pouvait se permettre en attendant de pouvoir visiter d’autres options plus proches de l’université. Pourtant, elle préfère ces rues mal fréquentées aux bourdonnement incessant de quartiers plus actifs et plus artificiels comme Solaris ou Neo Arcadia, où la course à l’avancée technologique a complètement dénaturé l’idée de ce à quoi devrait ressembler une ville. Elle est vieux jeu comme ça.

ft. @MinHo Yeong

Grande. Sa fille est grande. MinHo, il lui lance un regard un peu plus long l’air de s’dire que oui, il voit pas comment c’est possible en fait. P’être que le père est un colosse ? Non mais parce que la meuf, elle est minuscule. Il en a vu des plus p’tites par le passé mais franchement, elle vaut sa place. On dirait l’genre de filles que les gars appellent des fleurs ou des merdes du genre. Faut dire que vu les brillants qu’elle se coltine à la gueule, ça aide pas non plus. On dirait qu’elle est sortie d’un Polly Pocket ou d’un truc du genre. MinHo, il est certain qu’il peut trouver une poupée qui lui ressemble dans la collection de Jia.
- Amé - quoi ? L’nom est perché, quand même. MinHo répète deux fois à voix basse, voit plus ou moins comment le truc doit s’écrire et réalise qu’il l’a lu un million de fois dans la série de fantasy qu’il lit avec Marcus d’puis qu’ils sont mômes. Une pierre de vie ou un truc du genre, il sait plus trop. C’est loin dans ses souvenirs, mine de rien. Faut dire, ça s’trouvait dans la vieille trilogie. Maintenant, c’est une connerie disparue dont tout le monde pleure la perte.
Impressionné, il siffle à voir le délire qu’elle peut faire avec son caillou. MinHo, il s’dit que c’est pas elle qu’il a sauvé, c’est l’pauvre type, en fait. C’bien connu ; les plus p’tits sont plus proches de l’enfer. Si ça s’trouve, c’est un vrai démon cette Niko.
En signe de paix, il lève ses deux mains.
- j’dirais rien pour te foutre en rogne , qu’il dit. Même si franchement ; y’a des risques que ça arrive. MinHo, il a pas sa langue dans sa poche. j’suis dans l’under. mais j’viens d’newark. À peine à trente minutes des cendres de New York. Et pourtant, assez pour avoir marqué son enfance. ’fin j’étais d’ici avant tout l’bordel De Crimson Bay, il a quelques repères parce que MinHo, il a trop souvent fait la tournée des bars cheap des environs. C’était toujours moins cher par ici, disons. j’peux te dire les bars les moins chers des environs mais disons qu’présentement, mes connaissances sont plus prises par les meilleures papeteries pour les trucs des gamins. Inutile de parler d’son passif d’alcoolique. Personne a envie d’savoir, de toute manière. Même MinHo, il voudrait oublier. C’juste là. La devanture jaune canard Un p’tit café qui essaie d’rester en vie malgré les grosses chaines.

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“Améthyste.” Elle répète poliment en essayant d’avoir l’air le moins sceptique possible. C’est qu’en général, les gens savent ce que c’est et avoir la pierre sous les yeux confirment leurs doutes. Mais à vrai dire, cette réaction ne lui déplaît pas, beaucoup en profitent poser des questions douteuses dès qu’elle en parle. Ca la rassure encore plus sur le fait que MinHo est pas un relou indécent. En revanche, il pense peut-être qu’elle l’est, à lui coller aux basques et à lui raconter sa vie.
La mention de l’Underapple lui tombe sur le coin de la gueule et elle doit se retenir de pas grimacer, parce qu’elle ne voudrait pas avoir à raconter sa première fois dans le tombeau géant et la rencontre insolite - et troublante et dangereuse et impossible à oublier et qui lui soulève un peu le coeur quand même - qu’elle y a faite. L’indicible lui colle à la peau comme un filet de sueur. Elle n’a rien dit à qui que ce soit, pas même à Rumi à qui d’ordinaire elle fait la chronologie détaillée de ses journées. Ses lèvres sont scellées sur le nom qu’elle a cherché sur internet et sur les résultats qui ont été affichées. Comment expliquer à son monde qu’elle avait le numéro bloqué d’une super-vilaine dans son téléphon et qu’elle ne savait pas exactement quoi penser de cette femme parce que la personne qu’elle avait vu dans les rues souterrains était bien loin du portrait dressé dans les listes de personnes recherchées.

Alors elle passe sur le sujet de conversation, saute avec enthousiasme sur la suite des choses. “Oh, je suis pas du genre à fréquenter les bars de toute façon. Les cafés mignons aux devantures jaunes me vont plutôt comme adresse.”
Il y a un sourire sincère qui se dresse sur son visage, une tentative de gommer la gêne qui n’a pas entièrement disparu de leur situation. Elle a conscience qu’ils sont deux inconnus réunis par un concours de circonstances étranges et que la seule glu qui les maintient est la moue implorante de Niko. “Tu veux passer acheter ce que tu dois prendre avant ou on va au café tout de suite ? Tu dois prendre quoi d’ailleurs ?”
Ils s’arrêtent près de la devanture en question et elle a un regard vers la porte, puis vers MinHo, puis vers ses mains desquelles elle gratte une plaque de poussières d’améthyste qui se répandent autour d’elle. L’impression d’être perdue revient avec force, une gifle mentale qui lui rappelle qu’elle a quarante ans et qu’elle vient de changer de vie et qu’elle est tellement perdue qu’elle en est à forcer la main à des étrangers. “Mon Dieu, qu’est-ce que je suis en train de faire ?” Elle marmonne pour elle avant de se retourner vers MinHo. “C’est bizarre hein ? Je sais même pas pourquoi j’insiste comme ça. D’habitude je suis normale, promis.” Même si elle n’aurait rien défini dans sa vie de normal. “Ce qu’on peut faire, c’est que je vais entrer prendre un café, tu peux aller faire ta course, et comme ça si c’est trop pour toi, tu peux t’éclipser tranquillement sans que je le voie. Sinon, t’es le bienvenu à ma table.”

ft. @MinHo Yeong

Y’a une connerie de soulagement qui prend place dans ses veines à entendre qu’la minuscule, elle aime pas les bars. C’est presque inconscient et c’est forcément con, mais MinHo, ça l’détend sur l’coup. Mieux qu’avant, jamais parfait dans son mal-être, il est apte à supporter quelques bières et des gens saouls à ses côtés- surtout qu’les potes de son mec sont acceptables - mais les bars, il est pas foutu d’y mettre les pieds, encore. Incapable de prendre une bière sans alcool, aussi. MinHo, il s’dit que c’est forcément faible. Qu’il est un peu pitoyable aussi, au passage. Pourtant, il aimerait bien y foutre les pieds ; surtout dans les boîtes de nuit. Il aimerait bien danser ; c’est l’genre de trucs qui lui manquent, danser. MinHo, il a toujours adoré. Bouger et bouger jusqu’au point où son corps soit plus capable de suivre, écouter la musique et juste s’laisser aller. Il en a pas encore causé à Lou ; d’cet amour qu’il possède pour la danse, pour la musique latine, surtout. C’est un peu con, s’lon lui. Au final, ça doit être encore une connerie où MinHo s’punit inutilement. On change pas une recette gagnante.
Trop perdu dans ses pensées, MinHo capte pas qu’il a foutu un blanc et pas répondu à Niko. Y’a son pas qui s’arrête d’vant le café et MinHo prend un moment à capter qu’iels sont déjà rendu.es quand elle lui cause encore. Les sourcils froncés, il tourne sa gueule vers elle et prend un temps à sortir d’ses noires pensées.
Y’a sa gueule qui s’ouvre enfin pour répondre que déjà, la minie elle s’emballe et MinHo fronce un peu plus des sourcils, paumé.
- Quoi ? Il gronde presque et elle s’emballe, elle lui balance cent mots à la minute et MinHo il capte à moitié ce qui est en train de se passer. Ça lui fout presque un mal de tête, cette connerie. Les filles d’son entourage sont moins nombreuses d’puis quelques mois, disons qu’elles lui rappellent soit sa mère, soit ses mauvaises décisions, et il comprend toujours pas comment ça s’passe, dans leur tête. C’est con ton truc ; très franc ; trop franc. MinHo soupire, agacé avant d’secouer sa tête. Il la zieute et continue. Comme tu veux, ouais. Si ça t’fait plaisir. Disons qu’il peut comprendre un peu l’processus d’ses pensées et la validation qui vient avec la marche à suivre. Ça l’fait particulièrement chier ; MinHo s’garde de le partager mais à sa gueule, on doit l’deviner. On dirait qu’il vient d’sentir un truc pas frais. Prends une table près d’la f’nêtre qu’il demande pour la forme avant d’bouger son cul et d’aller dans la boutique.
C’presque embarrassant à quel point il connaît l’lieu par coeur d’puis le temps. MinHo aime bien la boutique ; les trucs sont sympas, pas chers et Jia aime un peu trop les licornes d’leur collection. Y’a des produits dérivés Shaman Fable aussi ; Lamar est heureux. Au final, il passe plus d’dix minutes à acheter plus d’trucs que nécessaire juste parce qu’il s’dit à chaque fois que ça va plaindre aux gamins. C’pitoyable, quand même ; pas même un an dans leur vie et il jure que par leur bonheur. MinHo, il les aime tellement qu’parfois, il en a peur. D’la même manière qu’il aime Lou, au fond. Ça lui fout les boules ; il pourrait déconner n’importe quand, tout foutre en l’air, perdre son bonheur. Il essaie d’pas y penser mais ça reste là, dans sa cervelle. C’est une voix qui s’est pas s’taire.
Y’a l’carillon qui résonne dans l’café quand MinHo y ramène son cul, un sac un peu trop lourd du bout des doigts. L’truc est assez minuscule qu’il a pas besoin d’trop chercher Niko ; elle est juste posée là. À voir sa gueule, elle était persuadée qu’il allait pas revenir. C’genre d’expression, MinHo y est habitué. Il la voit même dans l’miroir, parfois. P’être que c’coup-ci, il se surprend lui-même.
- t’as pris la seule table bancale Faut toujours mettre un truc sous l’une des pattes sinon, l’truc bouge comme pas possible et ça renverse l’café. MinHo déteste ça ; ironiquement la table est aussi mal foutue que lui. À zieuter la table, Niko a clairement déjà renversé un peu d’café. Il soupire et dépose son sac sur sa chaise - aussi bancale - avant d’prendre une napkin et d’la plier en quatre pour la foutre sous la coupable.

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Elle le laisse partir avec un sourire désolé et pousse la porte du café; il s’éloigne pour continuer ses achats et elle est persuadée que malgré son commentaire, il est content de pouvoir se tirer de cette situation. Elle est persuadée qu’ils se voient pour la dernière fois. Cette conviction l’accompagne tout le temps qu’il lui faut pour commander un latte - almond milk, sugarfree, vanilla syrup, le barista a failli lever les yeux au ciel en reconnaissant son accent californien  - et s’installer. Une table près de la fenêtre, la rue morose se dessine en fond de son reflet et de son regard un peu vide. La question s’installe immédiatement dans son esprit. Qu’est-ce qu’elle fout dans cette ville ?
Elle est là pour Rumi, à qui elle pianote déjà un message pour lui raconter les dernières frasques d’une mère qui ferait peut-être mieux de s’émanciper émotionnellement. Les autres messages s’accumulent, non lus, un nombre rouge pour attirer son attention qu’elle ignore éperdument. Qu’il s’agisse de clients actuels ou futurs, ils attendront qu’elle traverse la mare boueuse qu’est sa propre vie, elle ne se sent pas légitime de donner des conseils aux autres.

C’est donc la surprise qui se peint immédiatement sur son visage quand Niko lève les yeux pour constater que son sauveur improvisé passe la porte. Elle l’accueille d’un sourire, les yeux illuminés, un joie fugace mais qui a le mérite d’être là. “Les autres tables étaient collantes.” Elle se justifie, sans vraiment être piquée pour autant, parce qu’elle a toujours le sourire aux lèvres, indéfectible, qui réchauffe son expression et qui se répand jusqu’à sa poitrine.
“Merci d’être venu. J’étais vraiment en train de passer une journée de merde. Mais maintenant ça va mieux du coup.” C’est offert comme une semi explication à toute la situation, à pourquoi elle insiste autant pour gratter un peu de gentillesse, à pourquoi elle accepte de passer son début d’après-midi à bader dans un café en espérant qu’un inconnu lui tienne compagnie… Et puis elle décide qu’elle n’a plus à s’expliquer autant, parce qu’il est là justement. Elle lui a présenté une porte de sortie, il n’a pas saisi l’occasion, c’est qu’il était sûrement aussi toqué qu’elle, ou un peu curieux, ou peut-être que lui aussi avait besoin d’un peu de compagnie. “Tu veux boire quoi ?”
Il y a un ding qui l’alerte d’un message qui arrive et elle zieute du coin de l’oeil le preview avant de mettre son téléphone sur silencieux. Elle a un vague sourire qui traîne après ce qu’elle vient de lire. “C’est ma fille qui pariait 20 balles que t’allais vraiment venir alors que je lui disais que c’était mort.  Comme quoi elle accorde vraiment plus de confiance à cette ville que moi.”

ft. @MinHo Yeong

tw : mention d'alcoolisme

Il s’demande encore c’qu’il fout là, MinHo. En vérité, il sait bien. Elle est un peu bizarre, mais elle a l’air sympa. MinHo, il s’dit qu’il peut s’forcer le cul et tenter de lui parler, être poli, un truc du genre. P’être qu’il se dit qu’il devrait s’laisser une chance ; s’ouvrir aux gens, causer un peu plus. C’est pas trop mal non, avoir Nuage dans sa vie ? Et Link et Lennox, aussi. C’est sympa quand même, avoir des potes. MinHo, il a l’habitude des gens qui voulaient picoler et qui rigolaient comme des porcs quand il était trop hs pour se bouger le cul. Il leur en veut pas ; il était aussi pourri qu’eux. Ils se méritaient. Personne est resté de c’monde là, sauf Nuage. Mais Hae-un a subi des merdes aussi, a changé dans la dernière année après s’être fait mettre en prison. MinHo se d’mande parfois ce qu’il a connu là-bas, mais disons que ce qu’il imagine lui suffit.
Disons que c’est un autre monde, maintenant. Avec des gamins, un copain et des potes. Un délire qui l’aurait fait rire, deux ans plus tôt.
P’être qu’il peut se faire des potes comme tout l’monde. Niko a l’air plutôt pas mal, outre les brillants. MinHo s’demande si elle en a qui lui sort du cul. Ça s’rait marrant. Mais bon ; ça s’demande pas.
- Les journées d’merde c’est un peu l’principe par ici, qu’il fait en se redressant. MinHo soupire et passe une main dans ses cheveux, observe le menu qu’il connait un peu et hoche la tête. Ouais - un café noir. P’être un gâteau, j’sais pas. MinHo a la dent sucrée. Il aime bien tout ce qui est au chocolat. Surtout fondant. L’regard tombe sur le téléphone et il hausse d’un sourcil quand elle lui raconte l’histoire du message. Il a pas d’mander, MinHo. Ça l’étonne qu’elle partage autant. Elle devrait faire attention. Ça reste une ville de merde. qu’il répond. MinHo commande un café et un dessert, et continue. J’reste un enfoiré. Juste j’choisis mes jours. MinHo se voit plus souvent comme une merde qu’autrement. Il essaie d’faire son mieux ; c’est déjà bien comme ça, disons. Y’a des gens qui essaient pas. Avant, il essayait pas. C’pour elle que t’as ramené ton cul ici, c’ça ? T’aurais fait quoi, sinon ? C’est un peu ironique parce que - Quand j’suis v’nu ici c’tait  pour mon frère – et un gars Une grimace. Une connerie d’histoire à suivre une ancienne flamme qui a jamais vraiment brûler. J’me suis trouvé un peu con après et j’ai fait qu’me saouler. L’ironie c’est qu’on est ensemble aujourd’hui. MinHo a jamais trop causé aux gens du fait qu’il était venu à New Blossom - ou l’Underapple plutôt - pour Lou. Un p’tit espoir con de le revoir un jour. Au final, il s’est perdu dans les bars et dans l’alcool sans le voir pendant des années. Du moins jusqu’à l’an passé.

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C’est vrai qu’il sonne un peu abrasif, comme quelqu’un qui a arrêté de polir tous les aspects de sa personne pour le monde. Il laisse les choses couler de sa bouche comme elles viennent. Elle aimerait pouvoir en faire autant parfois. Il lui semble qu’à une époque lointaine, elle avait la même fibre, la même capacité à simplement dire. Puis les mots sont devenus un champs de bataille et elle perdait sans cesse contre son ex-mari, alors elle a arrêté de dire les mots. Et même après le divorce, le blocage est resté, la peur intime que tout ce qu’elle pourrait dire serait retourné contre elle, utilisé pour souligner à quel point elle n’est pas… Elle n’est pas.
“Je suis tombée sur le bon jour alors.” Son moment de chance après une journée qui n’avait fait que lui en mettre plein la gueule. Et depuis qu’elle vit dans un univers plus tourné vers la spiritualité, elle se sent obligée de voir les signes. C’en était sûrement un.

Elle hoche la tête quand il lui demande si elle était venue dans cette ville maudite pour suivre sa fille. C’était pas vraiment l’ordre conventionnel des choses, et puis ça voulait dire une chose aussi : qu’elle était clairement ce genre de parent qui ne vivait plus qu’à travers son enfant. Quant à ce qu’elle ferait si elle était restée à Los Angeles, elle n’a même pas l’imagination pour se le figurer. Ce serait business as usual : une routine de solitude. Elle n’était pas de ces gens qui avaient des projets, des grandes ambitions, l’envie de changer le monde. Elle vivait, c’était suffisant. C’était même déjà beaucoup.
Minho n’a pas non plus une histoire qui le fait particulièrement briller, si ce n’est qu’elle a au moins le mérite d’avoir un happy ending. Ca fait comme un miroir à Niko, elle aussi a été du genre à prendre de trop grandes décisions par amour avant de se casser la gueule. Elle fronce les sourcils quand il mentionne l’errance dans l’alcool, en se demandant immédiatement si c’est dit à la légère, pour dire qu’il a fait la fête, ou s’il y a un véritable problème de dépendance qui le pèse. Il a l’air si à propos, comme si c’était anecdotique dans l’histoire de sa vie. Elle décide de ne pas creuser plus, un peu parce que ça ne la regarde pas vraiment et un peu parce qu’elle n’a pas envie d’assumer le pire de lui. Alors elle se contente d’alimenter la conversation, d’en apprendre plus. “Et les enfants du coup ? Ils sont arrivés quand dans l’équation ?” Le visage s’éclaire brièvement quand l’idée lui traverse l’esprit. “T’as des photos d’eux ?”


ft. @MinHo Yeong

MinHo aime pas trop causer d’sa vie ; des coups durs, des merdes qu’il a commis au fil des années. C’est pas forcément des fiertés. Pourtant y’a des souvenirs sympas, des trucs qui l’font rire quand il y pense à l’occasion. Sauf que souvent, y’a des merdes qui sont associées. Comme toute l’histoire avec Tommi ; leur relation, les fiançailles, la romance et la mort. La red, aussi. C’est un sacré bordel qu’il préfère ignorer ; y’a que Lou qui connaît les détails parce que MinHo, il a voulu l’faire fuir y’a quelques mois, quand Lou a voulu le pécho. MinHo, il a voulu lui faire peur et au final, Lou est resté accroché comme si ça changeait rien à la réalité. Comme si la laideur d’son âme voulait pas dire grand chose ; le définissait pas pour autant. C’est un peu choquant, encore. MinHo a encore cette crainte, plus minuscule mais encore présente, qu’il déconne assez pour que Lou parte.
C’pas l’cas, pourtant. MinHo, il s’dit vraiment que Lou, c’est pour l’éternité ou le résultat d’son coeur brisé. Il pense pas qu’il pourra s’en remettre, si leur histoire en vient à s’arrêter.
- Les gamins ? MinHo hume et prend une gorgée de son café. Ça goûte pas la mort, au moins. Une bonne nouvelle. Lou les a eu avec une fille entretemps. Ils se sont séparés y’a un certain temps, j’sais plus trop. MinHo préfère pas penser à l’ex de Lou parce qu’elle lui file des angoisses. Pas forcément qu’elle puisse reprendre Lou, mais plutôt parce qu’elle a déjà bataillé pour la garde des p’tits avant de foutre le camp en californie. MinHo comprend toujours pas comment on peut décidé de quitter un État sans ses gamins. Ça lui passe par dessus la tête. Jia m’faisait un peu chier au départ mais Lamar ça allait - ‘fin j’suis secrétaire d’scolaire où il va à la crèche - il aimait déjà bien ma gueule. MinHo a jamais compris pourquoi mais il en est heureux, vraiment.
Sortant son téléphone, il feuillette les photographies qu’il possède avant de tomber sur des photos de Jia et Lamar avec le père noël, quelques semaines plus tôt. Y’a même Hae-un et sa tête de merde. Ça lui arrache un semblant d’sourire. Là, qu’il dit, tournant le téléphone vers elle. C’est eux avec mon meilleur pote. Leur mère est noire. De beaux enfants métisses. MinHo les trouve adorable. Y’aurait des vieilles dames sans aucune valeurs qui diraient que plus tard, iels vont briser des coeurs et des merdes du genre. MinHo préfère s’dire qu’iels vont casser des dents et des g’noux ; c’est moins dérangeant quand on cause d’enfants. J’te demand’rais bien d’voir la gueule de la tienne mais franchement, elle doit avoir presque mon âge non ? ça fait bizarre.

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Niko est une oreille attentive, avide de ce genre d’interaction sociale (presque) normale, de ce genre de discussion qui ne va pas altérer sa personne entièrement. Elle ne cherche pas de grands discours sur la société, ni de remise en question profonde, ni de tourbillon émotionnel sur ses erreurs passées, elle veut juste de l’humain, simple et direct. Un café, l’odeur de patisseries maison, des photos d’enfant et l’histoire d’une famille qui fait ce qu’elle peut pour être fonctionnelle. “Ils sont trop mignons !” Elle s’extasie avec un véritable sourire. Ca lui fait un tout petit pincement au coeur de savoir que ce temps est déjà si loin derrière elle, qu’il n’y aura jamais que Rumi et que maintenant elle est jeune adulte et que cette innocence enfantine ne se manifeste presque plus. La dernière fois qu’elle l’a vue, c’était au sujet de son père…
Elle est sur le point de continuer à alimenter, demander autant de détails que possible, vivre un peu ces petits bonheurs par procuration, puis la remarque qu’il fait la coupe nette. Elle lève un regard étonné vers lui, une ombre d’indignation habille ses traits avant de s’évanouir sous un rire sincère. “Mais tu penses que j’ai quel âge ?!” Si le ton léger veut alléger l’accusation, il y a tout de même un fond de panique dans sa question, un fond de peur d’être au coeur de cette course contre le temps et de perdre. “Rumi a vingt ans.” Elle anticipe presque immédiatement la prochaine question en clarifiant : “J’en ai quarante.” Et du récit que lui avait fait Minho, il était plus proche d’elle en âge que de Rumi.

“Tiens.” Niko déverrouille son téléphone et lui montre sur l’écran d’accueil une selfie de sa fille et elle. Et la jeune femme ressemble à s’y méprendre à celle qui l’a mise au monde, comme si elle l’avait faite seule. Et quand elle y repense, c’est presque le cas. “Elle est venue étudier à l’université ici. Mais de base on vient de L.A.” Il y a un léger soupir quand elle le dit, clairement guidé par le regret. La côte ouest lui manque profondément.

ft. @MinHo Yeong

L’visage plus au moins blasé, MinHo dévisage la minuscule et hausse juste d’un sourcil quand elle s’indigne. Il sait pas, non, son âge. Faut dire que les gens asiatiques comme eux, l’âge, ils se le prennent d’un coup sec à la gueule. Avant ? Avant, ils ont l’air jeune pendant une éternité. Alors franchement, il sait pas et il peut pas imaginer ou s’faire une idée de l’âge qu’elle peut avoir. Elle lui dirait soixante balais que MinHo, il dirait okay. En plus, y’a pas une délire d’immortel parfois ? Les mutants foutent vraiment n’importe quoi. Si ça s’trouve, elle a un cristal pour ça. Un truc du genre.
Est-ce qu’il lit un peu trop d’fantaisie ? P’être bien. Mais vraiment, avec les merdes que les gens sont capables de faire, MinHo voit pas en quoi c’est con comme réflexion. Le monde est juste foutu et de travers ; la logique s’y accorde plus.
Vingt ans pour la gamine. P’tain, MinHo imagine pas Jia à vingt ans.
Il espère être là pour le voir ; Lamar aussi.
Les sourcils s’froncent un peu ; il cligne des yeux. Réflexion à la con ; ça l’rend presque ému quoi.
- Quarante, qu’il répète. Tu les fais pas. Elle est canon, quand même. Saoul dans un bar et quelques années plus tôt, MinHo aurait tenté sa chance pour un soir. Maintenant, il lui cracherait à la gueule si elle posait le regard une seule seconde sur son mec. Comme quoi, il a plus la même vie qu’avant.
L’regard va au plafond avant d’se poser sur la photographie. MinHo prend l’temps de bien regarder malgré la réflexion faite plus tôt. Il trouve ça sympa, quand même, de voir les similarités entre les visages.
- v’avez le même regard, c’marrant., qu’il finit par dire. Elle étudie quoi ? MinHo, il pense à retourner aux études parfois. Prendre un cours supplémentaire, p’être bien, pour lancer son entreprise, son restaurant. Ça reste son but, quand même. Son rêve. C’juste qu’avec les gamins et Lou, il le voit moins comme une course. Il a plus tant besoin de ça pour se sentir complet, pour se sentir accompli. MInHo est capable de prendre son temps, maintenant. De respirer et d’attendre demain et le jour d’après. Ça a l’air de pisser la chaleur, LA. Commentaire à deux balles. MinHo la toise. Et d’faire genre que ça chie pas, aussi. À s’penser meilleur ou j’sais pas. T’as pas la gueule de ça. Mais la gueule, ça ment. MinHo l’sait bien, ça. Les faux culs t’manquent ? Regarde les à la tv ils ont l’air aussi faux.