I have to set you free

I HAVE TO SET YOU FREE
@Elvira Wingfield & @Skye Lane

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“C'est pas toi.” dit-elle. Et il ne comprend pas. Rien ne grimpe jusqu’au cerveau. “C'est pas toi le problème,” répète-t-elle. Et il bat des paupières et il garde la bouche entrouverte sur son cyclone intime. Et elle caresse, enfonce ses doigts dans sa tignasse. Et les tourments s’assouplissent, se délient. La face balance vers sa paume. Vers sa tendresse qu’il capture enfin. Qu’il ressent. “T'es juste tombé amoureux de la mauvaise personne.” Et la nuque se raidit et les orbes retrouvent et percutent le vide devant. Et le miroir brisé. Et la porte ouverte sur le couloir. Il ne veut pas l’entendre, ça. Il sait ce qu’il fait - non. Il sait qui il aime - oui. “Peut-être que c'est toi qui partira un jour… “ Et elle dépose son minois contre son torse et il lui recouvre les traits avec les battoirs, dans une habitude des gestes qui, plus tard, lui déchirera les trippes d’un manque persistant et renouvelé. Les mains chutent au délicat de la nuque. Ses bras finalement se soulèvent. Il l’encercle, la couve ; voudrait la sortir du monde avant qu’il ne soit trop tard. “Dis pas de conneries,” Skye réintègre les pourtours du tangible. “J’partirai jamais El,” c’est une certitude. Un truc incrusté en lui. Marqué au fer rouge. Il s’est toujours barré, avant. Dans toutes les relations traversées ; et il récidivera, dans les prochaines. Toujours, Skye s’évade. Skye n’est bien nulle part. Skye cherche un chez lui qu’il a trouvé contre la poitrine de cette cinglée. “J’suis enchaîné à tes p’tits seins tout durs,” et à Skye de réinvestir son corps et ses pensées. Et à Skye de redevenir le sale môme à l’humour très limite. A la poésie déchirée et aux élans de protections démesurés, la concernant. “T’es pas un monstre El, j’te l’ai dit.” Il le pense et il la conjure de l’écouter. “T’es juste un peu baisée par la vie-” il le sait, il le sent, et il ne se l’explique pas. Parce qu’elle ne parle pas. Pourtant. Elle a tout. Elle a un homme qui la veille et qui l’éloigne des dangers de son univers - et cet homme, Skye sait que ce n’est pas lui. Elle a de l'argent. L’amour inconditionnel de milliers de personnes. Elle a la beauté et l’intelligence. Et elle a son amour, aussi, pour ce que ça compte. “… mais on l’est tous les deux.” Skye s’écarte, un peu. Contorsionne son buste, juste pour pouvoir la voir. Sa nuque tordue, sa face penchée. Il lui sourit. Et ses phalanges amochées lui récupèrent le menton. “Et on va assurer, tu verras.” Il y croit, imbécile. Il y croira toujours. Condamné par ses lèvres, par sa chatte, par son esprit, par son âme qui l’irradie ; nucléaire. “J’te lâcherai pas El j’te jure,” et il le dit plus pour lui que pour elle. Et il jure des choses qu’il ne peut pas jurer. Qu’est-ce qu’il connaît de l’avenir. Et des délires. Et des désordres. Et des cœurs qui se brisent pour de bon. Le sien déjà cassé, il imagine. Déjà cassé vingt ans plus tôt. Il ne pense pas qu'elle lui a recollé les morceaux. Et qu’elle éclatera son cœur-puzzle un soir, sans qu’il ne s’y attende. “J’suis vraiment taré d’toi.” Et ses mots, ses putain de mots. Trois petits mots maquillés sous d’autres. Trois petits mots qui, d'entre ses crocs, malgré les mois en années, ne sortent jamais.