with a tendency towards solitude (curtis)

cw : brève mention d'homicide, curtis being curtis

Curtis joue avec le briquet ensanglanté entre ses doigts gantés. Il a récupéré les preuves nécessaires afin de toucher sa prime. Celui-là, il le garde pour le souvenir. Il est de bonne facture et peut-être qu'il pourra le donner à ce vendeur d'antiquités à qui il doit une fière chandelle. Après l'avoir, bien sur, précautionneusement nettoyé. Curtis ne désire pas abuser de sa gentillesse et lui apporter un objet sale. Lui, en revanche, va devoir se laver. Le métier de mercenaire peut être couteux en vêtements quand les victimes se débattent. Ici, dans l'Underapple, personne ne viendra enquêter se la disparition de la jeune femme. Dans l'ombre, le sang ne se voit presque pas.  
Sa victime repose paisiblement dans sa dernière demeure, après une course poursuite effrénée qui ne pouvait que se terminer un jour. Il est toujours possible de courir, il n'est en revanche pas envisageable de fuir pour l'éternité. Elle s'est violemment débattue comme une bête qu'on traîne à l’abattoir. Curtis lui aurait bien évité cette douleur. Il déteste faire souffrir ses victimes, Curtis ne verse pas dans le sadisme. Pas sans raison valable et un prix sur une tête n'est pas suffisant. Pas de contexte, pas d'états d'âmes. Curtis fait son travail. Les âmes qui partent dans ces circonstances ne vont jamais en paix.
Il doute que la paix existe quelque part.
Et puis, cette voix.

Cette voix, c'est la Paix en personne. Son coeur fait un bond et Curtis enfonce le briquet dans la poche de sa veste. Il se tourne vers le détective et marque un arrêt. Une boule se forme dans sa gorge. Alors c'est devenu pire, c'est ça ? D'abord il occupait ses pensées, ses nuits, puis il a commencé à grignoter de plus en plus d'espace. Et maintenant, Curtis ne peut plus le regarder dans les yeux sans sentir ce picotement singulier à l'intérieur de lui.  « C'est à la saleté que l'on reconnaît les travailleurs. » Jamais une poussière sur les costumes des grandes pontes de ce monde. Forcément, ils n'ont rien à faire sinon regarder et ordonner leurs chiens.
Chung-Hee est toujours beau, même le visage dévoré par l'obscurité, même lorsqu'il croit déceler une pointe d'inquiétude dans ses yeux. Même quand il est inaccessible.
Curtis se tend, s'attendant à tout. Qu'est-ce qu'il lui veut ? « Ah. »  Le téléphone doit être déchargé. Ce doit être important qu'il ait fait le déplacement.
Est-ce grave ?

« Je vais bien, Chung-Hee. Curtis s'applique à le prononcer. Depuis les révélations lors de cette maudite soirée, il ne peut s'empêcher de se sentir comme le dindon de la farce. Qui se laisserait volontiers farcir, c'est ça le pire, Curtis les laisse se jouer de lui, de sa naïveté, de son incompréhension. Ne voient-ils donc pas le mal qu'ils ont fait ? Chung-Hee ne voit-il pas que Curtis saigne ? Il suffirait de lui dire, mais sa fierté et sa résignation l'en empêche. Curtis est faible face aux belles paroles et aux promesses qui lui ont été faites. « Je t'écoute. J'ai terminé ce que j'avais à faire, j'irai chercher ma prime après notre conversation. » Curtis ne justifie pas le silence et les appels moins nombreux. Il donne à Lim la distance nécessaire.

« Si c'est pour dire ce genre de connerie, tu peux économiser ta salive. Curtis hausse un sourcil. Curtis ne sous-entend rien, il se fiche de savoir où Keith était et ce qu'il faisait. Il y a pensé, comme souvent il laisse ses pensées s'égarer sur l'homme. Des détails futiles qui lui importent, Curtis au détour d'une vitrine se demande si il porterait bien cette écharpe autour de son cou (et y glisserait bien ses doigts, en prime). Il hésite à composer son numéro pour l'inviter à manger au restaurant ou prendre un plat, chaque fois qu'il retourne au take away. Ce n'est pas raisonnable. Tant que ses pensées restent des pensées elles ne font de mal à personne.

Il ne préfère pas savoir, où il est, ce qu'il fait, au cas où ce sont les bras de Clemente qui encerclent sa taille. Son voisin est généreux. Ses émotions sont exquises et simples. Il est parfait, Curtis le sait car il a aussi du désir pour lui.  Curtis a envie de s'arracher ce qu'il lui reste de neurones pour cesser de faire les connexions. Il apprécie les deux hommes. (Lim encore plus).

Le corps se tend. La proximité de Lim est de trop. Oui, Chung-Hee le dérange. Depuis un moment, il dérange l'ordre pré-établi des choses, il dérange tout ce que Curtis a passé des années à bien ranger. Chaque émotion triée sur le volet. Il est partout. « Tout va dépendre de ce que tu es venu me dire. Curtis espère quelque chose de croustillant à ce stade.  Ne joue pas à ce petit jeu là avec moi. » Curtis ne veut pas rentrer dans cette animosité. Il ne nie pas vouloir être tranquille, surtout quand il travaille. Il ne veut pas avoir à s'énerver contre Chung-Hee pour autant. « Disons que je passe de mauvaises nuits. » Sans toi. Quand il appelle, trop tard, Curtis enfouit sa tête sous l'oreiller et préfère l'ignorer.

Avant, il aurait probablement tout laissé tomber pour le suivre au bout du monde, mais pour se protéger, Curtis doit rétablir cette distance entre eux. Leur relation est professionnelle, peut-être un peu plus. Amicale, alors. Chung-Hee l'a fait rentrer dans son quotidien au gré de ses nombreux appels, et alors ? Ça ne veut rien dire.

Le mercenaire ne répond pas, n'élabore par sur la notion de jeu, lève les yeux au ciel derrière ses verres fumés. Il laisse tomber. Curtis souffle, un vent de colère se lève. Pour qui Chung-Hee se prend t-il ? Curtis n'aime pas qu'on lui dise comment il doit être, ni comment il doit se comporter. Il n'apprécie pas son comportement.« As-tu terminé avec tes reproches ?   Depuis le début, Chung-Hee se montre autant désagréable. Curtis n'a pas le temps de lui en vouloir.
Chung-Hee gagne cette guerre en quelques mots.
Son coeur s'arrête de battre.

Curtis n'a qu'une envie, balancer l'anneau à la gueule de Chung-Hee. Est-il obligé de le prendre, de s'abaisser à cette humiliation ? Il semblerait que ce soit le cas.  Il saisit l'objet, le fait tourner entre ses doigts et combat la violente douleur qui martèle sa poitrine. Curtis sait ce qu'est une alliance, l'implication derrière un objet aussi symbolique. Il sait aussi que les couples qui s'entendent bien finissent par passer ce cap, ses parents l'ont fait. Depuis des années, ils se soutiennent. Un White ne prend pas un serment de fidélité à la légère. « Félicitations. L'intonation est désincarnée. Ni colère, ni tristesse. Quelque chose meurt au fond de lui, un espoir. Tout ce qu'il voulait lui dire est vain. Tout semble terriblement vain.  Lim est venu lui demander conseil, se confier à lui, parce qu'il va faire sa demande, épouser Clemente et sceller leur amour. Curtis ne se fait pas d'idée, cette interlude partagée avec eux était belle, vouée à se terminer un jour. Oui, elle est belle. Curtis tend la main pour lui rendre. La bague brûle ses doigts. Il veut partir, hurler. Il va aimer. »  En fait, il n'en a rien à faire de lui. Il est juste venu pour lui demander son approbation, pour obtenir quelque chose. Curtis se refait le film, revoit toutes leurs interactions par ce prisme et craint avoir raison. Chung-Hee a eu besoin de lui. Bientôt, ça ne sera plus le cas.
Curtis aime Clemente autant qu'il le déteste à cet instant.
Curtis aime le détéctive autant qu'il le hait.
Curtis... Curtis l'aime.

Curtis se tend, une fois de plus, blessé, une fois de plus, par les paroles si peu délicates de Chung-Hee. Les conseils avisés de Robin lui reviennent en tête, mais Curtis n'est pas Robin. Curtis ne possède pas la sagesse de son adelphe, le calme et l'adaptabilité. Il voudrait bien faire un effort et estime en avoir fait assez, tout ça pour se récolter la mauvaise fois de Chung-Hee. De marbre face aux attaques, il ploie aujourd'hui. Car c'est lui, car il laisse le moindre de ses mots le blesser et faire saigner son âme. « Quoi, "que ça" tu veux aussi que je t'écrive un roman, Lim ?  » Il n'y a rien à dire dessus. Curtis ne sait pas quoi dire, ça ne lui est pas destiné. Si c'était le cas, il dirait qu'il aime la couleur et qu'elle s'accorde à sa tonalité. Il s'excuserait de ne pouvoir s'exprimer au travers de longues envolées lyriques. Il porterait l'anneau, à la place, à son doigt, tout le temps. Nuit et jour. Ne laisserait personne ne lui retirer. Curtis parle par les actes.
S'il veut tant se faire mousser qu'il aille directement la passer au doigt de l’intéressé. Celui pour qui cet anneau compte réellement.
Chung-Hee ose pourtant lui demander ce qu'il s'efforce à faire depuis le début. Cette fois, le criminel prend la mouche et ne peut retenir sa colère. « C'est toi qui me demande ça ? Toi qui ne formule aucune de tes intentions clairement ? » Curtis fulmine, des éclairs dans les yeux. Pourquoi tu ne me dis pas clairement les choses alors, hm ? Pourquoi tu ne commencerais pas par l'essentiel ? Au lieu de me laisser tout seul tirer les conclusions. Il s'arrête seulement pour respirer, calmer la furie dans son coeur. Depuis que tu es arrivé, tu n'as fait que me dire des choses blessantes. Il me semble avoir toujours été honnête avoir toi, pourtant. Tu sais qui je suis. » Alors qu'il cesse de vouloir le changer, de vouloir le réchauffer alors que tout se gèle et l'hiver du coeur s'annonce. Qu'il cesse de lui demander de parler, car toute parole dépassera désormais le flot de ses pensées. Il pourrait être tenté de dévoiler son secret. Curtis n'en a aucune envie, il préfère garder cette vérité là pour lui.

Il pleure. Curtis lui a fait du mal.
Il pleure parce que Curtis lui a fait du mal.
Le mutant se sent bête, les bras le long de son corps, incapable de savoir ce qu'il doit faire. Lorsque Robin pleurait, plus jeune, Curtis le prenait dans ses bras. Il le ferait pour les membres de sa famille. Chung-Hee est un peu comme la famille, le partenaire, la moitié. Sauf qu'il ne lui a jamais dit, qu'il ne sait même pas si le sentiment est réciproque. Quand bien même. Chung-Hee recule. Il n'est pas judicieux de lui imposer sa présence. C'est toujours comme ça à la fin. Curtis est un être cruel et repoussant. Tout ce qu'il apporte c'est de la souffrance et des larmes. Ce n'est pas quelque chose qui le dérange. Les larmes des autres l’indiffère. Pourquoi devrait-il se lamenter d'un sort qui n'est pas le sien ? Personne ne va pleurer pour lui. Personne ne pleure pour eux, les oubliés de l'Underapple. Il n'y a que la famille qui puisse compter.
Blesser un proche est un acte gravissime. Curtis détourne le regard, vient fixer ses chaussures puis ses doigts ensanglantés. Il a un haut-le-cœur en imaginant un bref instant que le sang sur ses doigts est celui de Chung-Hee. La colère de Curtis a un goût amer. Il ne désirait pas être blessant.
Et ses blessures à lui ? Il a le droit d'être vexé, d'être heurté par les paroles du détective. Lui non plus ne mâche pas ses mots. Chung-Hee lui reproche encore, l'absence cette fois. Il ne fait que reprocher. Curtis n'a plus la force de le combattre, il n'en sortira pas vainqueur. Il a déjà perdu, il avait perdu à l'instant même où il a sorti cette petit boite et scellé son destin. « Je ne peux pas fuir quelqu'un qui n'est pas là. Tu n'es pas entièrement présent quand nous nous parlons. Tu m'entends, mais est-ce que tu m'écoutes ? Il rétorque d'une voix douce. Je ne t'en veux pas. »  Il sourit. Si tendre. C'est vrai.
Curtis ne doit pas douter de Chung-Hee. « Tu dois me les dire quand même. Tu me dois la vérité.   Curtis lui répond. Chung-Hee ne doit jamais le préserver. J'ai comprit de toute façon. J'ai bien vu la dernière fois. Maintenant l'alliance... Je suis heureux pour vous. » La voix de Curtis se brise sous le poids de la douleur.

Il est difficile de l'aimer tout court, il voudrait répondre. Curtis ne s'aime pas lui même. Il n'y a rien à aimer. Aimer. Voilà un mot au poids conséquent, loin d'être innocent. Il doit être manipulé avec précaution, c'est lui pourtant que Chung-He emploie. Il dit trop de choses à la fois qui viennent lui voler son souffle. Comment peut-on aimer quelque chose comme Curtis ? Ce n'est pas raisonnable. Rien n'est raisonnable quand les sentiments s'en mêlent. Il est habitué à les compartimenter, à les étouffer, ne pas les laisser prendre l'ascendant. Curtis ne comprend pas les émotions, celles qui traversent Chung-Hee. Tant d'incompréhension.
Chung-Hee ne veut pas l'abandonner, le laisser. Il devrait. Ce qu'ils vivent est trop compliqué. Pourquoi s'encombre d'une telle chose ? Si douloureux et explosive. Si destructrice. L'amour ne devrait pas faire pleurer, ne devrait pas rendre triste. C'est ce qu'on lui a toujours dit. Curtis ne devrait pas le laisser faire. Il devrait l'éloigner de ses ténèbres. Il n'a rien de bon à offrir.
Chung-Hee n'arrêtera pas tant que Curtis ne lui demandera pas.
Il serait raisonnable de le repousser pour ne pas le condamner. Curtis a envie qu'il reste, Curtis veut l'entrainer dans ses abysses.
Reste.
Pars.
Reste.
Arrête.

Que cette torture cesse. Chung-Hee a ruiné sa vie. Maintenant, il ne cesse de penser à lui, maintenant l'esprit est hanté. Maintenant, plus rien n'est comme avant.
Curtis le veut. Curtis veut tout de lui. Le consumer et brûler dans les flammes de l'enfer avec lui. Curtis veut le mordre, goûter son sang. Curtis perd la tête. Il retire ses lunettes, les replie et les range dans la poche avant de sa veste.
Le coeur bat la chamade,bat, bat. Il se rapproche de plus en plus près de Chung-Hee. Dans un premier temps, il prend la boite. Celle qui lui est destinée. Il comprend maintenant la question de Chung-Hee. Son regard passe de cette boite au visage de l'homme qu'il aime. Il ne prétend pas tout comprendre. Il peut voir les sillons de ses larmes, ceux creusés par ses rides, le grain de sa peau, la couleur profonde de ses yeux. Il ne l'a jamais observé de si près. N'a jamais réalisé à quel point il est beau, sans jamais en avoir douté. En silence Curtis le désire depuis longtemps, l'appel de son coeur, du sang. Lui seul peut comprendre son appétit. Le coeur bat, bat et bat.

Curtis essuie ses larmes du bout des doigts. D'une main tremblante, celle libre qui ne tient pas la boite. L'autre la serre dans sa paume. « Je t'aime. » Il souffle contre ses lèvres et attrape son visage, glisser ses doigts à l'arrière de sa nuque. « Je t'aime à la folie. » Il ne sait pas comment s'y prendre, suit seulement son instinct. Il ferme les yeux et dépose ses lèvres sur les siennes. La douceur le surprend. Il perçoit son souffle, sent son parfum. Son coeur explose. Il n'a jamais ressenti ça pour personne. Il chasse le souvenir d'un baiser alcoolisé dont il ne voulait pas, volé. Laisse celui-ci compter. Curtis l'embrasse avec une tendresse qui ne lui ressemble pas.
Pourtant, c'est lui. Dans ses moments les plus intimes. Curtis ne sait être autrement.

Curtis s'exécute. Il n'a jamais été aussi satisfait d’obéir à une requête, à un ordre. Cette fois, il prend le temps de savourer ces mots. Étrange et familiers, simples et légers, dont le poids symbolique n'est pas à négliger. Curtis prend le temps d'apprécier la présence physique de Lim, ses gestes et sa chaleur. Il a le besoin impérieux d'unir leurs corps, de le serrer dans ses bras, de le maintenir le plus proche de lui. Et surtout, il ne peut pas s'empêcher de l'embrasser. Il ne cherche plus l'oxygène, sa bouche cherche et trouver la sienne parce qu'il a uniquement besoin de Chung-Hee pour respirer. Chung-Hee, Détective Lim, Keith. Il n'a aucune préférence, toutes les facettes du même homme sont aussi belles. Je t'aime. Il lui agrippe le col et le pousse contre le mur le plus proche Tu es toujours dans mes pensées. Obsédé. Son visage est partout. Sa voix manquait à ses nuits. Plus rien d'autre n'importe que ce moment. Curtis ne veut rien d'autre que Keith.

Il se laisse aller, s'abandonne complètement à son envie. Curtis ne se rappelle pas à quel moment ses lèvres ont été remplacées par ses dents qui mordillent, cherchent à le dévorer gentiment. Quand il s'est décidé à le goûter du bout de la langue. Il ne faut pas lui demander de réfléchir à ce moment. On peut dire que les dernières réflexions de la soirées ne l’amenaient qu'à la souffrance.
« Je ne comprends pas... Il parle, tout de même. Il souffle contre ses lèvres, la boîte dans la paume de sa main, fermement maintenue à l'intérieur dans une étreinte terrible. Il a peur de la perdre s'il ne la sert pas le plus fort possible entre ses doigts. Peur qu'elle lui échappe, que Keith lui échappe. Clemente ? Il sait ? Dans son ignorance la plus totale alors que l'évidence est sous ses yeux. On ne devrait pas... Puis, il pense à Robin et ses amours multiples et se dit que c'est peut-être son cas à lui aussi. Il aurait le droit à ce bonheur ? Il n'aurait pas à choisir entre deux hommes qui l'attirent ? J'ai tellement envie de toi. » Curtis sait combien ces paroles pourraient être chargés de sous-entendus. Ce n'est pas ce qu'il pense, mais il ne peut que l'exprimer qu'à travers cette phrase entendue si souvent dans la bouche des autres. Curtis veut tout de lui, son âme, son coeur, son corps, qu'importe ! Il est prêt à prendre ce qu'on lui laisse tant qu'il peut avoir quelque chose. Des miettes seraient suffisantes. « Pas ici. Je... Tu m'as manqué. J'ai besoin de toi, de te parler. Reste. Viens avec moi. » Le coeur battant, les pensées qui se mélangent.

cw: sensualité, sous entendus sexuels accidentels curtis comprend pas que s'en est et couldn't care less

Les murmures et son que produit Chung-Hee - Keith - Lim - quoi d'autre encore - font des choses à ses neurones. Elles brûlent avec son corps et son âme, l'incendie dévore tout sur son passage et emporte avec lui la raison. Toute rationalité chassée pour ne laisser place qu'à un instinct fauve. Curtis désire Keith, pas comme ça, il n'a pas le vocabulaire, n'est même pas certain s'il existe, sait juste que d'une manière ou d'une autre, il lui est intolérable que leurs corps ne soient pas liés ni leurs souffles emmêlés. Il s'agrippe à tout ce qu'il trouve, tissu ou peau, ne fait plus la différence, ne sait plus où il commence, où il s'arrête. S'il a une certitude, c'est qu'il ne s'est pas trompé lorsqu'il s'est confié à son adelphe. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'une flèche s'était plantée dans son coeur pour y diffuser un doux poison. S'il a eu peur l'espace d'une seconde qu'un baiser rompe le sort et mette fin à  ce mal qui s'est emparé de lui, il a la confirmation qu'il devra porter ce fardeau pour la nuit des temps.

Clemente sait et dans cette affirmation - cette évidence - Curtis comprend l'immensité de sa bêtise. Clemente a t-il toujours su ? Il se refait la scène de leurs rencontre, la première fois qu'ils se sont retrouvés tous les trois sous le même toit. Les sous-entendus, les vêtements de Clemente sur sa peau et son odeur partout. Curtis chasse ces images simplement parce qu'il désire rester dans l'instant présent. S'il s'y attarde, il découvrira que le même genre de désir l'habite à l'égard de son voisin. Plus tard. Il doit d'abord s’acquitter d'une autre tâche. Ses doigts entrelacés avec ceux de Chung-Hee. Il s'éloigne, juste un peu et fait éclater la bulle dans laquelle ils étaient étaient enfermés. Non, ils flottaient. Curtis en est persuadé. Il planait. « Juste une dernière chose avant... »

Il ressort l'écrin et met un genoux à terre, pleinement conscient que ce n'est pas ainsi que se font les choses entre gens normaux. Qu'ont ils à faire de la normalité ? On trouverait à dire que les gens normaux ne s'attachent qu'à une personne, s'emprisonnent et se limitent. Curtis s'abandonne à lui, à Keith, à eux, Clemente et Keith, à eux c'est à dire l'évidence qu'ils ne sont plus qu'un. Curtis a peut-être changé le cours de leur existence en s’immisçant sans le vouloir dans leur quotidien. Curtis ouvre la boite et en sort l'alliance. Se laisse charmer par son éclat brillant. Ses mains tremblent quand il la lui tend. Ses mains ne tremblent jamais. Jamais quand il referme son poing et frappe, quand il maintient le pommeau d'une lame.  « Mets-là moi. Qu'il demande en lui tendant la main. Fait moi tiens. Curtis s'en remet à lui, complètement. « Possède moi comme jamais personne ne m'a possédé. Je suis à toi, Lim. Je tuerai pour toi, je tuerai pour te protéger, pour nous protéger (Tous les trois). Ensuite nous rentrerons.  Pas à la maison, car il est déjà à la maison, ce n'est pas un lien, c'est une compagnie. Je ne veux plus ne t'aimer que la nuit. »

Curtis n'est pas comme les autres. Il n'est pas né avec des facultés mentales supérieures à la moyenne, ni avec un don pour les arts, pour le sport, pour la science. Affreusement banal, Curtis n'est personne, juste lui-même. Juste un White. Ses déchirures ne sont pas naturelles, la mutation ne fait pas partie de ses gênes. Peut-être un jour, quand il aura passé une vie entière à se droguer. Pour cela, il faudrait qu'il vive longtemps, or Curtis sait qu'il n'a pas l'éternité devant lui. Malgré les prises de red, il persiste à vieillir. Ses déchirures ne lui offriront pas la vie éternelle. Il ne la mérite pas, après tout. Curtis mérite la damnation. Avant d'aller en enfer et de sombrer dans les ténèbres auxquelles il appartient, Curtis désire vivre intensément chaque seconde de son existence. En commençant par ne pas faire de compromis sur ce qu'il ressent, ses désirs, ses envies. Longtemps Curtis a pensé ne rien ressentir, que tout était diffus. C'est parce que ses émotions, bien présentes, sont en réalité encore plus bruyantes qu'il le pensait. Curtis n'a rien de spécial, mais il est différent. Sa vision du monde, son approche de la vie tout comme de la mort. Il n'est pas dans les normes. Il n'en a rien à faire. Les normes aussi, il les poignarde en plein coeur. Cela étant, Curtis s'est fait à l'idée qu'il finirait seul. La différence fait peur et dérange. Ici bas aussi. Curtis est un garçon à problème, aux mains trop souvent tâchées de sang, incapable d'éprouver de l'empathie pour ses victimes. Alors, comprendre qu'il ne va pas finir seul, que Chung-Hee veut de lui - et pas seulement. C'est plus que ce qu'il pouvait espérer un jour.

Chung-Hee veut de lui. Suffisamment pour lui demander sa main. Pour les jours qui lui restent, puissent-ils être infinis, Curtis voue sa loyauté à eux. Lui et Chung-Hee. Chung-Hee et Clemente. S'ils doivent ne former qu'un. Il les protégera tous les deux. Pour l'heure, il ne pense qu'à Chung-Hee, en face de lui. Le coeur battant si fort contre sa poitrine qu'il croirait à un orage. Curtis pourrait bien perdre l'esprit chaque fois que leurs lèvres se frôlent tellement il a besoin de ce rapprochement. Si c'est ainsi avec lui, il n'ose pas imaginer la sensation avec Clemente. L'idée lui a traversé l'esprit alors qu'ils n'étaient rien. Cette attirance qu'il n'explique pas, c'est peut-être juste le destin. « Oui. Curtis répète, contre ses lèvres dans l'étreinte. Oui a tout. Oui à eux contre tout. Je te donne tout de moi. Fais en ce qui te plaît. Ses yeux brillent de fierté. Rien ne peut les arrêter. Viens avec moi. » Curtis attrape sa main et le guide loin de cette ruelle sombre et poisseuse. Le trajet dans le métro est étonnement rapide, même s'il trépigne. Par pudeur, il garde une main jointe dans celle de Chung-Hee sans tenter d'approche. Curtis ne souhaite pas s'offrir en spectacle. Ce qu'il veut montrer à Chung-Hee, il veut lui montrer dans l'intimité. Lui dévoiler ses secrets les plus sombres, ceux qui s'écrivent sur sa peau. Curtis est fébrile. Il ne pensait pas que le désir pouvait être aussi enivrant, au point de lui faire tourner la tête. Au point de faire trembler ses mains quand il se trouve devant la serrure de son appartement. Il craint ne ne pouvoir ouvrir la porte, c'est un miracle que la poignée s'actionne. Une fois refermée, il ne fait pas visiter. Il doit embrasser Chung-Hee à nouveau. Ses lèvres, la peau tendre de son cou. Il étouffe sans lui.