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funeral

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funeral
mort, troubles psychologiques


Le monde est un cercueil. Voilà l’idée lancinante qui tourne en boucle dans mon esprit. En boucle, boucle, boucle, ne s’arrêtant jamais, frappant contre les parois de mon crâne, cherchant à s’enfuir, à opérer une trépanation bruyante, violente, destructrice. Voilà ce que je ne peux m’empêcher de penser tandis que je tente, temps bien que mal, de rassembler mes esprits pour rentrer chez moi. Quelque part. N’importe où. Loin de l’Underapple. Loin de tout. Est-ce qu’Athéna va bien ? Je n’arrive pas à croire que je suis morte. Et que je sois revenue à la vie. Mes fringues sont poisseux de sang et de sueur, troués par les balles qui ont perforé ma peau. J’ai mal partout, j’ai l’impression de ne plus sentir ni mes bras, ni mes jambes, ni mes pouvoirs, d’ailleurs. Comme si un long silence me répondait en écho dans ma poitrine. Je ne sais pas comment dire autrement que j’ai mal, je suis mal, mal, mal, mal.

Je me traîne comme une âme en peine, sors des entrepôts dans l’espoir de retrouver mon chemin, mon sens de l’orientation totalement chamboulé. Déjà que je ne connais pas bien les lieux… je tente de me remémorer des indications de Damian, et ça semble fonctionner à peu près, car j’arrive près du quartier de Manhattan, crois reconnaître des allées pour me rendre au marché noir.

On ne va pas se mentir, je ne passe que très rarement du temps ici bas. C’est arrivé quelques fois, pour aider des jeunes mutants qui auraient eu besoin de moi, mais en dehors de ça… j’ai l’impression que les ténèbres pourraient se refermer sur moi. Et je n’arrive pas à comprendre que le gouvernement continue à accepter que des gens puissent vivre ainsi. Mais il faut croire qu’ils y tirent quelque chose en contrepartie, car le monde ne change pas. Jamais.

Le souffle court, le front poisseux de sang, les cheveux en bataille et l’air hagard, je m’arrête un instant contre un mur d’une maison en ruines, qui n’a pas l’air habitée, mais j’en sais rien, en fait, je ne ressens plus rien, et des frissons me parcourent de part en part. Je ne sais même pas si je vais être en mesure de remonter là-haut. Combien de temps s’est écoulé ? J’en ai aucune idée. Je ne sais même pas quelle heure il est.

Allez. Il faut que je rentre. J’arrive enfin dans le quartier du marché noir, il y a un peu plus de monde, plongée dans une nuit perpétuelle qui me donne le tournis. Je suis sur le point de tourner de l’œil quand je heurte quelqu’un sans faire exprès, qui me retient avant que je ne m’effondre… ou peut-être qu’elle m’a soutenue dès le début ? Je ne sais pas. Le monde vacille. « Oh… je suis désolée. »  

ft. @Billie Bloom
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tw: mort, manipulation, troubles psy, horreur.
[Marché noir - Quartier criminel - Underapple]
Atmosphère poudreuse et lumière rance. Des néons-tubes suspendus à travers les allées, encastrés et tenant miraculeusement le long des murs des bâtiments. À l’œil, un doux crépuscule naissant. Pisseux et trouble et dangereusement clignotant. Car dans les boyaux de la Bête le silence est absent et les gens s'effleurent et se cognent et se bousculent ; un constant et rageur charivari. Un mal d'estomac à coups de crampes et de gaz nauséabonds. Les odeurs se cognent tout autant que les êtres et ne résulte qu'une fièvre gerbeuse dans laquelle elle s'élance. Ses longues et maigres guibolles dévorent les mètres sans trouver de heurts. Un sourire fugace traverse son visage. Dag aperçoit les prémices du désordre, à sa droite – un désordre sans mot et sans odeur dont elle est l'épicentre. Là, déjà, une femme s'agite nerveusement tandis qu'un vieil homme expose ses doigts devant ses yeux et constate la déliquescence d'un réel qu'il ne maîtrise plus. À sa gauche un trentenaire déboule hors d'une échoppe miteuse et trébuche et se vautre devant elle et embarque dans sa chute un autre homme entre deux âges qui soudain vagit et montre les crocs. Tout se complique et elle saute d'un bond prédateur par-dessus la masse emmêlée de deux corps, une main appuyée entre deux omoplates inconnues. La semelle tape le bitume brun et gluant de la merde juteuse des bas-fonds et elle évite de justesse la silhouette fantôme d'une adolescente prise au chienlit des songes. Bordel sensoriel qui brusquement s'abomine par le détachement et l'inconscience des trop durs, des trop morts, des trop reculés et empoisonnés qu'elle remarque immédiatement ; de ceux ne reniflant et ne percevant plus rien – rien qu'un arôme supplémentaire de nocuité au monde. Un soupir s'arrache à sa gorge et s'échappe par-delà ses quenottes. Les orbes délavés de Dag coulissent de côté et puis elle s'évade définitivement. Le spectacle est terminé pour elle, le plaisir moite des secousses provoquées tué par les indécis et les presque-macchabs.

Ce qu'elle cherche elle le trouve après quinze minutes de marche et de subterfuges pour ne jamais devenir le point de mire de tout ce remue-ménage fait de convulsions et de colère – le centre d'attention des caméras qui traînent et des radars qu'elle ne saurait tout à fait dénombrer. Puisque si certains se fichent dans les interstices durs des enseignes et des objets inertes et souvent tellement sales qu'il se peut que l'image jamais ne soit nette, d'autres planent au-dessus des têtes à la manière de vilains frelons, et d'autres sont l'invisible ou l'inatteignable imbriqués, enfoncés, crevant les chairs des porteurs ni humain ni machine. Elle soupire encore. Le bout de ses tiges osseuses et tatouées recueillant la poussière grasse du comptoir devant lequel elle s'arrête. À mi-distance du gérant dont la hauteur modérée – qui l'oblige à baisser le regard –  n'équivaut pas à la largeur inhumaine. Un fourre-tout ambulant, mou comme un vieux sac de cuir trop porté et gonflé de trésors.
Tu as ce que je t'ai demandé ? demande-t-elle, le timbre las. Les syllabes charcutées une à une.
La complexité du langage l’assomme toujours davantage.
Un sourire amorphe enrichit sa parodie d'humanité. Un sourire tirant sur ses joues comme une douloureuse grimace. Les lèvres relevées sur de jolies dents bien rangées en bonjour comment allez-vous quelle belle journée n'est-ce pas et votre femme va-t-elle mieux toujours pas crevée mais c'est qu'elle s'accroche la garce n'hésitez pas à passer où vous savez j'aurai de quoi aider à- à- eh bien à tout ce que vous voulez n'est-ce pas. Le commerce des commerçants est un marché de donnant-donnant et ces deux-là font affaire depuis des années maintenant.
T-tan est proprement insensible. À tout. Plus machine que vivant, il expose fièrement sa nature et revendique cela comme une preuve de sa bonne fortune et de ses talents – en effet, qui ici-bas pourrait se payer autant de matos sur le corps et à la revente sans avoir des biffetons plein les poches.
Un rire extravagant éclate hors de son gros thorax nivelé par nombres de technologies vibrantes et miroitantes sous son débardeur jauni par la transpiration et surtout la crasse. Il se tape les paumes tout contre sa bedaine heureuse et sans larguer aucune réponse se retourne et s'enfonce dans son bric-à-brac mi-tente mi-camionnette. La commande est passée et prête à être récupérée. Alors, elle attend, la sale petite conne. Le corps se relâche et se vautre contre le comptoir d'acier. De moitié. Une fesse appuyée et un coude planté dans le froid du métal. Et le visage qui s'impatiente dans le creux d'une main bizarrement chaude et moite.
Les pupillent dilatées perdues par la foule cabalistique agglutinée et salivante et floue à la façon d'un tas d'asticots dérangés dans le festin d'une chair pourrissante. Les phalanges pianotent tout contre sa joue quand les oreilles guettent les bruits derrière.  
Et elle la voit. La morte. La morte qu'elle a vue et revue durant des années – mirages d'une psyché en fusion. L'enfant chérie devrait avoir des pissenlits plein la bouche, elle se rappelle. Et les bouts de ses doigts salis par le stand de T-tan se glissent sur ses paupières qu'elle maltraite. Anxieuse. La fille la fille putain la fille n'est-ce pas celle de tes cauchemars celle que tu n'as pas sauvée celle face à laquelle tu n'as pas pu t'excuser t'excuser Dag d'avoir échoué ; celle à qui tu n'as jamais pu dire tes adieux. Celle et celles et celle. Les visages se croisent inévitablement dans le fond de la cervelle. Il y a Alice et il y a Darla et il y a Darla et il y a Alice et il y a le silence et l'incompréhension et la douleur qui n'en est pas précisément une. La douleur-enclume qui lui enfonce la tête sous l'eau croupie de ses échecs, cette flotte obscène qui lui rappelle son insignifiance dans l'histoire qui était la leur. À elles- à eux- à tous. Alors, elle observe et lutte pour ne pas vomir et elle s'imagine l'enfant chérie comme elle se l'est toujours imaginée : dégoulinante de ses organes liquéfiés de sa chair dévorée par les insectes et les racines crevant le bois du cercueil. Le cercueil scellé et enterré six ou dix ou vingt mètres sous terre.
Lorsque T-tan revient le paquet emballé dans un sac plastique à l'effigie d'un boui-boui de crapules servant des repas de crapules, il ne trouve rien d'autre que le vide. L'absence de miss Billie dont il aperçoit désormais au lointain la blondeur-blancheur se fondre au décor.

Le souvenir prend forme humaine au plus elle s'approche et le désir irrépressible de toucher pour s'assurer du mensonge la prend. Le bras se tend et les doigts s'écorchent aux tissus qui l'en recouvrent et ce qu'elle sent n'est pas normal non pas normal du tout qu'est-ce que tu fous lâche-ça ne t'approche pas recule. Un filet de voix s'échappe du cadavre qui ne l'est pas, du reflet interdit. Trop tardivement l'ordre muet autant que les excuses proférées par l'inconnue familière arrive à la conscience et ce qu'elle constate c'est que le mensonge est réel. Une vraie fille devenue Alice avec des vêtements poisseux de sang et de merde d'un système hydraulique quelconque. Des impacts de balles trouent l'ensemble et la dépouille bien vivante s'effondre. Rattrapée de justesse par ses bras rachitiques qui l'encerclent.
Dag ne soutient pas elle entrave et elle tire et ses doigts se replient maladivement sur les couches de fringues qu'elle froisse. Il faut que ce soit vrai auquel cas elle suppose fondre en larmes – et elle ne veut pas pleurer pas plus qu'elle ne veut se donner en spectacle et de toute façon personne non personne ne les a vues personne ne s'est arrêté parce que tout le monde s'en contrefout que quelqu'un crève sur le sol et que quelqu'un d'autre décide de dépiauter le mort et d'embarquer les bouts dans ses poches.

Elle l'a soulevée du mieux qu'elle a pu et l'a traînée dans un coin reculé du marché criminel. Et elle est partie de quelques foulées vers la masse de corps-automates et elle avait des larmes dans les yeux et elle avait le cœur battant si fort que la sueur lui coulait le long de la colonne vertébrale et lui humectait désagréablement au-dessous des bras et au-dessous sa poitrine ridicule et sur la gorge une fine pellicule de sueur et sur les joues le rosé tranchant le crayeux. Elle a ordonné de la ramasser et de l'amener au foutoir du gros charlatan et sans qu'elle n'ait plus à expliciter [ils savaient et ils ont obéi]. Des pantins livides aux orbites aveugles soupesant la fille morte et vivante, traversant la masse pressée et pressante, jusqu'à la déposer derrière le comptoir du gros sac de cuir plein de trésors sans qu'il ne puisse dire non ou non ou non et va chier ailleurs c'est pas bon pour le commerce.
C'est dans le froid et le sombre et l'oppressant de l'arrière de la camionnette pleine à craquer de matériels que la fausse Alice est allongée. À même le caisson. Au-dessus d'elle, Dag mire les ridules et attend une réaction sous ses doigts qui vont et viennent devant les paupières closes et les lèvres entrouvertes. Une prière muette, un appel à quelques dieux séniles. Elle dit : tu ne devrais pas être là. Elle dit : tu devrais manger la terre. Elle complète : à pleine bouche oh pleine bouche grande ouverte. Nervosité des sens, elle a les mouvements raides, des tics spastiques lui remuent le visage et les membres et n'arrangent pas sa concentration en dentelle.
De l'autre côté de la réalité T-tan s'impose et balance :
– J'veux pas d'un putain d'macchabée dans mon char B.
Au mutisme qu'il reçoit il ajoute, en jetant un coup d’œil par les deux portes arrières et ouvertes sur les deux femmes bien trop proches, l'une sur l'autre, pour qu'il ne pense pas à quelque chose d'inapproprié.
Billie accroupie au-dessus de l'inerte minette comme prête à la dépecer.
– B. je déconne pas, j'veux pas- oh et puis merde tu fais quoi tu vas quand même pas...
Il marque une pause tandis que Dag relève la tronche et le guigne d'un très mauvais air.
– … j'veux pas d'ennuis okay ? J'veux pas d'ennuis et puis merde tu fais chier.
A cela, il retourne à ses affaires – une grande discussion sur le fonctionnement propre et dénaturé d'un mod auquel elle n'entend rien, elle. Elle qui n'est plus que l'ombre exsangue d'elle-même, la cognition branlante et tout absorbée à l'analyse de l'Alice truquée sous ses pattes crispées.
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Jusqu’à ce qu’une âme me soutienne, que je ne connais pas, je crois que je suis prête à mordre, à croire aux fantômes qui entravent mon esprit. À croire que les monstres vont continuer par me poursuivre. Et les auras autour de moi qui palpitent et crépitent, mon don qui déraille, qui veut s’abreuver des autres sans penser aux conséquences pour mon esprit, autoroute vers le crash. Enfin quelqu’un qui me soutient, qui semble prêt à m’aider, à me tirer de l’océan, mais au lieu de ça, l’inconnue m’envoie une vague de détresse sans commune mesure, un magma noir et informe qui se délite sous son propre crâne. Je n’arrive presque plus à respirer tandis que ses émotions contraires explosent sur les ruines de mon bouclier mental. Je bats des cils, cherche à comprendre ce qui se produit encore, quand des cœurs mécaniques s’emparent de moi, m’emportent au loin, plus loin encore dans la noirceur et la crasse de l’Underapple, si loin que je ne crois pas pouvoir revoir la lumière du jour. Mais c’était peut-être écrit, au final, les yeux rouverts dans les ténèbres d’un cercueil fermé. Je ne méritais peut-être pas de profiter du soleil toutes ces décennies, et la mort revient demander son dû.

Et la voix chantante d’une mourante sur le point de rendre son dernier souffle, finit par lacérer la brume qui étouffe mon esprit. « Tu ne devrais pas être là. » Non, en effet, ni ici, ni jamais, ni dans cette temporalité et encore moins dans une autre. Cette phrase signifie tellement face à tout ce que j’ai traversé que je ne sais pas quoi dire d’autre que ouais, t’as raison, mais comment tu le sais ? Quand je papillonne des yeux et que je me raccroche au fantôme qui m’a porté secours – enfin, je crois, j’imagine, je ne peux pas mourir deux fois de suite quand même, si, ce serait possible ? –, mon cœur cesse de battre un instant. J’essaye de comprendre, d’assimiler, songe alors que les angoisses m’ont poursuivie jusque-là. Je ne suis peut-être pas réveillée, peut-être que je suis encore étendue sur un foutu brancard au milieu d’un entrepôt où Damian m’aurait tiré dessus. Est-ce mon purgatoire ? « Tu devrais manger la terre. À pleine bouche. » D’un autre côté, je confirme que j’ai l’impression d’avoir bouffé de la terre, tellement de terre que je suis ensevelie de l’intérieur, que je deviens mon propre cercueil noyé dans un océan d’argile.

Ivy.

« Ivy. » Je l’ai dit et pensé, en une vague de chaleur tellement explosive que je crois que mon don s’échappe de mes lèvres, pour s’enrouler autour de son âme. Car le fantôme qui est là, près de moi, dans le fond d’une camionnette pourrie, n’a rien à voir avec ma Adalyn, celle qui a tenté de me sauver, envers et contre tout, m’offrant quelques années supplémentaires, suffisantes pour m’offrir la chance de devenir l’éternelle. Je pousse tellement de douceur et de bonheur et d’incompréhension dans ces trois petites lettres que j’ai l’impression d’être dépossédée de mon corps, vidée de mes dernières ressources. Voilà, débrouille-toi avec ces émotions crasses et brutes. Je n’ai plus la force de me protéger, et encore moins de protéger les autres. Peut-être aussi pour éviter d’être dévorée par toutes les émotions négatives qui fleurissent autour de son visage comme une couronne funéraire, les roses noires s’épanouissant en cerises de sang pourpre. « Tu ne peux pas être là. Est-ce que je rêve ? Est-ce que je suis vraiment morte, cette fois ? » Pas certaine que ça ait du sens. Envie de toucher sa peau rugueuse, de comprendre comment cette jolie fleur a pu se trouver dans tout ce chaos. Germer dans ces enfers.

Et soudainement, comme quand j’étais enfant, j’ai une soudaine envie de pleurer et de hurler à la fois, de plus être cet éternel mort-vivant arpentant le monde en essayant de porter tout son poids sur ses épaules. J’ai envie de me recroqueviller contre elle, de goûter ses plantes dans l’espoir de retrouver ma combativité, je veux l’entendre me dévoiler les poèmes qui hantent le moindre recoin de son esprit, me dire que tout finira par s’arranger, qu’elle sera là pour me protéger de la faucheuse et de la maladie. Les larmes perlent aux coins de mes paupières, mais je crois que c’est parce que j’ai mal, partout, dans l’âme et dans le corps, que je me sens terriblement seule et qu’elle est là, divine œuvre diaphane prête à me sauver.

Et puis, peut-être que ça valait le coup, de mourir, pour la revoir, goûter à nouveau son âme et ses émotions, même si elles me paraissent tellement vénéneuse à ce stade-là. 

ft. @Billie Bloom
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tw: morts/suicides suggérés, manipulation, troubles psy.
– Ivy.
Un soupir. Un courant d'air. Pas plus épais que de la poussière. Un mot, qu'elle ne parvient pas à attraper avec ses doigts. Ses doigts qui toujours s'agitent au-dessus de la fausse Alice. Le museau se penche, voudrait respirer son odeur son haleine, récupérer le moindre fragment qui la constitue. Mais c'est trop tard. Trop tard car elle n'existe plus.
Ivy. Dag n'assimile pas cette appellation qui fut un jour, loin très loin, des siècles des vies des éternités derrière ; il se peut, dans un songe, la sienne. Un nom ensevelissement sous des monceaux de cadavres.
– Tu ne peux pas être là. Est-ce que je rêve ? Est-ce que je suis vraiment morte, cette fois ?
Sur le portrait qu'elle contemple, des larmes s'écoulent hors des orbites. Dégoulinent sur les bords, forment de petits et maigres signons sur les tempes. Elle observe, Dag, hypnotisée soudain. Par la douleur qui se dégage de cette face et de cette parole. Le rêve, elle le donne elle le vend elle le crache. Le rêve et la mort emmêlés pour satisfaire les plus tristes et les plus malades. Alors, peut-être que tu rêves, petite, alors peut-être bien que tu flirtes avec la mort, alors peut-être qu'il est déjà trop tard pour l'atteindre, cette Ivy ; pour t'atteindre pour te toucher l'âme en nécrose ferme les oreilles et la bouche Dag la fille délire.
Déjà, le charme se craquelle. Et précaire, en équilibre sur sa raison qui lentement s'enfonce et s'enfonce au sable mouvant de sa dinguerie permanente, Dag ravale un gémissement de chienne qu'on aurait frappée.
Dehors, le bordel enfle. Des gémissements et des vagissements et des sanglots entrecroisés dans un bruit moite de coups. De la viande contre de l'os.
La figure se détourne sèchement, à faire craquer les cervicales, pour mirer l'ouverture de la camionnette. Et elle remarque, sous les voiles de la tente suspendue les êtres agglutinés devant le comptoir de T-tan. L'angoisse lui serre les tripes comme on serre un torchon de cuisine. Elle se défait du corps de la fausse Alice, délasse sa silhouette immense et sort de moitié, hèle T-tan qui, avachit sur son comptoir essaye désormais de récupérer ses marchandises et repousser la foule anthropophage.
– Viens m'aider au lieu d'te la jouer princesse des tours.
Dag ne répond rien. Dag se bouffe les lèvres.
Hésite à sortir et aider et probablement perdre ce qu'elle a juste à portée – un beau et doux mirage qu'il ne faudrait pas tout de suite lui enlever. Seulement Dag est peut-être folle mais loin d'être conne et elle comprend, que la merde existentielle reviendra l'éclabousser d'ici quelques minutes.
Juste quelques minutes.
Oh seulement quelques minutes.
Encore quelques minutes.
Elle se laisse glisser le long de l'armature de métal, incapable de faire un pas dehors malgré [le chaos provoqué]. Dos à la fausse Alice, elle fixe les membres se fondre aux membres, les visages se cogner aux visages et lève les pupilles et fixe le plafond gris. Respire, respire du mieux qu'elle le peut. Réapprend à faire le vide. Mais de vide il n'y a rien qu'un gouffre dans lequel elle plonge plonge. Plonge si vite que tu t'y étourdis et tu n'y vois définitivement plus rien pauvre connasse.
Ça suffit, grince-t-elle entre ses quenottes comprimées. Les maxillaires craquent.
Dégagez, ajoute-t-elle. Loin loin très loin et noyez-vous.
Sa face grelotte et tombe et son menton cherche ses clavicules. Et les sourcils se froncent. Et la grimace de haine mussée derrière le paravent de ses cheveux achève : dans le fleuve.
La meute s'évapore et les morts se dénombreront demain ou après-demain ou jamais car qui sait, peut-être que son aura de malheur en libérera certains. Tout le monde s'en fout, et elle la première. Oui, tout le monde s'en fout que dix pouilleux passent et trépassent dans l'Underapple.
Le silence, étrange, désarticulé, une anomalie.
T-tan ose une oeillade en direction de Billie, un regard de traviole. Sans tout à fait bouger. T-tan a le malaise pendouillant de son nombril difforme.
Dag relève le nez. Traque l'attention qui l'irrite. Trouve T-tan encore à semi-affalé sur son comptoir, l'œil oblique et la trogne encore plus pâle qu'à l'ordinaire.
... t'inquiète pas.
Le sourire ondule sur son minois. Un rictus malade.
Ils n'en ont pas pour longtemps.
Et elle se redresse et retourne auprès de la mourante-rêveuse cherchant un fantôme. Son cul maigre claque sur le caisson froid. Ses longues jambes étendues, elle expire, se frotte la face avec les paumes et puis, sans regarder son espoir cassé, sa poupée vaudou, elle dit:
J'ai connu une fille-
Elle hésite et ne sait même pas si elle parle au vide. Si la fille à côté est déjà crevée.
J'ai juste cru-
Reconnaître quoi Dag dis reconnaître quoi la mort le rêve le mensonge et l'illusion, reconnaître une autre vie un autre monde une connerie supplémentaire vomie par ta tête.
Tu devrais tu devrais oh tu devrais...
Voilà oui voilà, voilà exactement ce qu'il faut dire exiger réclamer des autres Dag tu t'améliores tu arrêtes enfin de faire chier.
... arrêter de respirer.
Sous son front, les échos de cris et d'éclats de rire.
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L’aura de Billie n’est qu’un amas d’émotions contraires, vénéneuses et empoisonnées, qui s’enroulent et se délitent autour d’elle à peine sont-elles nées. Je me sens un instant noyée par son âme déchiquetée, par les paradoxes vivant de ses sentiments érodés. Elle a toujours été ainsi ? Aussi alambiquée et détruite, aussi morcelée ? Comme si le temps avait fini par éreinter ce qu’elle était au plus profond. Elle ne lui répond même pas, le regard hagard, et sur ma lange palpite un nouveau goût, dans mon esprit s’infiltre un nouveau poison qui m’échappe. Mes pensées se délitent, mon cœur palpite dans ma poitrine, et le mal de cœur m’étreint avec douleur. Comme si on avait plongé une main squelette dans ma cage thoracique pour m’en arracher le cœur d’un coup sec. Ne m’abandonne pas, ai-je envie de gargouiller quand elle s’échappe. Pas encore. Mon cœur en le supportera peut-être pas.

Je ne sais pas à qui elle parle, je ne comprends pas si elle s’adresse à des fantômes ou à des gens qui marchent vraiment. Je m’en fiche, je crois. Car j’ai l’impression d’être plongée dans l’antre du purgatoire sans savoir comment m’en sortir. Elle jette des promesses de mort et de noyade et je ferme les yeux, mal de mer, mal de cœur, j’ai la tête qui tourne et envie de vomir et pleurer, mais aussi d’un câlin et de manger à la fois, de dormir et de m’enfoncer dans l’inconscience, de parler et de cracher ce que j’ai sous le crâne.

Et l’instant d’après, Ivy revient, elle est là, je crois, mon fantôme à moi. « J’ai connu une fille… j’ai juste cru… » Les mots qui palpitent, suintant d’un goût que je ne connais pas. « Tu devrais arrêter de respirer. » Je ne sais pas si l’esprit d’Ivy s’est perdu dans les limbes avec le temps. Si elle a perdu les cartes. Elle ne ressemble à rien d’autre qu’un cadavre décharné, avec sa peau pâle, ses cernes bleues et son corps-squelette. Elle pourrait être la faucheuse, sans la cape. Est-ce qu’elle est là pour venir cueillir mon âme ? Est-ce la fin ?

Non. L’enfer n’est pas l’Underapple. Enfin, pour certains, oui, mais pas pour moi. « Tu m’as sauvée, Ivy. » C’est la seule chose que j’arrive à expulser. Parce que Darla aurait dû lui passer le mot – ne l’a pas fait. Parce qu’elle est morte, le cœur arraché par le monstre qui me sert de père, et que la réalité de ma survie n’est rien d’autre qu’un petit secret bien caché, dont personne ne parle vraiment. Mais c’est bel et bien grâce à elle que je suis là, les poumons fonctionnant encore. Après avoir affronté deux fois la mort.

« Ça a fonctionné. La formule du Vitae. » J’ai baissé la voix, de peur que d’autres fantômes ne s’emparent de ce secret. Et je ne peux m’empêcher de glousser à l’idée que tous ceux que je pensais morts, revenaient, petit à petit, à la vie. Darla. Ivy. Moi. Les Nightbringers sont increvables, putain. Je ferme les paupières, ensevelie sous les émotions contraires qui s’emparent de moi. « C’est moi. Alice. » Je ne savais pas que j’aurais besoin de le dire, d’entériner l’information, mais Ivy semble tellement… tellement ailleurs. Dépossédée de ce qu’elle était. Ou alors j’étais trop jeune pour m’en rendre compte. Ou alors sans mon don, je ne me rendais pas compte des angoisses qui l’étouffaient à l’époque. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Mais je suis vivante.

Grâce à elle.

C’est la seule certitude que je possède.

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tw: troubles psy, descriptions graphiques, idéation de tuerie de masse.

– Tu m’as sauvée, Ivy.
Le tranchant de l'affirmation paraît lui découper le cerveau en deux. Deux parties bien nettes, jutant à loisir ses souvenirs et ses épouvantes. Dégoulinades sur la conscience et devant les yeux et sur la langue. Le palpitant manque des battements. Les lianes entortillées tout autour prêtes à le faire exploser. Dag n'ose pas un regard. Rien qu'une invincible obstination à fixer le calme revenu. Elle ne souhaite que le néant des âges et le néant de son histoire.
Seulement [le contrôle n'est pas parfait. Et avec cette poupée-là il se délite dangereusement. Elle résiste plus que le commun. Elle lutte pour sa survie en rendant les coups jusqu'au trépas.] Son trépas présume Dag. Ce trépas qu'elle attend sans attendre, qu'elle accepte tout aussi vite qu'elle le repousse. Car malgré l'appel du vide, il y a cette persistance, ce refus de lâcher, ce besoin de contaminer, cet élan de vie intime et violent qu'on lui a offert il y a longtemps trop longtemps.
– Ça a fonctionné. La formule du Vitae.
La lame a abandonné le cerveau et c'est désormais toute sa tête, qu'on lui coupe. Sciant vite et bien entre les cervicales. Dag va jusqu'à s'imaginer récupérer son petit crâne échevelé sur ses genoux. Il suffirait alors de fourrer ses longs doigts dans sa bouche et mimer des réponses. Des réponses silencieuses, évidemment, et terrifiantes mais follement amusantes.
– C’est moi. Alice.
Les globes oculaires grelottent dans leurs orbites.
C'est elle, Alice.
Oh.
Voilà tout ce qu'elle peut vomir.
Même pas un vrai mot. Un soupir-mot arrondissant ses lèvres dans un cercle sans fin.
Il faut du temps, beaucoup du temps, pour que les informations se frayent un passage à travers la soupe de neurones clapotant dans sa boite crânienne. Et les informations font mal atrocement mal car elles creusent sa cognition comme autant de jets d'acide sulfurique ronge la peau.
Le Vitae.
Deux mots. Ou pas tout à fait. Un mot très important accoudé à sa petite noblesse.
Dag nage en plein vacuum sensoriel. L'esprit pris dans le rouleau d'une machine à laver, l'eau de javel et le vinaigre et l'alcool ménager et peut-être aussi un peu merde pour lui servir de lessive. Rien ne sortira de bon de ce mélange nauséabond.
Alice, articule-t-elle.
Pas très certaine d'en avoir le droit, l'inquiétude de réveiller les morts coincée entre ses mâchoires douloureusement serrées. L'émail de ses molaires crisse dans ses tympans.
Lentement, sa patte se faufile jusqu'à sa lippe. Et l'ongle de son annulaire se niche entre ses incises. Elle mordille et goûte à la crasse de l'Underapple et dans ce minuscule interlude la réalité doucement la ramène.
Oh.
Voilà tout ce qu'elle parvient à décrire – ses émotions enfin sorties de la machine à laver, envoyées ou jetées plus exactement, à l'essoreuse.
Alors-
Elle bloque et ses épaules s'affaissent et l'ongle est arraché.
Alors je n'ai pas échoué.
Le bout de kératine est mâchouillé. Mine pensive. Dag s'attaque déjà à sa seconde victime – le majeur est attaqué.
Alors je pourrais recommencer ?
Une question, une terrible question grignotée de sous-entendus macabres, qu'elle balance dans le vide. Elle n'est plus qu'un intellect convulsé se débattant avec ses limites à ne pas dépasser. À ne surtout pas dépasser. Au risque de s'effondrer au risque de crever.
Je pourrais le modifier je pourrais oh je pourrais-
L'ongle est arraché et ses sourcils se froncent.
Elle réfléchit et construit une énigme de plan, une hécatombe.
Je peux recommencer en modifiant sa stabilité.
Un minuscule sourire s'insinue sur son museau suivi d'un éclat glauque dans le bleu de ses iris.
Je pourrais-
Elle pourrait tous les tuer. Ne resterait qu'à démembrer les faux-hommes, ne resterait qu'à leur arracher leurs altérations. Et puis l'homme redeviendrait homme et il faudrait des décennies pour que le virus en maladie ne soit contré. Jusqu'à ce qu'elle recommence. Jusqu'à ce qu'il ne reste que les origines derrière cette folie. Jusqu'à ce qu'ils ne soient plus assez nombreux pour résister et qu'enfin elle se sente libérée. Et vengée.
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mort, troubles psychologiques


Je ne sais pas si c’est la douleur, l’épuisement, l’incompréhension, mon cerveau qui se brise sous l’impact des émotions de celle qui se trouve en face de moi, mais j’ai l’impression que chacun de ses souffles est une balle envoyée dans ma poitrine. Je me noie dans ses émotions, dans son aura que je n’ai jamais eu l’occasion de découvrir, ma mutation étant apparue bien plus tard, après que mes ongles ont arraché le bois sous mes doigts gourds. J’ai l’impression de voir un tableau lacéré par des coups de couteau. Je ne comprends pas les couleurs qui s’épanouissent sous mes yeux, autour de son visage évanescent. J’ai l’impression de voir un réel fantôme, comme si elle n’avait pas de réalité propre, comme si elle allait s’évanouir dans une seconde. Elle est si maigre et si pâle et ses émotions sont si dégradées, comme si… comme un goût d’opiacé se répandant sur ma langue. Et plus je parle, plus mes mots tentent de se frayer un chemin parmi ses pensées, plus je la sens se déliter sous mes yeux. Comme si elle s’effondrait, étage après étage, à cause de ce que je disais. « Oh. » Voilà donc la seule réponse que j’obtiens. Ainsi qu’un mal de crâne lancinant, l’envie de dégueuler salement. Les émotions d’Addie sont comme l’expérience du roulis d’un bateau, je suis perdue en pleine mer, dans un océan noir terrible duquel je ne suis pas certaine de parvenir à m’extirper.

« Alice. » Et les émotions assignées ne sont pas plus agréables que le reste, comme des incompréhensions se heurtant les unes aux autres, étouffant le peu de bonheur qui me restait encore. « Alors je n’ai pas échoué. » Et un autre torrent de noirceur et de ténèbres atroces s’emparent de mon esprit, me laissant voguer sur un lac de doute et de résignation. Addie n’est pas avec moi. Addie n’est plus avec moi. Elle est partie dans les labyrinthes de son esprit, comme si mes mots étaient des os à ronger pour des chiens. Et les mots se percutent dans mon esprit, dans le sien, comme une passerelle qui risque de s’effondrer à tout instant. Addie ne songe pas à moi, pas vraiment, voilà qu’elle soliloque sur le Vitae. Sur le fait qu’elle pourrait recommencer.

Mes entrailles sont comme percutées une seconde fois par une rafale de balles. Moi qui pensais trouver une alliée, moi qui croyais qu’elle… qu’elle serait là, à nouveau pour m’épauler… je me contente de scruter son corps qui marche encore, qui respire encore, pour combien de temps seulement ? Mon palais sec, ma gorge nouée, je ferme les yeux, tente de contenir le haut-le-cœur qui m’étreint ; je me sens si mal. Je ne sais pas si c’est à cause de ce que je viens de traverser ou de ses émotions ou du lieu, ou des odeurs, ou de la noirceur qui se tapit à l’arrière de mon crâne, prête à me dévorer, mais je ne me sens pas bien. « Qu’est-ce qui t’es arrivé ? ne puis-je m’empêcher de demander, parce qu’au fond, il n’y a que ça qui importe à cet instant. Ivy, qui t’as fait ça ? » Je ne suis même pas certaine qu’elle pourra me répondre correctement. Qu’elle comprendra ma question. Ses pensées sont comme des zombies qui dansent sous son crâne rapiécé. Et je crois que c’est pire encore que de la savoir morte et enterrée.

Car elle est loin.

Si loin de moi.

Et je me sens seule.

ft. @Billie Bloom
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– Qu’est-ce qui t’es arrivé ? 
Dag chavire. Offre son profil. Un œil décortique Alice. Alice la vraie Alice car tout est vrai – et tout est faux. Elle n'est plus ce qu'elle était. Plus personne ne l'est. Le monde ravage autant que l'éternité. Cette putain d'éternité qui ne devrait pas exister. Pourquoi l'Homme a-t-il voulu créer des Dieux. Quand les Dieux n'ont de Dieux que les formes dans lesquelles se planquent des psychés dévastées.
– Ivy, qui t’a fait ça ? 
Ivy est morte autant qu'Alice, chuinte-t-elle.
Du poison plein les sens. Plein la gueule.
Dag revient vers Alice, prédatrice. Mesquine aussi. Dans le crâne, toutes ses mauvaises intentions se cloisonnent se déforment emplissent et fourragent. Les idées percutées par d'autres idées, les projets réarmés. Elle retrouve goût à l'existence – à sa survivance. Elle retrouve un but. Une option. Un futur – l'Anéantissement.
Ses longs bras et ses longues jambes s'articulent. Dag s'approche d'Alice, se penche au-dessus d'Alice, pourrait probablement étouffer Alice. C'est un fauve à l'appétit monstrueux.
Tu es le résultat et non l'attente.
Battements de cils translucides.
Tu comprends ?
Et soudain sa cruauté reflue et sa douleur émerge. Des vomissures en mots.
Non évidemment.
Une patte se soulève, rencontre le visage de l'enfant devenue adulte.
Ses doigts explorent les contours. L'arête du nez, le moelleux de la bouche. Dag enfonce son index entre les lèvres qu'elle descelle. L'ongle tape sur l'émail.
Tu es la preuve des possibles dans mon impossible.
Sourire matois sur le minois.
Elle penche le crâne et sa tignasse blondeur lunaire les recouvre les dissimule les écarte du monde comme un rideau de soie. Dag ajoute le majeur à l'index et force la barrière des dents. Écarte les mâchoires et regarde à l'intérieur d'Alice – comme si elle pouvait y trouver une réponse, une information.
Pourrie six pieds sous terre à bouffer des vers et pourtant.
Elle se fascine. Retire finalement ses doigts après une envahissante inspection.
Les phalanges humides se collent à la pommette rosie d'Alice et glissent jusqu'à la tempe. Lui ferment une paupière. Morte et vivante. Œil clos œil luisant.
Prodigieux.
Et tout aussi brusquement qu'elle est venue, Dag se retire, s'éloigne et finalement sort de la camionnette. L'index collé à son pouce, elle inspecte la texture salivaire et jette à un T-tan anxieux : occupe-toi d'elle.
Rebuffade immédiate.
– Tu m'as pris pour ton larbin ou quoi ?
Le museau baissé sur sa patte. Dag lui lance une œillade oblique.
Tu pourrais être mort.
C'est absolument faux.
Elle n'a aucun effet sur lui.
Et puis c'est un peu vrai.
Une lame dans la gorge a toujours réglé bon nombre de ses soucis.
… je te laisse dix pourcents sur la prochaine transaction.
T-tan se trifouille un pan du marcel. L'appel de la mort et puis l'appel de l'argent.
– Vingt.
Treize.
– Qu'est-ce que tu veux que j'fasse d'elle ?
Répare ce qui doit l'être.
Un haussement d'épaules pour ponctuer la parole.
– Et après ?
Récupère toutes les informations qu'elle te donnera.
– Sur quoi ?
Elle, siffle Dag. Excédée de son amateurisme.
– Et j'peux-
Fais ce qu'il faut.
La gentillesse ou la violence.
– Ça te coûtera-
On verra ça plus tard.
Mouvements du poignet et des doigts. Elle balaye le superflu de ces considérations. Son esprit flambe comme un bidon d'essence rencontre une allumette.
Dag n'a plus de temps à perdre.

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Le goût de l’aura d’Ivy est terrible. Comme tapissé d’un relent âcre, d’une amertume que je ne côtoie que rarement. Celle des années passées à se liquéfier face aux assauts du temps et des déceptions, le poison terrible provenant de fleurs dont je ne connais rien. Car la jungle vénéneuse qui s’enroule autour de l’esprit d’Ivy est si dense, et me paraît si inconnue, que tous mes sens sont chamboulés. La méfiance teinte désormais ses traits et j’ai l’impression de tanguer un peu plus, d’être sur le point de m’effondrer sur moi-même. Je suis épuisée, j’ai mal, j’ai froid et faim et envie de vomir et chaud, et je transpire et je suis fatiguée, mais dès que je ferme les yeux, c’est comme si les ténèbres voulaient s’emparer de moi. Moi qui pensais avoir trouvé une sauveuse, une ancre, un phare dans la nuit… voilà que les mâchoires de la déception me broient une fois de plus. Mais il s’agit de ma vieille amie, je ne sais pas pourquoi je suis si choquée…

« Ivy est morte autant qu’Alice. » Bien sûr que non ! J’ai envie de hurler que je suis bien vivante, que je ne suis pas un cadavre qui marche, que je ne suis pas un fantôme comme elle semble l’être devenue mais… mais les mots s’engluent dans ma bouche pâteuse. Je pourrais bien lui donner raison, au fond. Peut-être que l’ancienne Alice est morte une fois, et qu’aujourd’hui j’ai trouvé une autre forme de décès. Et cette fois-ci, la femme ne semble plus être un squelette décadent, mais autre chose s’est allumé dans son regard. Quelque chose que je n’aurais jamais voulu voir.

Je veux me redresser, me relever pour m’échapper, mais voilà que mon corps est si lourd, mes muscles comme atrophiés. Et elle se penche sur moi, me statufiant totalement ; car je crois que j’ai peur. À nouveau. Comme si la Chose de Damian continuait encore à me hanter et que je ne l’avais pas abandonnée dans ce foutu hangar. Oui, ça doit être ça. J’hallucine. Je suis piégée dans un enfer sans fin, où Ivy est revenue d’entre les enfers. « Tu es le résultat et non l’attente. Tu comprends ? Non, évidemment. » Bien sûr que non, ça n’a aucun foutu sens ce que tu racontes ! L’angoisse remonte le long de ma gorge et je retiens le gémissement qui risque de m’échapper. Car ce visage que j’ai chéri, ce visage qui m’a tant manqué, est aujourd’hui repeint d’un masque que je ne comprends pas. Que je n’analyse pas. Qui me terrifie.

Et elle m’effleure. J’attends presque à ce qu’elle m’offre une troisième mort, comme si je n’étais désormais plus que destinée à vivre pour mourir, en boucle, et endurer mille souffrances. Comme un artiste tripotant sa sculpture, elle s’égare sur mon nez, sur mes lèvres, avant d’y glisser son doigt. Je suis incapable de bouger, scellée sur ce foutu caisson, alors que je devrais me débattre. Mais j’ai l’impression de me déliter sous ses yeux, sous ses caresses qui sont comme des griffures, alors qu’elle enfonce un majeur de plus, en une agression si intime que je crois fondre sur place. Je papillonne des yeux, des larmes solitaires s’échappant de sous mes paupières lourdes, la tête ensevelie par tout un tas de choses que je ne comprends pas.

J’ai l’impression de me perdre en elle.

L’impression qu’elle m’infecte de son venin.

Qu’elle me noie dans ses toxines.

Poupée aux mains d’un marionnettiste devenu fou.

Puis, elle s’efface.

Elle sort de la camionnette. Et enfin, je respire.

Enfin, je me redresse, hoquetant, l’esprit déchiré et délité, comme dépossédée de mon libre arbitre. Je dois partir. Je dois m’enfuir. Je dois… « Occupe-toi d’elle. » C’est-à-dire ? Je ferme les yeux, pose mes pieds au sol, me relève, tout le corps hurlant à la mort de douleurs. J’ia envie de pleurer et de me recroqueviller dans un coin, de dire que c’est bon, j’en ai eu assez, qu’on est arrivé à mes limites. Que je ne pensais pas en avoir, mais ce que sont celles-ci.

Pendant que les autres parlent du destin (funeste apparemment…) qui m’attend, je me secoue, cherche une arme du regard. Je distingue une arme contondante, un genre de serpe ou un sabre ou un couteau long, j’en sais rien putain, mais je me redresse et m’apprête à livrer bataille. Encore. Parce que j’ai jamais eu autant putain envie de vivre, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Et quand l’homme de main de Ivy / Addie / Folle-à-lier se retourne vers moi, je crois distinguer une lueur perplexe dans son regard et son aura.

Je dois avoir l’air ridicule.

Mais je m’en fiche, parce que le couteau n’est clairement pas ce qui est le plus important.

Ivy ne le sait pas, mais en mourant, j’ai eu quelques cadeaux de la faucheuse. Et si la petite fille en moi est outrée, se sent trahie jusqu’à la moelle de ses os de voir une figure maternelle se retourner contre elle… Moi, je n’en ai que faire. On verra plus tard pour les états d’âme. « Tu ne me toucheras pas. » Et la magie qui s’infiltre dans ma voix tandis que je plonge dans le regard de l’homme est si puissante, si terrifiante, qu’elle me tétanise moi-même. Je ne sais pas si cela va fonctionner, car je ne suis pas certaine de comprendre ce qui se trame ici. Mais qu’il tente de s’approcher. Et alors je déchaînerai les enfers sous son crâne. « Je ne sais pas qui tu es, mais tu as raison, Ivy est certainement morte. Laisse-moi partir. Je n’ai pas envie de me battre. » Mais je le ferai s’il le faut.

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Derrière le corps de T-tan, Dag remarque. Les changements mutations explosions à l'atmosphère. Alice sans plus être Alice, Alice le monstre-menteuse-patient0 s'extrait du véhicule et cherche à- à quoi au juste. Dag revient à T-tan et ses hésitations et ses tergiversations insupportables. Le prix. L'argent. Toujours. Le monde – ce monde, moisi jusqu'à la moelle par le fric. Discussion achevée d'un claquement de langue. Et derrière, Alice-menteuse-patient0 menace. Gros couteau de boucher dans la main.
– Tu ne me toucheras pas.
Dag a les bras ballants et les paupières qui clignotent.
Dag est cinglée. Et parfaitement indifférente – à toute forme de violence. Dag a trop pris dans la gueule pour se formaliser d'une enfant faisant un gros caprice. Les membres grelottant de peur et les trémolos dans la voix. Elle en éclaterait de rire, si son patient0 n'était pas si important à ses compulsions meurtrières. Elle ne peut-
pas la perdre
pas la démolir
pas l'effrayer
pas tout à fait
Au risque de perdre trace de son prodige.
L'esprit de Dag recroquevillé sur lui-même. Sur ses obsessions maladives et crasses. Sur son petit cosmos d'horreurs extravagantes. Elle n'est plus, celle qu'elle était. Celle qui probablement hante et traverse neurones et souvenirs de la fille devant. De l'enfant devenue adulte. Elle n'est plus, et ne sera pas, ce qu'elle devrait être. Une figure rassurante dans un univers de conflits et de morts. Elle est, devenue cet univers de conflits et de morts.
– Je ne sais pas qui tu es, mais tu as raison, Ivy est certainement morte. Laisse-moi partir. Je n’ai pas envie de me battre.
Les bras maigres de Dag se croisent sur sa poitrine aux contours éternellement juvéniles. Elle lorgne le conflit de près et de loin. Ici et là. Toujours présente et déjà tellement ailleurs. T-tan quant à lui ne s'émeut pas plus que ça. L'Underapple est un royaume de prédateurs. Le gibier est une pitance trop rare. Personne ne s'y refuse. Qu'importe les conséquences.
Alors. Alors quand il le faut quand ils le doivent. Les prédateurs ordinairement adversaires se changent en complices. Pour l'amour de la traque.
Dag approche. Un premier pas, un second. Sa longue silhouette frêle et blanche à la rencontre d'Alice. Trois mètres pour les séparer.
Ne fais pas ta sale gosse.
Et ses pattes diaphanes qu'elle lève vers le ciel bétonné du marché noir. Preuve de sa (mauvaise) bonne foi. De ses excuses. Pour sa maladresse (cruauté).
… repose ça-
Les doigts squelettiques se déploient et elle minaude et elle devient si douce et elle devient si tragique et elle ose jusqu'à tordre sa bouche. Rictus désolé tellement désolé. Ses orbes flaques de pluie pleines d'une émotivité tant jouée et rejouée qu'elle prend la forme de vérité.
Si tu fais couler le sang oh si tu fais couler le sang ici... alors tu ne ressortiras jamais des boyaux du monde Lizzie.
Le prénom – surnom, lâché sans même qu'elle ne s'en rende compte.
Dag se superpose à Adalyn. Adalyn ou Dag. Dag ou Adalyn.
Les toxines virevoltent étouffent envahissent l'espace confiné qu'est le leur. Et T-tan toujours s'en balance. Et Alice elle l'espère va s'enfoncer. Et Alice elle l'espère va bouffer sa malédiction. Et Dag espère pouvoir l'infecter jusque dans les méandres de sa putain d'âme, l'en pourrir comme la sienne pourrit, et Dag soudain sent affluer en elle une haine une colère une incompréhensible pulsion de vengeance – pourquoi. Pourquoi devrait-elle éprouver cette haine cette colère cette putain d'envie de vengeance. Dag repousse. Mais tout l'innonde. Ras-de-marée à l'intime.
Dag s'est sentie abandonnée Dag s'est sentie rejetée Dag s'est sentie répudiée et si Alice n'était qu'une enfant aux contours d'adulte les années charriant les années... elle était là. Là. Toujours là. Et Dag ne garde entre les dents qu'une colère haine un incompréhensible chagrin dès lors qu'affleurent à sa cervelle flinguée des couleurs et odeurs de cette époque anéantie dont elle dont elles dont tous faisaient partie. Tous. Morts. Presque. Il n'y a plus il n'y a toujours eu toujours eu- Dag s'écrase contre les murs qui lui protègent la psyché. Lorcan toujours et partout et avec elle pour comprendre et accepter et (l')aimer. Jusqu'à la fin. Sans fin. Lorcan sous ses doigts Lorcan sous ses ongles Lorcan entre ses crocs.
Dag déraille et son cœur s'emballe et ses toxines pullulent à la vitesse de ses battements de cœur déréglés.
[LANCER DE DES] A l'obscène de ses confessions, le temps s'étire et T-tan tend le bras. Son bras qui se déboîte dans un craquement lugubre et moite. Bras-mécanique déplié désarticulé éclaté vers Alice et son arme. Le battoir s'encastre à l'avant-bras et au poignet d'Alice. Tord et manque briser les os sous l'impact. L'arme chute au sol. Le bout de la godasse de cuir de T-tan tape dedans et son corps tout entier récupère le petit fardeau terrifié contre lui. Elle est. Enveloppée entre ses bras de muscles et d'acier. Collée contre son gros ventre mou et dur et ondulant sous la technologie gerbante de ce nouveau monde qui les accueille. T-tan n'est plus réellement un homme. T-tan n'est pas encore tout à fait une machine. T-tan est insensible à toute forme de manipulation aux reliefs de mysticismes. Qu'elle soit mentale. Ou physique. T-tan est tant et si bien ancré au tangible que plus rien ne le touche. Pas même les caresses.
Dag s'abaisse avec lenteur vers l'arme désormais à ses petons. Son corps plié telle une tige de roseau prête à claquer. Le manche du couteau niché dans sa paume. Elle soupèse l'objet. Le détaille. Puis, négligemment, pointe la lame vers Alice. Toujours ses trois ridicules mètres pour les séparer ; un gouffre lié à leur invisible les démantèle.
La lame scintille. Les néons captés sur l'acier. Dag joue tranquillement. Dessine au vide de petits ronds avec le bout tranchant.
Puis ses prunelles javellisées éclaboussent celles d'Alice.
Je ne veux pas te faire de mal je ne peux pas te faire de mal je veux te garder en vie je veux te garder près de moi je veux te voir je veux te regarder vivre et je veux savoir ce qui t'as permis de revenir de sous la terre ce qui t'as permis de bouffer les vers et la terre sans t'étouffer.
Dag soupire. Un soupir absurdement théâtral. Son bras au bout duquel est suspendue la lame chute à son flanc. Intimidation gommée de la scène. Tout juste ses mots-poison pour la bercer.
Tu es signe de progrès à venir tu comprends ?
Elle est signe de cataclysme futur. Elle est présage d'extermination.

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Je ne sais pas ce qui me fout le plus la trouille. Qu’Adalyn n’en ressente pas, à aucun moment, mais plutôt que l’indifférence s’épanouisse dans son aura comme une fleur qu’on aurait forcé à vivre un hiver trop long. Adalyn n’est plus qu’un fantôme, un morceau de chair et de sang qui se contente d’arpenter ce monde pour y répandre la désolation. Et mon cœur explose à cette idée, plus férocement que si elle m’avait plongé sa lame dans mon ventre. Il y a même un sentiment d’amusement, pas du tout partagé par son poste le costaud, et je serre les mâchoires, la vision qui se trouble, la bile au bout des lèvres, prête à leur vomir dessus s’ils osent s’approcher ne serait-ce qu’un peu plus de moi.

Adalyn esquisse un pas, et je me force à rester concentrée, un filet de sueur glissant le long de ma colonne vertébrale, et dans le creux de mes paumes moites. « Ne fais pas ta sale gosse. » J’hallucine ! Une terrible amertume m’étreint, saupoudrée d’un venin doucereux qui s’infiltre sous ma peau, jusque dans mes veines. J’ai envie de caner. Encore une fois. Pour effacer toutes ces horreurs. Elle lève les mains devant elle, peut-être pour… pour quoi, je ne sais pas. Elle n’a pas l’air de vouloir me laisser partir. « Repose ça. » Non. Clairement pas alors que je suis en danger et qu’elle veut faire je ne sais quoi de mon corps, ce qui est déjà beaucoup trop pour ma petite tête.

Et la dame blanche en face de moi tente de se contorsionner, de faire croire, de me duper, mais elle ne sait pas que je peux lire en elle comme dans un livre ouvert et que maintenant que j’ai rampé sous son crâne, que je me suis incrusté dans son esprit, elle ne me laissera jamais partir. Quoi qu’elle dise, crache, bave, ce ne sont que des mensonges. Comme d’habitude. Mon père d’abord, elle ensuite, et tant d’autres Nightbringers menteurs qui ne savent pas quoi faire de leurs vies stupides.

Menace à peine voilée, surnom ridicule, voilà que la haine du monde d’en bas s’infiltre jusque sous ma langue, comme un rappel constant que rien n’est acquis dans cette vie. « J’ai déjà fait couler le sang et je recommencerai. Ne me force pas à le faire. » Supplique d’une enfant qui espère encore pouvoir quémander auprès d’un adulte. Parce que je ne suis que ça, à ses yeux, une enfant, qu’elle croit pouvoir contrôler comme celle que j’étais avant. Mais Adelyn pourrait me kidnapper, me séquestrer, m’enfermer dans ces boyaux dont elle parle, et personne ne viendrait certainement me chercher. Et je sens son pouvoir s’étioler, s’infiltrer en moi, encore, je tangue, divague, recule d’un pas, puis d’un autre, la cœur en berne, les paupières papillonnantes. Mais alors que je m’enfonce dans un océan de ténèbres, quelque chose m’en tire. Sa haine. Qui paillette son aura avec tellement fureur, lacérant le reste de ses chairs. Sa colère se répand en moi, me force à reprendre pied, à taper le fond marin pour remonter à la surface. Puis vient la terreur, l’angoisse, l’incompréhension, un ouragan de sentiments contraires que je peine à comprendre, analyser, ressentir, qui me martèlent les tempes comme une garde militaire sur le point de me taillader de part et d’autres.

Je ne suis pas une guerrière. Je ne suis pas une battante. Je suis une petite fille qui meurt en boucle depuis des siècles et qui espère pouvoir respirer une seconde de plus. Je suis une poupée de chiffon traînée de décennies en décennies, de mains en mains, car mon avenir n’a jamais été que le chaos et la mort. Mon pouvoir n’a aucun impact sur l’homme, l’homme qui se désagrège comme un robot métallique, et qui m’attire à lui d’une main distordue et anormale. Je suis projetée contre lui et le sanglot se coince dans ma gorge, car mes yeux sont trop secs, ma gorge si dure, j’ai l’impression que tout mon corps n’est qu’un roc sur le point de se disloquer. La douleur se répand dans mes os, encore, vieille douleur, mon amie, te revoilà et j’en lâche mon arme, ma main se porte à mon poignet tordu. L’odeur de l’homme me submerge, sa corps contre le mien me débecte et je me débats entre ses bras comme un chat sauvage plongé dans l’eau. Je feule, griffe, mords, hurle, m’époumone, en appelle à n'importe quel dieu voulant bien m’écouter, tandis qu’Ivy récupère mon arme par terre, la contemple, en fait briller la lame avant de la tourner vers moi. Les mots s’embourbent dans sa bouche, lacérés par les épines qui germent sur sa langue. Je ne comprends pas la litanie qu’elle répète comme des mensonges et la terreur vrille mes derniers neurones. « Pourquoi est-ce que tu me fais du mal, alors ? Laisse-moi partir. » Et si l’homme qui me tient avec férocité ne peut pas sentir l’emprise de mon pouvoir, peut-être qu’elle, le peut. Dans mes derniers mots, j’insuffle toute l’énergie dont je suis capable, dans mon regard plongé dans le sien, je plonge dans son esprit tissé dans une épaisse toile d’araignée, elle-même recouverte de lierres et d’orties, de trèfles et de ronces. « Je veux savoir ce qui t’a permis de revenir de sous la terre. — C’est toi ! Je te l’ai dit ! » Et la lame tombe. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai réussi, si j’ai pu m’introduire assez loin dans son esprit, ou si je me suis contentée de me perdre un peu plus dans son plan de belladone. « Je te dirai tout, te raconterai tout, mais ne me fais pas de mal. Tu as fait ça pour me protéger ! Pour me sauver ! » J’ai l’impression de couiner mon désespoir mais je ne sais pas quoi dire pour atteindre le cœur qui doit encore battre sous toutes les couches de terre. Mais rien n’est lisible en elle. « Qu’est-ce qui a changé… soufflé-je pour moi-même, la douleur continuant de pulser dans chaque recoin de ma peau. » Je réalise seulement que les larmes m’ont échappées, encore, qu’elles maculent mes joues. Et mon cœur se brise un peu, de voir que l’ancre que je pensais avoir trouvée, n’est encore qu’un cadeau empoisonné.

Dont la toxine lacère mes dernières barrières.

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— Je te dirai tout, te raconterai tout, mais ne me fais pas de mal. Tu as fait ça pour me protéger ! Pour me sauver !” s’égosille Alice. À Dag de la dévisager de toute sa sale attention. Elle décortique ses ridules, creuse son front, cherche à en sortir toutes les pensées et tous les secrets qu’il contient. En vain. Regard aveugle plongé sur ce morceau d’os et de chair tendue dessus. Elle soupire. Dag est épuisé. Par la situation plus que par ses geignements. Le bordel dans son crâne l’indiffère. Le bordel est omniprésent. Poisseux et débordant. L’habitude du chaos lui ligature les instincts.
Le museau de Dag chavire vers le bitume défoncé sous leurs pieds. La lame est balancée dedans. Se plante sans se planter, ricoche et dégage plus loin.
— Qu’est-ce qui a changé…
— Putain B ça coûte une blinde.
Va chercher, crache Dag, mesquine.
Le museau redressé de côté, happant les orbes de T-tan qui continue de tenir la chatte sauvage entre ses bras gigantesques et mécaniques. Les prunelles empoisonnées glissent vers le visage de la captive. Elles sinuent sur les rebonds de ses joues et la forme de sa bouche qui continue de suffoquer son manque- son manque de quoi. Elle ne peut pas manquer d’air. Sinon, elle ne parlerait pas.
… qu’est-ce qui a changé... mhh ?
Dag se tapote la bouche de son long doigt tatoué ; symboliques de lune et soleil contrariés et enroulés aux runes qu’elle a attentivement redessinées grâce aux bouquins de Lorcan. Elle lève son petit nez en direction de l’empyrée bétonné. Mime une profonde pensée.
Et crache son poison, avec l’indifférence d’un prédateur jouant avec sa proie.
Toi sans doute (elle marque une pause) moi assurément (une pause encore) le monde surtout.
Et les deux flaques de Dag dégoulinent dans les billes terreuses.
Je vais te relâcher, assure-t-elle. Regorgeante de complaisance. Mais dis-moi petite Alice jolie Alice-Alice-Alice (elle chantonne) perdue dans le trou du Lapin pas si blanc comment oui comment suis-je censée te croire comment suis-je sûre que tes mots ne seront pas de gros mensonges ?
Les bras filiformes se croisent sur le buste malingre. Dag se penche, en avant, sur la pointe de ses godasses de cuir défoncé. Tend l’oreille, à l’indécence d’y foutre sa main en cône. Sans plus regarder Alice mais la vermine de l’Underapple qui ne les regarde même pas. Trop occupée à commercer, trop occupée à la défonce monumentale qu’elle leur offre par sa simple présence. Ses toxines les enveloppent. Ne sont plus si méchantes, elles sinuent dans les bronches et les cervelles et câlinent et font sourire. Sauf Alice, de toute évidence ; Dag est revenu à sa contemplation.
… après tout on dit bien que les chiens ne font pas des chats et ton géniteur est un gros enfoiré de merde n’est-ce pas ?
Oh, l’amour d’Adalyn pour Darius n’a jamais été un secret. Un amour plein de poisons et d’empoisonnements et de problèmes éparpillés à travers les Nightbringers et leurs missions.
Dag éclate de rire. Ses petites dents blanches et écartées comme un couteau plus tranchant encore que celui qu’elle a jeté.
— Je la relâche ? Demande T-tan, plus tellement sûr de ce qu’il doit foutre, maintenant.
Ferme ta gueule, jappe sitôt Dag. Sa fureur remonte, par vagues. Dag qui ne veut rien absolument rien non rien entendre que la voix d’Alice et ses vérités fardées de mensonges car- car les Nightbringers -ou ce qu’il en reste-  petits et grands, sont tous, sans exception, un concentré de manipulation et de terreur prodiguée et propagée et subie.
Comment es-tu sortie de ton cercueil et comment as-tu repris ton premier après le dernier de tes souffles, l'interrogatoire débute. Combien de temps à étouffer sous terre et combien de temps à demeurer sur terre pour y retourner. Car Dag se rappelle putain qu'elle se rappelle, la terreur prodiguée et propagée et subie par cette apparition en forme d'Alice des minutes en heure  écoulée. Ça ne doit pas être la première fois qu'elle crève, et ça ne sera probablement pas la dernière. Comment ça se manifeste et qu'est-ce qui a changé en toi ? Puisqu'une transformation n'arrive jamais seule. Puisque de changer elle doit l'être jusqu'au plus profond d'elle-même. Où habites-tu maintenant... et pas de mensonges ! Index et majeur dressés entre elles. Est-ce que je peux prendre de ton sang ? Demande de convenances, évidemment. Son sang, elle le lui prendra ; avec ou sans son accord.

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Adalyn vomit des émotions dans tous les sens, nimbées de phéromones qui me donnent la nausée. Mes mots sont balancés pour essayer d’attirer son attention, pour qu’elle me libère, et la réponse qu’elle m’offre est d’une banalité sans pareille, du genre que je pourrais écrire dans un bouquin de merde. Ouais, le monde a changé, sans déconner, je peux le voir, tandis que je me calme un peu dans les bras de l’horrible homme. Certainement pas parce que mon âme est apaisée, mais parce que je suis épuisée, prête à tourner de l’œil. Je n’ai plus d’énergie, plus de pouvoir, et je commence à saigner du nez, repoussée dans mes pires retranchements. « Je vais te relâcher. » Suspicion qui se répand dans mes veines, accompagnée d’une vague de reconnaissance. Parce je risquais de me consumer sur place si on me portait un autre coup.

« Comment suis-je censée te croire comment suis-je sûre que tes mots ne seront pas de gros mensonges ? » Mon cœur éclate en mille morceaux, parce que je suis choquée qu’elle me croit capable d’une telle duplicité. Voilà qu’elle joue comme une gamine sortie de l’école primaire, elle n’a plus rien de l’adulte que j’adulais enfant. Comme si les toxines avaient bouffé son cerveau dans tous les coins et recoins, en léchant les moindres lézardes. « — … après tout on dit bien que les chiens ne font pas des chats et ton géniteur est un gros enfoiré de merde n’est-ce pas ? » Nouveau couteau planté dans mon dos. Outrée. « Et pourtant j’ai été élevée en partie par toi, alors il faut peut-être te regarder dans le miroir si j’étais capable d’une chose pareille. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est toi le fichu monstre entre nous, à cet instant. » Nouvelle vague de colère, parce que les gens changent, apparemment, et que l’Adalyn qu’elle a aimé est bel et bien morte. On lui a recraché un zombie difforme et détestable.

« T’es bien placée pour savoir que je le déteste aussi, ne me joue pas la partition de la méchante de Disney, pitié. » Elle ne bouge plus, ne me menace plus, alors je m’enhardis à nouveau, comme une adolescente réprimandée par des parents. Parler de mon putain de père, c’était le coup bas de trop, la dernière chose que je veux bien accepter de sa part. Qu’elle m’enferme dans son foutu camion mais qu’elle me fasse pas chier alors celui que j’abhorre depuis toujours.

T-Tan ne me relâche pas pour autant, tandis qu’elle me noie sous ses questions. « Je me suis éclaté les ongles contre le bois, j’ai vrillé mes cordes vocales à force d’appeler ma mère. Et toi, putain, Adalyn, toi, parce que t’étais de ma famille ! » L’enfant se débat en moi, frappe contre les côtes d’ivoire, tente de s’échapper par ma gorge. « Heureusement, un pauvre hère m’a entendu et a demandé à ce que l’on ouvre mon putain de cercueil. Des jours sous terre, c’est ça qui t’intéresse, Frankeinstein ? » Le traumatisme laboure mon esprit, rappel terrible à ce qui vient de se produire dans l’Underapple, aux atrocités que j’ai vu à cause de la Chose de Damian. « Et si tu veux tout savoir, je suis morte une seconde fois hier aussi. Et regarde ! Je me tiens là devant toi. C’est ça que tu veux faire ? Me replonger un couteau dans le bide et me voir exhaler sous tes yeux ? Tu veux prendre une montre et compter ? Mais fais attention à ce que tu souhaites, Adalyn, parce que le zombie qui reviendra voudra peut-être te buter toi. »

Je veux repousser le connard qui me tient encore, gronde, grommelle, feule. « On a qu’à faire une étude, tiens, je vais vivre quelques semaines tranquilles et je reviens te faire un compte rendu, heure par heure, de ce que je vais vivre durant les jours à venir. La dernière fois, c’était peut-être pas très représentatif, puisque j’ai dû m’occuper du corps encore chaud de ma mère tuée par mon putain de père, cet enfoiré de monstre comme tu l’appelles si bien, et la détresse de deux gosses qui ont éveillé des déchirures à ce moment-là. D’ailleurs, je me demande bien où t’étais, quand on avait besoin de toi, Parfaite Adalyn ? T’as pu te regarder dans un miroir quand ça s’est produit ? » Quand elle me pose des questions sur mon lieu d’habitation, mon cœur se gèle. [LANCER DE DE] Je tente de donner un coup dans les parties de Monsieur Connard, mais il bloque mon genou de sa grosse peluche et je fulmine un peu plus. « Dans le Nexus, un appartement. Et tu veux faire quoi avec mon sang ? Me cloner ? » J’ai trop regardé de science-fiction, OK, mais là, je peux plus. Je sature. Tout mon corps n’est qu’une plaie suintante, infectée, qu’elle s’amuse à écarter un peu plus. Elle y balance du sel et de l’antispetique, avant d’y faufiler ses doigts pour analyser. Je te déteste ! ai-je envie de hurler, comme l’enfant de cinq ans que l’on vient, encore, d’abandonner. Comme l’enfant de quatorze ans kidnappée. Comme la petite fille faible que j’étais quand je suis morte, malgré son grand âge.

ft. @Billie Bloom
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— Je me suis éclatée les ongles contre le bois, j’ai vrillé mes cordes vocales à force d’appeler ma mère. Et toi, putain, Adalyn, toi, parce que t’étais de ma famille !
Dag se fige. Un peu. Rien qu’un peu. Dag fixe cette fille en reflet d’une autre vie et elle ne veut pas putain elle ne veut pas se souvenir et elle ne veut pas ressentir. Elle ne veut que son éternel vertige.
— Heureusement, un pauvre hère m’a entendu et a demandé à ce que l’on ouvre mon putain de cercueil. Des jours sous terre, c’est ça qui t’intéresse, Frankeinstein ?
Oui, c’est tout ce qui l’intrigue et uniquement ce qui l’intrigue. Oui, elle ne ressent plus rien et non elle n’aura aucune pitié. N’est-ce pas ? Dag chavire, sur ses grandes et maigres guibolles. Dag ne sait plus tellement ce qu’elle doit penser ou dire. Dag se perd aux sentiers du temps et de l’espace et le passé se mélange au présent - encore. Et elle bat des paupières et elle tente de demeurer statique et indifférente quand à l’intérieur de sa petite tête malade se croisent et se percutent les sentiments et les mensonges répétés pendant des années en siècles. Seule elle était seule et elle restera seule - ou presque. Seule elle était seule puisque lorsqu’elle est revenue tout(es) ce(lles) qui comptai(en)t encore étai(en)t mort(es).
— Et si tu veux tout savoir, je suis morte une seconde fois hier aussi. Et regarde ! Je me tiens là devant toi. C’est ça que tu veux faire ? Me replonger un couteau dans le bide et me voir exhaler sous tes yeux ? Tu veux prendre une montre et compter ? Mais fais attention à ce que tu souhaites, Adalyn, parce que le zombie qui reviendra voudra peut-être te buter toi.
Le prénom toujours ce connard ce fichu ce satané prénom de merde qu’elle crache et chiale et gémit tour à tour et Dag s’entend lui dire “ferme ta gueule” sans qu’aucun son ne déborde de ses lèvres. Dag voudrait lui enfourner un bout de tissu dans la bouche ou lui faire avaler ses incisives pour qu’elle morve autre chose que des condamnations ; mais Dag ne peut : elle veut ses réponses. Et si elle souhaite les entendre il lui faut laisser cette bouche terrible et morveuse libre de tous mouvements.
Dag l’observe se débattre entre les bras de T-tan avec dédain. Elle envisage lancer des ordres supplémentaires, tels que : serre-la plus fort, pète-lui une rotule, ou encore et simplement arrête de bouger comme un asticot espèce de connasse. Mais Dag la ferme. Use de diplomatie. Les réponses, la fille en reflet d’Alice doit encore lui en fournir.
— On a qu’à faire une étude, tiens, je vais vivre quelques semaines tranquilles et je reviens te faire un compte rendu, heure par heure, de ce que je vais vivre durant les jours à venir.
C’est pas une mauvaise idée franchement.
— … la dernière fois, c’était peut-être pas très représentatif, puisque j’ai dû m’occuper du corps encore chaud de ma mère tuée par mon putain de père, cet enfoiré de monstre comme tu l’appelles si bien.
C’est ce qu’il est, souffle-t-elle, en déviant paresseusement les orbes.
Du visage d’Alice, ils vont vers le camion de T-tan puis plus loin, sur la droite, sur la foule amassée de vermines cherchant des saloperies mirifiques.
— … et la détresse de deux gosses qui ont éveillé des déchirures à ce moment-là.
Oh.
Oh, elle s’en balance, c’est vrai.
La discussion l’ennuie désormais.
Trop d’informations et puis surtout trop de divagations qui n’ont finalement aucun intérêt envers ses projets de néantisation.
Dag croise davantage les bras sur sa poitrine, hausse les sourcils. Prémédite ses crimes à venir. Dag liste dans son crâne les ingrédients et outils dont elle aura besoin. Et présuppose qu’elle devra dégoter du matériel médical plus poussé que ce qu’elle possède déjà. Afin de gagner des années pour des mois. Usant ainsi de la technologie à disposition pour abreuver le Monstre Icarus d’un cancer nouvelle génération.
— D’ailleurs, je me demande bien où t’étais, quand on avait besoin de toi, Parfaite Adalyn ? T’as pu te regarder dans un miroir quand ça s’est produit ?
La figure de Dag pivote et retourne dans le bon axe. Ses billes bleues pour la fixer, longuement. Pour lui décortiquer les ridules sans parvenir à désencastrer les sensations qu’elle rallume. C’est insupportable.
— Dans le Nexus, un appartement. Et tu veux faire quoi avec mon sang ? Me cloner ?
Les sourcils blonds se froncent. Lippe en avant. Moue de môme mécontente.
Tu devrais arrêter de m’appeler comme ça, prévient-elle.
Esquivant joyeusement la question. Elle n’est pas ici pour profiter d’un procès, soyons sérieux. Elle est ici pour être le boucher, et Alice en reflet d’Alice est ici pour servir d’agneau sacrificiel à ses envies mortifères.
Ça me fout les nerfs t’imagines même pas.
Dag soupire. Ses épaules anguleuses s’affaissent. Dag souffle une mèche qui lui tombe sur le museau. Elle n’est pas pressée. Elle impose son rythme. Elle emmerde Alice en reflet d’Alice.
J’veux dire c’est pas comme si y avait pas eu des raz-de-marée des tsunamis et des typhons qui sont passés pour tout démolir depuis le temps.
L’époque où elles se sont connues n’est qu’une putain de fantaisie à la con.
T’as quoi maintenant…
Dag délasse ses bras. Son index tatoué tripote sa lèvre inférieure.
Deux-
Et elle s’arrête, net, car elle remarque soudain que les vérités ne sont pas bonnes à expliciter ; pas avec autant d’oreilles à proximité. Pas avec T-tan pour tout enregistrer malgré son air de n’y rien comprendre. T-tan est un escroc, T-tan est un fabuleux menteur, T-tan pourrait vendre son propre gosse pour un gros paquet de pognon. Et Icarus serait prêt à larguer le pactole, pour refoutre la main sur un de ses premiers cobayes, de ça, elle en est sûre. Et si elle se fiche (non) du sort d’Alice en reflet d’Alice, elle n’est pas assez conne pour penser que T-tan se contenterait d’une prise sur deux.
C’est bon relâche-la, déclare-t-elle fataliste.
Le bras droit levé et les doigts articulés dans le vide. Geste mécanique, mouvement leste. Ordre qui ne présume aucune réplique.
T-tan obtempère, non sans grogner dans son gros menton. C’est qu’il n’aime pas servir de larbin - encore moins à cette pétasse de B. Mais B. paye bien, alors T-tan la ferme.
Merci beaucoup pour ta coopération Alice-presque Alice.
Et Dag esquisse un sourire - risette fauve.
C’est toujours Alice ou c’est autre chose maintenant parce que je me demandais-
Non, elle ne se demandait pas. Elle fait la causette. Ou elle gagne un peu de temps. Pour récupérer les miettes d’informations qui puissent manquer à ses plans : lui refoutre le grappin dessus à l’occasion.
... si t’étais tellement bornée ou supposément assez crétine pour encore te balader avec un vieux prénom et nom qui te feraient ou feront repérer et suivre sans trop de difficulté.
Les égos, Dag leur saute dessus à pieds joints.

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Mes mots ne lacèrent rien. Ne déchirent rien. N’ébranlent même pas son aura de lierre et de toxines. Je ne comprends même pas ce qu’elle représente, ce qu’elle est, s’il y a encore ne serait-ce qu’un cœur qui bat sous sa carcasse qui ne pourrit pas. J’ai envie de vomir de voir ce qu’elle est devenue, ce qu’elle a fait de l’éternité qu’on lui a offert. Briser celle des autres ? Je ne sais plus où je suis, qui je suis, la fatigue se mêle à mes haut-le-cœur, ma détresse résonne entre les barreaux d’ivoire de ma cage thoracique.

Ah, voilà, voilà que mes mots exhalent une certaine colère dans son esprit, et la hargne ne se nourrit que d’elle-même ; j’ai l’impression qu’elle a jeté un bidon d’essence sur le brasier de mes sentiments, et que je me nourris de cette rage sombre qui nous consume toutes les deux. Mais Adalyn-pas-Adalyn n’est qu’un fantôme, comme tous les autres, parce que la colère laisse place à l’ennui et le désintérêt. Elle n’est plus qu’un corps qui marche, un corps dévoré de l’intérieur par une noirceur, une puanteur qui se colle à mon corps, qui vient en lécher la moindre parcelle. J’ai l’impression qu’elle continue d’enfoncer ses doigts sous ma peau, dans mon crâne, que des spores s’échappent de chacun de ses soupirs pour s’infiltrer dans mes narines.

« Tu devrais arrêter de m’appeler comme ça. » Il y a beaucoup de choses qu’on désire et qu’on obtient rarement dans la vie, ai-je envie de rétorquer. Mais chacun de mes mots ne sont que des coups de poignard qui n’atteignent pas leur cible. Car Adalyn est morte, et je ne fais face qu’à un cadavre dont il ne reste rien. Je m’épuise dans le néant. Et je pige que dalle à ce qu’elle raconte, pourquoi elle parle de tsunamis putain, qu’il l’emporte son tsunami et qu’on en entende plus parler. Elle divague, commence des phrases qu’elle ne finit pas, mais a l’air d’être satisfaite, car le monstre gluant me relâche enfin, sous ses ordres.

« Merci beaucoup pour ta coopération, Alice-presque Alice. » Je serre les dents. Ne rétorque rien. À bout de mots, de compréhension, de volonté, presque. Et voilà qu’elle me demande mon prénom, veut m’insulter un peu au passage, et j’éclate de rire avant de scruter la foule, à la recherche d’une échappatoire. [LANCER DE DES] Elle m’a fanée, épuisée, détruite, un peu plus encore, car les fondations de ce que je croyais être une famille s’étiolent à mesure que les décennies s’écoulent. Mais il est peut-être temps de faire tomber le voile de la naïveté, après des décennies à croire en le monde des Bisounours. « Totalement bornée et crétine. Comme toi, Adalyn. Après tout, tu m’as aussi un peu élevée, quelque part. » Je donne un coup dans le genou de T-Tan – ou ce qui lui sert, je crois, de genou ? putain j’en sers rien – et je puise dans mes dernières ressources pour me faire la malle.

Je pique un sprint, la fatigue et le désarroi tuant les derniers espoirs qui vivotaient dans mon esprit. Je ne sais pas s’ils me poursuivent – je pense même pas –, me contente de foncer, droit devant, sans regarder en arrière, à me planquer entre les corps qui se meuvent dans la foule, à la recherche de la lumière, du dessus, de l’air libre et frais, loin des cadavres de l’Underapple.

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