I would have lived in peace. But my enemies brought me war.

Ce que tu es

Bagarreuse Tu as appris très tôt que le monde est prêt à te bouffer, et que le moindre faux pas, on te le fera payer. C'est pas une leçon facile à apprendre, ni même à accepter. Arcelia était comme ça, gamine à vouloir se révolter, à espérer que le monde devienne juste et équilibré. Quand elle a compris qu'elle n'était qu'un rouage de plus dans un système bien huilé... Ah, c'est là où elle est censée baisser les bras et se laisser faire ? Ouais. Nan, pas trop son genre. Comme si son cœur battait pour deux, comme si elle pouvait révolutionner le monde. Elle se croyait forte et grande et puissante et courageuse. Elle voulait être Cœur de Lion (même si elle savait pas vraiment ce qu'il avait fait, ce pauvre homme, mais le nom était classe). Elle voulait pas lâcher ce en quoi elle croyait. Déterminée,  obstinée ou entêtée sont des qualificatifs qu'on lui a donné. Pour elle, c'est autre chose, c'est plus grand, ça la dévore dans le creux de ses entrailles. Nan, pour elle, c'est la croyance sans faille que tout peut arriver, qu'avec un peu de bonne volonté... On peut déplacer des montagnes. Et qu'au pire, prendre du V, ça peut aider.

Un miroir Elle a bien appris à le faire ça ; sourire pour le public, sourire pour les héros, sourire pour les apprentis. Sourire au monde, pour donner de l'espoir, donner de la confiance. Parfois elle y croit, parfois elle se convainc elle-même que tout ira bien, et l'optimisme l'étreint. Parce qu'elle a survécu jusqu'ici, alors elle survivra bien un jour de plus. Empathique, elle sait ce qu'on attend d'elle, elle sait comment bien se comporter pour obtenir ce qu'elle veut. Peut-être aussi un moyen d'auto-défense hérité d'une famille dysfonctionnelle. Si tu fais ce qu'on attende de toi, tu pourras faire profil bas. Mais bien souvent, elle ne se sent pas à la hauteur, s'écrase contre le mur des attentes des autres. Elle ne sait même plus vraiment qui elle est, au fond, à vouloir plaire à tout le monde, à vouloir coller aux attentes d'un monde qui vous bouffe et vous recrache quand vous n'entrez pas dans les cases.

Créative, du bout de ses doigts et de ses pensées, comme un mantra qui la tient en vie depuis toujours. Elle dansait avant de savoir marcher, elle cousait avant de savoir guerroyer, de ses petits doigts d'enfant elle construirait un imaginaire pour un monde qu'elle aurait aimé façonner. Elle a recouvert son corps de tatouages pour cacher ses cicatrices... physiques. Car elle ne sait pas quoi faire de celles psychologiques. Enfin, si... elle se noie, se perd dans le plaisir, dans les artifices de soirées arrosées, de danses égarées, de combats perdus. Alceria ne dort presque pas, gagnée par des insomnies dont elle ne saisit pas l'origine - elle est peut-être née avec ça. On lui donne très souvent la qualité de sociable, mais ce n'est qu'un nouveau morceau de son armure, qu'elle a su construire au fil des ans. Arcelia n'est pas sûre d'aimer les gens. Enfin, elle ne les aime plus, trop déçue. Pourquoi continuer à se battre, alors ? Parce que, peut-être, au fond, il reste cette étincelle, cet espoir que tout revêt un sens. ELle ne veut pas abandonner, ne veut pas baisser les bras, pas après que Valkyrie ait donné son cœur pour que le sien puisse continuer de battre. Peut-être qu'elle se bat pour le souvenir de Valkyrie. Et ça la fait flipper, ça, parce qu'alors, c'est la colère qui la tient encore en vie. Et ce n'est pas très digne d'un super-héros...

Loyauté, honnêteté, possessivité Arcelia aimerait se croire cœur de pierre, cœur de verre, mais au final, elle est restée cette enfant qui veut donner son amour et sa confiance. Elle est loyale envers ceux qui l'ont aidée, sauvée, épaulée, peut-être un peu trop, peut-être de manière éhontée. Elle se donne à fond dans tout ce qu'elle entreprend et cela comprend les quelques relations qui lui restent encore. Pinky swear. Et elle ne s'est jamais dérobée face à une promesse. Mais voilà... à trop aimer, on se brûle les ailes et Arcelia aime trop, tout le temps, trop férocement. Jalousie qui s'épanouie dans ses veines, possessivités qui la noircit de peine. Elle se sent vite abandonnée et asseulée, rattrapée par des pensées douloureuses qu'elle ne parvient pas à expier.

Curieuse et  impétueuse, elle fourre souvent son nez dans ce qui ne la regarde pas, même si elle paraît détachée... Elle aimerait ne pas être touchée par ce que les autres pourraient penser d'elle, mais elle prend les choses à cœur, même si elle a appris depuis longtemps qu'il ne faut pas regarder les réseaux sociaux... elle est peut-être un peu maso, car elle fait très souvent défiler les commentaires, comme si elle pouvait y retrouver une réponse. Taux d'échec ? 100%.

Instable ; elle aurait aimé être plus constante, plus assurée, pouvoir compter sur elle-même, mais ses pensées s'étiolent, ses rêves scintillent avant de s'éteindre dans la nuit. Elle tente de maintenir sa santé mentale à flot, de montrer un optimisme à tout épreuve pour les autres. De "tenir la baraque", comme disait son père. Certains soirs, elle s'abîme dans la contemplation de son plafond et elle se demande à quoi ça rime, tout ça. Puis elle se réveille le lendemain et elle pose un pied devant l'autre. Petit à petit. Parce qu'elle est trop tenace, elle ne peut pas lâcher. Pas après tous ces sacrifices.
 

Ce que tu veux

Sauver le monde ! Hm, trop niais. Trouver l'amour ! Trop égoïste. Être heureuse ? Probabilités faibles de réussite. Arcelia ne sait pas vraiment ce qu'elle cherche. Elle croyait trouver des réponses en devenant super-héroïne, mais ça a juste tout mélangé dans sa tête. La perte de Valkyrie, sa relation en dents de scie avec Wolfman... Heureusement, il y a Bonnie. Et Elvira.
Dans le creux de son cœur, elle rêve d'une chose : que Valkyrie soit là, qu'elle panse ses blessures, qu'elle vienne la prendre par la main pour lui dire que tout va bien.
Mais Valkyrie est morte.
Et on ne ramène pas les morts à la vie.
N'est-ce pas ?

Elle se souvient encore de sa première dose.
C'était une de ces premières fois qui restent imprimé dans votre esprit.
Les veines bleues, la douleur dans les tempes, le corps qui semble se déchirer. Pour elle, c'était le corps, oui, traversée par une puissance qu'elle comprend à peine. Elle vient tout juste d'avoir dix-huit ans, les rêves pleins la tête, envie de sauver le monde. Elle veut bien se sacrifier pour les autres. Elle veut bien souffrir pour eux. S'ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles. S'ils peuvent rêver à sa place ; elle, n'y arrive plus.
Elle serait bien hypocrite d'haïr le V, elle qui s'en inocule dans les veines.
Au fond, elle les comprend, tous ces gens. Ils veulent être... particuliers. Ils veulent marquer le monde, trouver leur place. Elle ne regrette absolument pas d'être devenue l'un d'entre eux ; elle aime la puissance qui court dans ses veines, elle aime la magie qui ruisselle sous sa peau. Les bons jours, elle se sent... plus forte. Prête à porter le monde sur ses épaules.
Prête à endosser son rôle.

Elle aimerait croire que les altérés sont la cause de tous les problèmes, mais ce serait faux. Ils ne sont qu'une autre conséquence de le monde qui déraille, de l'envie de pouvoir qui circule dans les rues. On ne veut pas manipuler son génome, modifier ce que l'on est en profondeur... allons vers la mécanique et la technologie. Pour Arcelia, cela n'est pas plus différent que se prendre une dose de sérum.

Arcelia est fascinée par les réseaux sociaux. Elle ne sait pas pourquoi, elle peut scroller pendant des heures, quand elle ne trouve pas le sommeil (oui, les écrans bleus n'aident pas, elle sait). Elle n'aime pourtant pas vraiment se mettre en avant, elle laisse ça à Elvira, qui fait ça bien mieux qu'elle. Elle aimerait visiter le Metaworld mais elle a peur - sans ses pouvoirs, ce serait... ce serait se déposséder d'une partie d'elle-même. Peut-être que quelqu'un lui montrera le chemin. Car les menaces peuvent venir de partout.

Elle aime sa ville. Ou plutôt l'idée qu'elle représente. Elle sait même pas trop pourquoi, c'est pas comme si New Blossom avait une âme ou envie de lui rendre la pareille. Mais quand elle est partie dans les rues durant son adolescence, dans l'espoir d'aider les gens... c'était pour la ville. Pour faire de ce lieu un endroit sûr. Pour que les autres enfants, pour que les autres petites filles soient en sécurité. Peut-être qu'une ville peut devenir une famille pour quelqu'un. C'est ce qu'elle essaye de véhiculer...

L'APPARTENANCE Icarus Phenomenon

1990. Naissance, troisième fille d’une fratrie.

2004. Valkyrie lui sauve la vie, et elle rêve de devenir une super-héroïne.

2005. Valkyrie II, encore inconnue et mineure à cette époque, aide sa famille et d’autres personnes à évacuer la ville de New York durant la guerre civile. Découvrir la mort de son idole est un coup de massue pour l’adolescente. Elle se confectionne un costume (qui deviendra plus tard celui qu’on connaît bien de Valkyrie II) et arpente les rues de New York pour aider ceux dans le besoin.

2008. Abandon de ses études. Elle s’inscrit au concours organisé par Icarus Inc. pour trouver un.e remplaçant.e à Valkyrie. Elle ne peut laisser ce siège à personne d’autre. Elle remporte finalement la place, grâce à un entraînement intensif et peut-être aussi, à l’aide de sa marraine la bonne fée LadyHawk.

2010-2024. Valkyrie II n’obtient que des missions de petite envergure ; pourtant, elle est appréciée du public, qui voit en elle une bonne relève à Valkyrie. Sa réputation la précède comme une super-héroïne « proche du peuple et de ses racines ».

2025. L’arrivée du Violet dans les rues pourrait être l’occasion pour Valkyrie II de faire ses preuves. De montrer à tous qu’elle peut protéger l’humanité, comme son idole avant elle.

Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste ! Ces mots, répétés inlassablement, comme une litanie mortuaire. Je n’en peux plus de les entendre tournoyer dans ma tête, frapper l’intérieur de mon crâne. Ils cherchent à sortir, comme les mots que je retiens, comme la haine qui flambe dans mon cœur. Je serre les poings. J’essaye de me dresser contre toi, contre ton ombre, mais elle continue de m’envelopper, à mesure que nous grandissons. Et tu es toujours plus grand que moi. J’ai beau faire, j’ai beau m’entraîner, j’ai beau hurler à plein poumon, m’arracher les phalanges contre les arbres, tu es toujours plus fort, tu es toujours plus malin, tu es toujours plus grand. Et tu as toujours raison face à maman.

Tu casses tout ce que je crées.

Tu brises mes os qui me servent à danser.

Tu brûles tous les rêves que je peux façonner.

Tu me détruis, à petit feu, tu m’étouffes.

Et tu y prends un malin plaisir. Je le sais, ça brille dans tes prunelles, comme la marque de l’enfer. Je me suis toujours demandé si on naissait mauvais, s’il y avait une loterie au moment de venir sur cette Terre, ou tout cela n’était que la cause de maltraitances infantiles. Il doit y avoir une raison. Mais nous avons été élevés par les mêmes personnes. Alors pourquoi, pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me traites comme si je n’étais qu’une serpillère que tu peux traîner par terre ?

Tu as trois ans de plus que moi.

Tu devrais me protéger.

Tu devrais m’envelopper dans tes bras.

Tu devrais pas casser mes cabanes à oiseaux.

Tordre le cou aux moineaux que j’essaye de sauver.

Mettre le feu à mes jouets.

« Regarde, comme c’est fascinant. Ça flamboie. Tu devrais qu’on essaye sur ta peau ? Qu’on voit ce que ça fait ? » Tu approches la flamme de mes sourcils, et je sais qu’ils vont partir en fumée, que tu vas m’apposer ta marque… Ce que je me demande, c’est pourquoi moi ? Pourquoi pas ma sœur ? C’est parce qu’elle est « plus féminine », comme dit maman ? C’est parce qu’elle est « plus mignonne », « plus docile », « plus malléable » ? C’est parce que moi je crie, je pleure, je me débats, c’est parce que tu aimes voir la douleur dans mes yeux quand je sais que la personne censée me protéger veut me briser ?

Certains monstres sont créés.

Mais d’autres naissent comme ça.

Toi, tu fais partie de cette catégorie-là.

Et je me promets.

Oh, oui, je me promets.

Quand je serai plus grande.

Quand je serai plus forte.

Quand je serai plus courageuse.

Je te ferai payer. Et je ferai payer à tous ceux qui s’en prennent à plus faibles qu’eux. Parce qu’au fond, c’est vous, les lâches.

Et vous ne méritez pas de vivre.

J’adore danser.

J’adore la musique.

C’est comme un second pouls qui bat dans ma gorge. Comme un autre cœur qui tambourine dans ma poitrine. Dans ma chambre, je mets la musique et je danse, saigne le parquet, oublie ce qui m’entoure.

Mais je ne suis pas douée.

Maman trouve que je ne danse pas aussi bien qu’Aurora.

Aloisius, mon frère, me trouve ridicule. Il a découpé les body que papa a offerts à Aurora, et a dit à maman que c’était moi qui avait fait le coup.

J’ai été punie.

Plus de musique.

Plus de danse.

Pas avant que je me sois excusée.

Mais comment fait-on pour s’excuser de quelque chose qu’on a pas fait ?

J’ai commencé les cours de piano.

Un peu par hasard, en fait, c’est la dame qui nous garde après l’école qui en a un.

Elle m’apprend des trucs.

J’aime bien me dire que ce sont mes doigts qui créent de l’émotion.

Deux semaines plus tard, alors que je commençais à bien maîtriser mon premier morceau, Aloisius a écrasé mes doigts sous sa chaussure. « J’ai pas fait exprès. » Il m’a dit que si je le disais à maman, il viendrait la nuit dans ma chambre pour me mettre des araignées dans ma bouche. Qu’elles pondraient des œufs dans mon ventre. Et que je mourrais dévorée de l’intérieur.

Depuis, j’ai le petit doigt tordu.

Mais je peux quand même jouer.

« Je suis là. Je te tiens. Tu ne risques plus rien. » C’est la première fois que j’entends ces mots. C’est la première fois que quelqu’un… me regarde comme ça. Je lève les yeux vers elle, vers cet ange qui me porte. Recroquevillée entre ses bras, j’enroule mes bras autour de son cou, inspire son parfum. Je percute ses grands yeux pleins de douceur. « Je suis morte et vous êtes un ange ? soufflé-je, sonnée. Elle éclate de rire et c’est le plus doux son qu’il m’ait été donné d’entendre. « Les enfants ne devraient jamais avoir à craindre quoi que ce soit. » J’éclate en sanglots. « Et tant que je serai en vie, tu ne craindras plus rien, d’accord ? Tu me promets d’être forte ? Je suis sûre que t’as les tripes d’une héroïne. » Je lui promets tout ce qu’elle veut. Je continue de lui promettre quand elle me lâche, dans ma tête, cette fois.
Et je lui promettrai toute ma vie, jusqu’à la fin de mes jours, dans mon cœur.

Cœur qui saigne.

Doigts qui se recroquevillent.

Elle est là. Inanimée.

Sous mes yeux.

Ça ne se peut pas…

Je dois rêver…

Je veux m’arracher les yeux.

M’arracher les cordes vocales.

M’arracher le cœur.

Tu ne peux pas m’abandonner ! Tu ne peux pas me laisser, pas après m’avoir donné de l’espoir, pas après m’avoir montré à quoi ça ressemblait, d’être forte ! Je veux être comme toi, je veux que tu m’inspires, que tu me regardes, que tu m’aimes, que tu me dises que je suis forte et belle et courageuse et à la hauteur ! Que je suis digne de toi et des quelques secondes que tu m’as accordées, des quelques mots que tu m’as soufflé.

C’est pour toi.

Ce que je veux devenir.

Ce que j’endure.

Si tu n’avais pas été là..

J’aurais peut-être sauté de ce toit.

« Tu sais que t’as vraiment l’air d’une minable avec un truc pareil ? » Aloisius regarde le costume que je viens de coudre. Moi, j’en suis plutôt fière. J’ai encore été privée de musique, alors autant explorer ma créativité ailleurs. « Rends-le moi. — Sinon quoi ? » Il me retourne un sourire carnassier. Je regarde ses traits angéliques, sens mon cœur se broyer dans ma poitrine. « Pourquoi ? soufflé-je. — Pourquoi quoi ? — Pourquoi t’es comme ça avec moi ? Pourquoi t’es une brute, un connard, pourquoi tu cherches toujours à rabaisser les gens ? » Il me jette un regard en colère, comme si je lui avais déplu. Je lui déplais tout le temps. « Parce que j’en ai le pouvoir. » Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Il attrape chaque extrémité de mon costume et le réduit en miette. « Et elle est où ta Valkyrie, maintenant ? Tu crois qu’elle va venir essuyer tes larmes ? Grandis un peu, Arcelia. Tu sers à rien et tu serviras jamais à rien. Alors tais-toi et fais profil bas si tu veux pas m’agacer encore plus. » Je le regarde quitter ma chambre, très fier de lui. Il sifflote et trouve la quiétude de sa chambre.

Maman est très fière de lui. Il a des bonnes notes dans toutes les matières, il sort avec une riche fille de politiciens. Il aura un brillant avenir, elle le sait. Ma sœur aussi. Elle sera danseuse ! Elle est si belle, quand elle danse.

Tandis que moi…

Je contemple les morceaux de mon costume.

J’ai le cœur qui bat.

Furieusement.

Moi aussi, je ferai quelque chose.

De grand, de beau, que personne ne pourra manquer.

Je serre les poings.

Dans toutes les histoires que je lis, les héros doivent passer des épreuves. En sortir grandis. Voilà les miennes.

Et je sais que j’ai l’étoffe d’une héroïne.

C’est Valkyrie qui l’a dit.

Majorité.

Fuite de la réalité.

Pas d’études, pas de danse, plus de fratrie.

Il est minuit, je suis majeure, je fuis cette réalité qui a manqué de me broyer.

En attendant le bus qui m’amène en foyer, je contemple mon petit doigt encore tordu.

Tu es mon vilain, Aloisius.

Et les héros gagnent.

Toujours.

Frappe, frappe.

Gauche, droite.

Squat.

Pompe.

Rouler sous le rondin.

Grimper à un arbre.

Frappe, frappe.

Cours, cours.

Vis, vis.

Bats-toi.

Sois forte.

Grandis.

Endure, putain, endure.

Encore un peu.

« LadyHawk, soufflé-je. » Je n’ai pas les mots. Je suis… Elle ne ressemble même pas à une vraie personne tellement est belle. « Vous êtes magnifique. » C’est la première chose que j’ai dit à Bonnie fuckin LadyHawk. Vous êtes magnifiques. Pas « vous êtes badass », pas « je veux être comme vous », mais un pitoyable « vous êtes magnifique », comme un mec en rut qui ne voudrait qu’une chose : la mettre dans son lit.

Envie de me taper la tête contre les murs.

Envie de me brûler la bouche à l’acide.

Stupide, stupide, stupide, comment veux-tu être à la hauteur ?

Mais j’ai fait une promesse à Valkyrie.

Je vais la tenir.

Quels qu’en soient les sacrifices.

Les Sept, c’est… étrange.

Je crois que c’est ce que les gens appellent « une famille », mais comme je n’en ai jamais eu… je ne sais pas. On ne s’entend pas tous, on est jamais vraiment d’accord et à part Hypérion qui se prend pour mon père… je crois que je les aime bien. Surtout LadyHawk. Orion est… intriguant, aussi. Il est gentil avec moi, en tout cas. Et puis, il y a Elvira.

J’aurais tellement aimé être comme elle.

J’aurais tellement aimé être plus forte.

Alors je fais comme si.

J’endosse ce rôle que j’ai appris à jouer à la perfection quand j’étais gamine. Je sais ce qu’il faut dire, ce qu’il faut faire, quand il faut se taire et quand il faut agir. Je sais courber l’échine ; je l’ai fait tant d’années.

Je me défoule sur ces missions sans importance qu’on me donne.

Je m’épanouis dans mes pouvoirs.

Quand je gratte mon sourcil qui ne garde aucune séquelle du feu d’Aloisius, je songe qu’aujourd’hui, je pourrais lui geler la gorge et le laisser mourir sur le sol.

Je pourrais me venger.

Je pourrais le tuer.

Mais ce serait contraire à l’éthique, n’est-ce pas ?

Non, Valkyrie n’approuverait pas.

Des fois, je me demande si elle est vraiment morte. Si tout ce que j’ai vu ce jour-là… si ce n’était pas qu’une monumentale erreur. Mais je me ressaisis bien vite. Bien sûr, qu’elle est morte. J’avais son sang sur les mains. J’avais son sel dans mes larmes. Et elle m’a laissé son héritage.

Dommage que je n’en sois pas vraiment à la hauteur. Que des missions fades.

Mais des missions qui permettent de sauver des gens.

C’est le principal, n’est-ce pas ?

Je sauve des enfants.

Des enfants qui n’ont pas de protecteur. Et un enfant ne devrait jamais avoir à souffrir. Ça me suffit.

Je danse à nouveau.

Ma mère est morte ; mon frère vient de la rejoindre dans la tombe. Il laisse derrière lui une femme que j'aurais aimé protéger, elle aussi. Mais je crois que je n'ai pas réussi.

Mon père somnole dans une maison de retraite où il meurt à petit feu d’un Alzheimer foudroyant. Il se rappelle à peine de moi. Ça me dérange pas ; il ne se rappelait pas de moi non plus quand il avait toute sa tête. La petite dernière, celle qui n’était pas désirée. Une erreur, une naissance son protection. À l’époque, l’avortement, c’est… c’est autre chose. Ils ont essayé de m’oublier, mais j’étais là, épine douloureuse dans leur pied.

Je ne sais pas ce que fait ma sœur. Elle danse, certainement, comme moi.

J’aimerais lui montrer que j’ai repris.

Je sais jouer du piano, aussi.

Je suis plutôt douée.

Mais je ne joue que pour moi.

J’ai trop peur qu’on m’écrase encore les doigts.