☼ Manipulatrice. Vérité et mensonge se mélangent sur le bout de ta langue, déverse le doux venin, répand la traînée de poudre. L’étincelle s’embrase, le feu se répand. Jeux d'esprit transgressent la morale. Tendance toxique. Culpabilité démembrée. Oups. ☼ Attachante Rire cristallin, regard mielleux, geste délicat. Le piège est une œuvre d'art, copie d'un fragment de réalité. Réalité qui résiste au raz-de-marée médiatique. Pour combien de temps encore ? Combien de temps avant que la version originale ne soit complètement engloutie ? ☼ Égocentrique. Besoin perpétuel d'attention. Entendre la foule en délire scander ton nom, sentir les yeux langoureux rivés sur toi, ressentir l'amour dément de tes fans. Même si c'est étouffant, même si tu succombes lentement, t'en redemandes. Auto-mutilation. ☼ Douce. Force tranquille, perfide. Violence calculée, patiente. Tu inspires la douceur d'une journée d'été, l'odeur des croissants au réveil, la caresse d'un rayon de soleil, le ronronnement d'un chaton. Tu inspires le meilleur quand tu respires le pire. ☼ Joueuse. Créativité au service de l'envie, envie de s'amuser, se libérer des chaînes qui pendent à ton cou. Joli collier pèse lourd par moment. Alors tu te donnes à cœur joie pour t'offrir des expériences, déguster des existences. Tous les coups sont permis, toutes les règles abolies. ☼ Cruelle. Vice s'étoffe au fil des années, des innocents. L'empathie mise en sourdine, le sadisme prend le relais.  Parce que la souffrance est ton exutoire, tu partages généreusement la recette de ton délice. Créature éveillée, instinct animal, prédatrice menace la survie de l'humaine. ☼ Dépendante. Besoin perpétuel d'affection. Contact recherché, amour réclamé, crainte de l'abandon démesuré. T'abuses de ton pouvoir dès que tu ressens un manque, ne supportant pas la perspective de la solitude. Bouuuh. C'est comme le silence, ça te fait peur. ☼ Ambitieuse. Détermination dévore les failles, prête à bousculer les standards, défier les concurrent.e.s sans chercher à les éliminer complètement. L'adrénaline est un nectar, une motivation, une excuse de repousser les limites. Pour la gloire, le goût du risque, la satisfaction de la réussite. Athlète de haut niveau se délecte des performances à donner, des défis à relever. ☼ Sensuelle. Image travestie par Icarus, contrat sournois te force à incarner cette femme fatale qui ne te correspond pas. Jusqu'à apprendre à l'aimer, aimer être aimée, aimer plaire, aimer l'effet que ton corps produit, ton aura engendre. Le malsain devient quotidien, la normalité un lointain souvenir. ☼ Possessive. Persuadée que les gens t'appartiennent, supportant mal qu'ils t'échappent et défient ton consentement. Forme d’exigence exacerbée. Forme de respect insolite. Entièrement dévouée à l'autre, tu attends une réciprocité infaillible. Incorruptible.

mes désirs font désordre

You fought for love unspoiled by your darkness within. You fought for your dreams, now there is no way to win.

TU AIMES. Orion, ton frère, chaque seconde où son attention t'est consacrée | Le bruit, le brouhaha, la musique, l'écho du dancefloor résonner dans tes tympans comme les palpitations d'un coeur furibond | Porter des tenues pailletées hors de prix et des perruques aux couleurs pastel | Jerry, ton assistant, esclave humain vivant pour te servir nuit et jour. Prix Nobel de la loyauté | Recevoir des compliments, des louanges, des demandes en mariage et les refuser | Titiller la patience de Sloane, ton attachée presse, quand elle est en train de gérer une crise. Crise dont tu es l'investigatrice | Le parfum du sang bouilli, la terreur au fond de la pupille, les hurlements de douleur. Aucune mélodie ne peut rivaliser avec cet orchestre barbare | Dormir avec Teddy, ta moitié. Il ne bouge pas, ne ronfle pas, te garde toujours une place bien au chaud. Territoire jalousé, revendiqué | Ta famille dysfonctionnelle, les Sept. Chacun constitue un organe important, même si certains le sont plus que d'autres. Jeremiah et Bonnie, le couple phare représente le coeur de ce système. Rhys ton pilier et Arcelia ta poupée, les poumons essentiels au bon fonctionnement. Orion ton frère, le cerveau à double tranchant. Quant à Theodore, cette vermine, il en incarne la rate. | Faire des interviews en direct, flinguer le script prévu, balancer des informations en exclusivité que ton équipe de communication ne pourra anticiper | Tes parents adoptifs. Ils t'aiment à leur manière, tu le sais, le sens et tu les aimes en retour. Beaucoup trop. Ils te doivent la vie, tu comptes bien leur rappeler en cas de nécessité | Ta mutation, prouesse extraordinaire, en perpétuelle évolution. Te nourrir sur les gens, quel régal. Accro à ce flux d'énergie qui te traverse, poème renversant aux rimes salvatrices, aux tournures destructrices | Boire à outrance, danser le diable au corps, tirer une clope. Abuser des plaisirs anodins | Ta communauté. Terme respectable désignant ce qui se rapproche plus ou moins d'une secte. Tes piranhas comme tu aimes les appeler | Donner des concerts et recevoir en échange une overdose d'amour, de l'amour pur, brut, transcendant. Nulle drogue ne parvient à rivaliser et te transporter aussi loin. Portée psychédélique puissante.

TU DÉTESTES. Orion, ton bourreau, chaque seconde où il respire | Participer à des galas de charité. La charité c'est le seul argument des pauvres pour manifester leur existence. Pathétique | Les contraintes, les règles, les petits caractères annotés sur chaque contrat. Autant de limites qui freinent ton processus créatif | Te retrouver en deuxième place. Sous quel prétexte ? Intolérance susceptible. Urticaire mental | Découvrir que ton équipe de communication a liké un post d'Hyperion. Trahison. Disgrâce. Heureusement Jerry va te réconforter en te racontant une blague salace dont il détient le secret | Les effets secondaires de ta mutation, peau froide et bleuâtre quand la déshydratation paralyse ton corps. Faiblesse exécrable. Less than perfect is death | Entendre des reprises de tes chansons et devoir t'en émouvoir publiquement. Entendre des critiques de tes chansons et devoir les remercier poliment. Pulsions meurtrières | Toutes les conquêtes de Teddy, hommes ou femmes, aucune différence, aucune tolérance. Jalousie impute lucidité, colère ronge et gronde | Le champagne de bas de gamme, impression de boire la sève du petit peuple. Tu mérites l’élixir de l'élite, rien d'autre | Avancer dans l'âge. L'idée de vieillir te rebute. Si tu n'avais pas d'emprise sur ce processus, tu préférerais mourir jeune et belle, à jamais immortalisée au rang de divinité | La politique et par extension les dîners interminables où Siren devient un faire-valoir, un accessoire à la mode que les convives aiment peloter. Envers du décor peu reluisant | L'emprise d'Icarus sur ta vie, sensation perpétuelle qu'elle ne t'appartient pas. Évidence longtemps niée, excusée, justifiée. Et pourtant chaque jour il te rappelle à quel point tu as besoin de lui | Perdre des proches. Difficulté à compléter les étapes du deuil. Rupture atroce. Impossible de les récupérer, les forcer à t'aimer de nouveau.

LE CORPS MUTANT

THE MERMAID

Type de mutant. Blue Blood.
Âge de la première déchirure : 13 ans.
Mutation : Tantôt décrite mi-oiseau, tantôt mi-poisson, la Sirène demeure une créature hybride. Double forme, double visage. Autant de noms que de représentations. Nixie en Allemagne, Rusalka en Russie, Naga en Inde, Vouivre en France. Légende traverse les époques et les contrées. Rêve ou cauchemar ? Le chant est de mauvais présage, annonce les catastrophes pourtant la fascination demeure. Véritable paradoxe.

LE CORPS HUMAIN

PARTICULARITÉS PHYSIQUES - - -
☼ Chirurgienne de renom, tu t’offres un coup de bistouri toutes les nuits, dès que tu t'alimentes sur une proie. Repas savoureux te permet de prolonger ton espérance de vie. Le temps n’est plus un ennemi, à peine un adversaire de taille. Face à toi, il ploie l'échine, t'observe mentir à la face du monde. Prétendre que l'amour de tes adorateurs est l'ingrédient ultime de ta beauté magnétique figée pour l'éternité. Jeunesse en guise d'offrande.
☼ L'encre parsème ta peau, raconte ton histoire mais ce tatouage reste le plus important à tes yeux. Il représente ton lien immuable avec ton meilleur ami, Teddy. Et chaque fois que tu effleures l'avant de ton bras, tes pensées te ramènent vers lui, vers vous. Une façon de le garder à tes côtés, peu importe où tu te rends, avec qui, pourquoi. Y'a la promesse de ces retrouvailles à venir comme le serment prononcé : pour toujours et à jamais. Même la mort ne saurait vous séparer.
☼ A défaut d'avoir l"attirail complet du specimen, palmes et branchies ou encore queue de poisson, tu possèdes les écailles. Composition similaire aux créatures marines, résistance maintes fois prouvée, leurs teintes varient selon la luminosité. Bleues sous le reflet de l'astre argenté ou violettes à la lueur du jour, dans l'eau elles deviennent roses et fluorescentes. Aussi hypnotiques que tes prouesses vocales, tu livres ce spectacle en petit comité seulement. Privilège à mériter.
☼ Stars have scars Parce que le métier de super-héroïne te propulse souvent au devant du danger, de nombreuses cicatrices ornent ton corps. Discrètes et légères compte tenu des blessures, tu dois leur guérison sensationnelle à ta capacité de régénération qui augmente considérablement sous forme hybride. Néanmoins tu conserves une marque des méfaits. Un rappel constant de ta vulnérabilité, ton humanité. Fatalité illustre à merveille les failles de ta condition.

APTITUDES PARTICULIÈRES - - -
☼ Les larmes coulent sur commande. Des litres fictifs ou quelques gouttes parsemées. Tout dépend de l'intention, la situation. Talent développé au rythme des répétitions, comme les lignes d'un scénario tu te fais un devoir de retenir le script par cœur, jouer ton rôle à la perfection. Alors le registre des émotions devient un répertoire où il te suffit de piocher. Joie. Surprise. Indignation. Incertitude. Colère. Besoin d'un éclat de rire ? Tu t'esclaffes sur le champ.
☼ A la base, le chant n'est pas une passion. Juste une distraction. Une habitude. Des fredonnements discrets, anodins. Puis la mutation émerge, le potentiel explose et tu commences à ressentir le besoin de vocaliser de plus en plus souvent. Un réflexe, un automatisme, presque une pulsion insatiable. Certainement un effet secondaire de ton pouvoir. Un mal pour un bien qui lance ta carrière; voix suave et séraphique conquit l'Amérique avant de se répandre par-delà les océans.
☼ Chanter n'est pas suffisant. Icarus réclame davantage, souhaite exploiter la moindre possibilité. Aussi la liste des exigences s'allonge et tu suis la cadence, déterminée à briller dans tous les domaines. Corps poussé à l'extrême, il est amené à réaliser de véritables performances. Plongée en apnée, natation synchronisée, danse classique. Tu dépasses tes limites pendant des années dans l'unique but d'offrir des représentations artistiques de qualité. Et ce, lors des spectacles organisés par Omnivox Média en l'honneur de Siren.
☼ Membre des sept, tu débutes rapidement les entraînements de super-héroïne, apprenant notamment les rudiments du combat. Plusieurs disciplines sont passées en revue mais tu préfères de loin les sessions privées avec Teddy. Il t’initie au karaté, de ses valeurs à ses techniques, t'enseigne cet art martial qui développe ta discipline, ta rigueur, ta concentration. Seuls moments où tu acceptes de faire silence, regarder à l'intérieur de toi pour chercher cette force qui t'habite.  

Les mutants. Les mutants Jour sacré. Tu te prépares à recevoir le sérum, le sublime Vitae. Ta petite dose personnelle d’arsenic. Corps habitué au produit miracle, attend, réclame le contact froid de l'aiguille délivrant la pépite. Mutation constante, génome modifié, nul besoin de prolonger la pénitence pourtant tu respectes le rituel annuel. Parce que le manque est réel, le besoin constant. Recherche perpétuel d'un idéal jamais atteint. C'est la toute puissance que tu vises, la réplique parfaite des lignées originelles. Jalousie rumine en silence, désir tente d'étourdir les limites, effacer les lacunes. Incarner cette divinité des temps modernes. Siren. Quand enfin la seringue vient se planter dans la chair, les veines se teintent d'un bleu luminescent. L'esprit lui, se met immédiatement à divaguer. Tête rejetée en arrière, la nuque épouse le dossier du fauteuil et les yeux se lèvent vers le plafond. Jouissance absolue. Un soupir s'échappe de tes lèvres. Tu vis pour ce moment, l'emprise de cette caresse, l'ivresse de cette frénésie.

Les altérés. Méfiance teinte les prunelles, examine la victime étendue sur la table chirurgicale. En théorie, les opérations se déroulent en toute sérénité. Hormis quelques récalcitrants qui hurlent à gorge déployée car ils n'ont pas reçu d'anesthésie. Pourquoi s'embêter ? Si les mods sont indispensables à leur survie, ils ne sortiront pas du laboratoire en un seul morceau. Alors qu'ils profitent de l'extase, qu'ils sentent la douleur les consumer de l'intérieur, remonter dans leurs nerfs, étreindre leurs terminaisons nerveuses. Jusqu'à bousiller leurs cordes vocales. En pratique, t'es un peu plus soucieuse. Parce que le V² commence à circuler parmi la plèbe, lève une armée d'incertitudes sur l'horizon. Sur demain. Aucune envie de voir le trafic s'effondrer à cause d'un altéré déclenchant une déchirure inédite. Trop d'efforts déployés pour en arriver là. Insuffler un élan de vie, un but existentiel à Teddy. Titiller les idées noires de son génie et les diriger dans une seule direction. Une vengeance élaborée contre Theseus Corp.

La technologie. Confortablement installée dans ta baignoire, tu replaces une mèche de tes cheveux avant de lancer la vidéo. Mousse cristalline épouse parfaitement le contour de ta silhouette, recouvre délicatement la naissance de ta poitrine. Insolence préméditée. Stratégie commerciale. Donner au peuple ce qu’il veut. Une fraction de ta magnificence, un extrait de ta destinée. Nourrir tes petits piranhas qui crèvent la dalle. Juste assez pour qu’ils en redemandent. Tu leur parles, tous les jours. Tu leur parles comme personne d’autre ne le fait. Parce que leur mère ne les aime pas, leur copine est sans cesse tendue, leur frère vient d'avoir une nouvelle altération, même leur chien les ignore. Quand toi, Elvira Wingfield, super-héroïne, membre des Sept, toi tu leur accordes de l'attention, leur donnes un aperçu de tout ce qu'ils ne seront jamais. Tout ce qu'ils rêvent d'être. Et tu leur rappelles sur chacun de tes réseaux sociaux, à chacune de tes apparitions phénoménales, avec ton équipe de communication au travail.

La ville. A la nuit tombée, la cité semble s’éveiller. Les lumières artificielles illuminent les rues bondées, balaient les hésitations, atténuent le poids de la réalité. Cette dernière s’estompe au fil des ombres grandissant en son ventre. Les monstres se révèlent, les uns après les autres mais ce soir, tu ne t’ajoutes pas à l’addition suave. Démon mis de côté, ange déploie ses ailes. Pendant que ton frère se pavane au théâtre de Solaris, tu te rends à ton propre événement. Concert à ciel ouvert, devant la mairie. Lieu emblématique de New-Blossom. Opération symbolique. Hommage aux victimes de la guerre civile; hécatombe ayant rasé la ville vingt ans auparavant. En leur honneur, une chanson écrite. Chanson pour Elijah, pour Valkyrie. Chanson pour les oubliés, les raflés, les dommages collatéraux d'une lutte faisant toujours rage quelque part. Dans le cœur des survivants, des impuissants. Ce soir tu peux laisser les artifices de côté, les larmes illusoires car il te suffit de fermer les paupières pour te retrouver au cimetière de New-York parmi les cendres d'autrefois.

L'appartenance

Icarus Phenomenon, le fossoyeur.
Le p è r e de l’évolution humaine.
Le début de la fin.

i am the monster you created

In this waking nightmare where all dreams come true, you searched for control, a way to pull through. But in darkness they came, through stormy black seas. They raided these shores. Do you still hear the screams ?

1993 / 7 ans Ce grand couloir blanc te file la chair de poule. Aucune décoration pour le rendre chaleureux. Aucune plante pour lui donner l’air humain. Aucun tableau pour adoucir ses traits austères. Pourtant vous faîtes souvent de la peinture en ateliers mais vos œuvres n’ont pas le mérite d’être accrochées aux murs et vous offrir, l’espace d’un instant, la douceur promise. Ce couloir te fait toujours le même effet mais tu ne t’en rappelles pas car derrière la porte rouge c’est le début de la fin. Là où les pages de l’histoire sont réécrites. Là où les souvenirs disparaissent d’un simple geste, à peine un frôlement. Quand un évènement désastreux se produit et impacte l’un des sujets de l’expérience, il est nécessaire d’établir une reprogrammation. Icarus veille à ce que tous les participants en bénéficient pour le bien de l’expérience. Cette dernière est tout ce que tu connais depuis ta venue au monde. Programmée des années auparavant, elle résulte de la volonté de créer une nouvelle génération. Des enfants destinés à devenir des mutants aux prouesses spectaculaires, capables de rivaliser avec les légendaires originels. Ambition démesurée prend place dans un bâtiment caché du public. Car jamais personne ne doit découvrir le terrible secret de la corporation ; les dommages collatéraux des essais cliniques ou encore les traumatismes empilés comme des cassettes vidéo. Innocence bafouée au profit de la science. Le fossoyeur s’assure du bon déroulement de l’étude jusqu’à ce les cobayes soient prêts à entrer en jeu : prendre leur place dans le monde. Place réservée par sa majesté des monstres.

1995 / 9 ANS Le silence. Aucun bruit, aucune tonalité, pas même une vibration. L’eau est calme, elle t’enveloppe, te berce, te protège. Entièrement immergée, tu la devines partout autour de toi sans pour autant la sentir contre ta peau. Quelle étrange sensation. Impossible à décrire avec des mots. Juste le sentiment d’être en sécurité, à ta place. Au fond de cette baignoire. Tu n’entends plus les battements de ton cœur. Tu n’entends plus rien. Et c’est apaisant. Quand le monde lui, t’étouffe en permanence. Tous ces bruits, ces visages, ces questions. Ils sont apparus du jour au lendemain. Tu t’es juste réveillée dans ce lit, dans cette vie, une couverture posée sur tes épaules, un couple près de ton chevet. Ce prénom qu’il répète en boucle. Le tien ? Certainement. Peut-être. Tu ne sais pas. Les souvenirs sont flous comme une nappe de fumée à l’orée de ta mémoire. Plus tu cherches à la disperser, plus elle prend de l’ampleur, un brouillard opaque se forme alors et tu as peur de ce qui pourrait se passer si tu le traversais. Tu as peur de te perdre en chemin. Perdre tes parents, perdre ton frère. Un regard et tu as voulu t’élancer vers lui mais il a reculé. La moue dégoûtée défigurant ses traits candides. Quelque chose cloche toi. Forcément, sinon pourquoi te fuit-il ? Pourquoi te méprise-t-il ? Pourquoi te fait-il du mal ? Orion te rattache à la réalité. Avoir mal c’est ça la réalité. Et quand les deux minutes sous l’eau sont épuisées, quand la réserve d’air de tes poumons te supplie de remonter à la surface, tu agrippes tes mains aux rebords de la cuve pour prolonger le supplice. Parce que la douleur, c’est la seule certitude de ton existence incertaine.

1999 / 13 ANS Ils parlent d’un privilège, d’une véritable chance et tu les crois. Confiance attribuée. Petite fille docile s’installe sur le divan, écoute attentivement, panique. Les intestins brûlent de l’intérieur, transpirent la peur. Incapable d’articuler une syllabe. Encore moins de comprendre ce qu’il t’arrive. Pourquoi tu ne parviens pas à te détendre ? Les paupières se mettent à clignoter. Mécanique enclenchée. Réminiscences inconscientes. Tu peines à te contenir, retenir les larmes au bord des cils. Heureusement, la paralysie t’empêche de partir en courant. Immobile, même tes yeux ne bougent pas, ne peuvent pas trouver ceux de ton frère et s’y greffer jusqu’à la fin. Ton ultime constante s'effondre et tu angoisses, cherchant une autre échappatoire. Détresse trouve réconfort au croisement de tes pensées. La voix, le parfum, le rire familier d'Edward bombarde ton esprit. Meilleur ami apparaît comme une évidence. Et d'un coup, le reste n'a plus aucune importance. La seringue passe les couches de ton épiderme, s'enfonce dans le tunnel veineux de ton organisme afin de livrer le sérum en sécurité. Il découvre son nouveau terrain de jeu, parsème ses nuances de bleu à chaque recoin, ses fragments magiques au cœur de ta génétique. Tu as l'mpression de revenir à la vie pendant qu'il s'établit en périphérie. C'est vertigineux, la gravité change, le sol se mouve, ondule sous tes pieds. Nouvelle dimension. Nouvelle direction. Icarus te montre la voie à suivre et ta propre voix se sublime, se transforme. Déchirure annonce l'horreur du sacrifice, la valeur de la dette à rembourser.

2001 / 15 ANS La fourchette grince sur la porcelaine de l’assiette. Plat fini en quelques minutes seulement, tu te languis de quitter la table, retrouver celle de la famille Thorpe à la nuit tombée. Place réservée tous les vendredis soirs, 20 heures pile. Récompense obtenue d’un comportement exemplaire. T’as réclamé le siège entre Edward et Elijah pour être au centre de l’attention, leur attention. Même pas besoin d’utiliser ton pouvoir afin de l’obtenir. Enfin tu crois, difficile de faire la différence désormais. Parfois tu ne t’en rends pas compte. Caprices dangereux depuis les lèvres gracieuses. Les tiennes sont moins nocives que les siennes. Orion. Billes rivées sur lui, en conflit perpétuel avec vos parents. L’ambiance à la maison est presque étouffante. Neanmoins, habituée à cette tension permanente tu observes la scène, passive. « Levez-vous et allez vous jeter du haut du balcon, je vous prie. » Quoi ??? Le cerveau capte l’alerte, le corps manifeste l’urgence. La chaise balancée d’un mouvement balaie le parquet lustré et tu bondis sur ton frère, l’instinct prédominant. Malgré ses 18 centimètres supplémentaires, il bascule au sol dans un fracas équivoque. La suite des événements est une dissertation de tes craintes, un vomi de tes sentiments. Tu n’ordonnes pas. Tu exiges. Tu ne parles pas. Tu hurles. Tu l’hypnotises avec tes tripes. Là où réside ta peur de l’abandon. Une peur viscérale. Une peur qui déploie la portée de ta mutation. Elle combat farouchement, remporte la lutte, marque le début d’une nouvelle ère. Siren est née ce jour-là.

2004 / 18 ANS L’attention médiatique est insolite mais elle ne te dérange pas. Voilà un an maintenant que tu représentes Icarus devant les caméras, dans les rues, à chaque apparition de ton alter ego. Membre des sept, famille royale montée de toutes pièces. Fascinante et spectaculaire. Produit mis à la vente rapidement, déployé aux quatre coins du globe par le biais d’Omnivox. Une victoire jalonnée d’infimes sacrifices. Tu ne t’en plains pas. Jamais. Faire bonne figure. Toujours. Sourire tatoué à même les lippes veloutées, il doit être léger, subtil, envoûtant. Représenter ton personnage. Représenter ton image. Aucun contrôle sur cette dernière, elle appartient au fossoyeur. Le volume de ton rire, la longueur de ta robe, la profondeur de ton décolleté, la couleur de ton vernis, la cassure de ton poignet. Droit de regard dépasse le raisonnable. Ce n’est pas inscrit sur le contrat, non. C’est plus vicieux, redoutable. Des remarques, des suggestions, des conseils. Tu en as besoin Elvira comme tu as besoin de Sloane. Assistante d'attaché de presse. Collègue, amie, amante, tu brûles les étapes pour l'avoir car au milieu de l’hystérie de ta vie, il te manque l'essentiel. La stabilité, la fraîcheur, l'authenticité. Une ancre. Hélas la béatitude des premiers mois se heurte aux manigances de ton abominable frère. Tu ne vois rien venir car il semble heureux avec Clay. Heureux n'est pas un mot pour le définir. Heureux n'est pas un mot qui peut lui suffire. Ça ne lui suffit pas, d'être MegaMind, d'être Orion Wingfield, d'être glorifié par le monde entier. Il veut ton bonheur aussi et il l'obtient, le brise entre ses mains, son esprit.

2006 / 20 ANS Tu quittes le plateau de télévision en trombe. L’émotion monte, grimpe, te lacère les poumons, menace de se changer en larmes. Vite la loge, la porte, la serrure. Crise d’angoisse t’empêche de respirer, la main tremble, ouvre péniblement le robinet, enfonce le bouchon de l’évier. Quand l’eau arrive finalement à bonne hauteur, tu plonges la tête dedans. Pour hurler, étouffer les hurlements présents le long de ton œsophage, entassés depuis la guerre civile. Depuis les cadavres, les corps, les cauchemars. Le public pleure Valkyrie, toi tu pleures Alice, morte. Le public réclame Ladyhawk, toi tu réclames Bonnie, partie en Egypte. Le public aime Wolfman, toi tu n’aimes pas voir Jeremiah malheureux. Y’a un décalage tellement grand entre la fiction et la réalité, tu n’arrives plus à le supporter. Sans mentionner Theodore, la terreur. Sans mentionner Orion, le monstre. Sans mentionner Icarus, le responsable. Tout s’effondre et cette fois tu ne peux même pas te raccrocher à Teddy. Il s’éloigne de toi, chaque jour un peu plus. Parce qu’Elijah n'est plus bordel. Tu hurles à t’épuiser, les paumes placardées de part et d’autre du lavabo, les doigts crispés. En quête de la sensation d’antan, d’avant. Celle de ton enfance. Le silence, la paix. Putain d’arnaque. Trois minutes que tu attends. Trois minutes que tu retiens ton souffle. La courbe de l'échine se débat, fuit la menace de la noyade. Si seulement tu pouvais te forcer à continuer mais tu finis par céder, t'effondrer à terre, cracher l'eau ingurgitée. Et tu restes là, recroquevillée, trempée, en proie à une douleur incommensurable. Avoir mal. Avoir mal c'est ça la réalité, tu te rappelles ?

2009 / 23 ANS Elle est trop douce, trop fragile Arcelia. Poupée de chiffon prisonnière des griffes du vautour. Prochaine cible pulvérisée, victime enterrée. T’as ni l’envie de t’attacher, ni la force de l’aimer et la perdre en retour après avoir fait le deuil de ton humanité. Unique moyen de tenir le coup. Accepter de descendre en enfer, voilà ce qui te permet de rester au paradis. Être la pire version de toi, voilà ce qui te permet d'inspirer le meilleur à ta communauté. C’est complètement tordu et ça fonctionne. Recette miracle, contradictoire, pas tellement : accepter, lâcher prise, incarner, insuffler. Ce sont juste des mots et tu les maîtrises à la perfection. Ils répandent la vérité, ta vérité, forment des idées dans la tête des gens, tes idées. Rédemption ou perdition, elles constituent une seule entité. T'as sauvé Teddy de l'abîme en donnant un nom, un visage à sa déprime. Il est revenu dans tes filets et tu ne le laisseras plus jamais t'échapper. Installée à ses côtés, champagne coule à flot, musique tambourine, vous collectionnez les soirées, les fêtes, les excès. L'obscurité vous aime et vous l’aimez de façon démesurée. Relation parfaite, toxique. Duo épique, inséparable. Amitié dont la profondeur est cachée du public, de ton frère surtout. Tu sais comment il fonctionne. L'horreur derrière les faux-semblants de sa romance. Un conte de fées où le méchant de l'histoire est également le héros, retient captif le prince charmant. Marionnette complètement écartelée, identité jetée, remodelée. Vaines tentatives de le libérer, l'emprise se veut prédominante. Ne te reste qu'une option : élaborer une vengeance à la hauteur de MegaMind.  

2014 / 28 ANS Escortée par des gardes du corps, tu te fraies un chemin à travers la nuée de photographes présents à l’aéroport de Berlin. Ils ont littéralement pris d’assaut l’endroit pour récolter les premières images, les premières réactions de Siren. Elle ne cherche pas à dissimuler sa peine. Ta peine. Oh non. Tu te fais un immense plaisir de laisser quelques gouttes d’iode garnir ta magnifique peau. Un bref aperçu du chagrin qui te tourmente suite à l’annonce de l’accident. Quel horrible accident n’est-ce pas ? Ton frère, étendu sur un lit d’hôpital, en train de récolter le fruit de sa misérable existence. C’est absolument splendide. Des années d’attente, des mois de préparation, des semaines de finition. Plan parfait. Pantin trouvé. Planning calculé. Il doit être mort à l’heure actuelle. Il l’est. Suicide anodin que personne ne mentionnera. Tu t’en es assurée. Seul Orion bénéfice d'un coma forcé. Il est en vie parce que tu le veux. Mort tu ne peux l’atteindre, lui rendre sa généreuse affection. Son bonheur dépend de toi. Et jamais, il ne sera heureux sans ton accord. Jamais. L'avion finit par décoller, te ramener près de l'infirme, de la foule qui t’attend à Philadelphie. Tournée mondiale mise en pause. Après avoir chanté pour des millions d'adorateurs, tu te produis dans des spectacles à couper le souffle. Nul ne s'imagine à quel point. Même Clay ne se doute pas que tu es la raison de sa libération. Impatience crépite, murmure à ton oreille. Tout ce qu'il te reste à faire c'est de siroter ton verre et attendre que le plus majestueux des tours de Megamind s'effondre sous tes yeux. Rivale un jour, rivale toujours.

2018 / 32 ANS Depuis l’inauguration de la ville, la présence des Sept est principalement concentrée à New-Blossom. Criminalité se déploie, débauche se propage au milieu des nuages où l'élite gouverne le ciel. Pourtant ce n'est pas au plus près de l'azur que tes vices profilèrent comme une maladie mortelle. Cadeau offert par Teddy, l'Eclipse est ton royaume. Reine de toutes les couleurs et tous les motifs, tu y passes la majorité de ton temps alors qu'un palais sillonne l'Aerium. Véritable emblème de la puissance d'Icarus, construit afin d'accueillir ses précieux joyaux. Autrement dit, les garder au sein de cages dorées, bichonnés par des esclaves maltraités. A ce jeu-là, tu es bien meilleure. « Est-ce que tu m'aimes Jerry ? » Recrutement de grande envergure, recherche de la perle rare. Un candidat capable de te survivre. Un assistant capable de (te) combler. Le dernier ayant fini par se taillader les veines. « Est-ce que tu mourrais pour moi Jerry ? » Les questions sont élémentaires, les réponses évidentes. Ta mutation se tient tranquille, contemplant l'oeuvre de ton esprit. Besoin d'un fidèle serviteur. Non d'un jouet que ton frère peut casser à la première opportunité. « Je veux que tu retiennes ta respiration jusqu'à ce que tu t'étouffes. » Il s'applique, c'est admirable. Même quand les bulles se multiplient, sa tête reste dans la bassine. Tu devines le moment où ses poumons se remplissent d'eau car son corps se met à gesticuler. Vision délicieuse d'un pouvoir plus incroyable que ta voix, que ton nom, que ton alter ego. Le pouvoir de l'amour. Et tu engages Jerry pour qu'il t'aime. Qu'il t'aime à en crever.

2025 / 39 ANS La fin de l’interview approche. Ton regard croise celui de Sloane. Juste une seconde. Juste pour qu’elle aperçoive le drame qui se prépare en amont. Tu te retiens d’afficher un sourire carnassier lorsque son visage se décompose depuis les coulisses. Bouche remue le couteau, titille la cicatrice laissée par ses soins. Cœur marqué au fer rouge par le rejet, la rupture. Malgré tes nombreuses conquêtes, la douleur perdure et peut-être que tu aimes bien la sentir. Peut-être que tu aimes bien te rappeler de son odeur. L’odeur des jours heureux. Avec elle. Sans elle. Attachée de presse des Sept, gestionnaire des crises, ravageuse des scandales, l'ultime arme contre la folie meurtrière des monstres déguisés en super-héros. « Je file le parfait bonheur avec Teddy Thorpe. » Et là, tu balances l’assaut, d’un simple gémissement. A peine une bombe posée à terre. Explosant à la figure du fossoyeur, du frère. Liberté prise en dépit des circonstances. Ta liberté. Ton image. Ton mensonge. Conjugué au pluriel, il révèle l’entrée de tes noirs secrets. Double vie menée à la vue de tous. Dans cette boîte de nuit qui danse selon ton code de conduite. Où tu emmènes régulièrement ta poupée de porcelaine, Arcelia. Elle joue son rôle à merveille. Princesse de glace que le public s'arrache furieusement. Pendant que tu jouis de ton empire, te délectant de voir ta moitié kidnapper, torturer, rafler les enfants de Theseus Corp. Éventrer les entrailles de l'entreprise comme tu t'appliques à dévorer les boyaux d'Icarus Inc. Pourvu qu'il resserre ta laisse. Pourvu que tu aies mal. Car c'est bien la seule preuve de ta réalité détraquée.