Here comes Bob the Builder (Dale)

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BOB THE
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Drums keep pounding a rhythm to the brain. We still need a song to sing.

(Britney Spears) (icons. inkmarrows)

Qu’est-ce qu’il marmonne ? Dani a peur, un instant, qu’il refuse finalement de lui montrer cette fameuse photo. Alors qu’elle n’en voulait pas la seconde d’avant. Maintenant qu’elle peut lui échapper, Dani s’inquiète. Mais il se met à chercher sur son téléphone, alors c’est plutôt bon signe. Même qu’il consent à réfléchir à sa nouvelle question. Depuis quand dure leur idylle. Elle l’observe réfléchir (ou plutôt faire semblant de réfléchir), comme si cela faisait une éternité ou qu’il n’était pas du genre à retenir les dates anniversaires. Le longtemps n’est pas encourageant. Puis finalement, le mois, l’année, même le jour sont donnés avec une certitude si précise que Dale ne peut pas s’être trompé. Il sait et elle, elle sourit d’avoir découvert son secret : il est romantique (et amoureux). “Ça commence à faire longtemps !” qu’elle commente. La seconde d’après, elle découvre leur bonheur étalé sur le téléphone de Dale. Et Jin. Un sourire immense, éblouissant, une frange attendrissante. C'est qu'elle retiendra de lui. “Vous êtes adorables !” Elle le pense. Les trouve rayonnants, heureux, d’être réunis pour l’anniversaire de Dale. “Vous avez l’air de beaucoup vous aimer.” C'est le cas. Comment ne pas le voir ? “Je suis contente pour toi, Dale, tu le mérites !” Et c'est à son tour d'être interrogée sur ses relations. Enfin, sa relation. Et instantanément, Dani sourit encore plus grand, encore plus fort. Avant le rictus ne soit soufflé en un rien de temps.

Ça ne l’intéresse pas. Mais il a posé la question. Et elle, ça la fait froncer. Perdue dans ce double discours. Elle ne sait plus si elle doit répondre ou pas. Sauf qu’elle n’aime pas les blancs, les vides, les creux. Alors, elle s'élance. Comble tous les trous qu’elle voit avec cet enthousiasme démesuré, presque enfantin. “Oui ! Archie. Enfin, Archer, mais on l’appelle Archie parce que c’est mieux, non ? Sinon j’ai l’impression d’être sa daronne et de le disputer.” Dani fait les questions et les réponses. Déjà habituée à l’humeur taiseuse de Dale. Elle sait qu’il ne faut pas attendre un avis particulier de sa part, si ce n’est un grognement. Et elle poursuit, ne laisse pas de place à l’air. “Il est incroyable ! Je te proposerais bien de le rencontrer, mais je crois que tu ne l’aimerais pas. Il est très snob avec les gens qu’il ne connaît pas.” Dani en sait quelque chose. Il l’a été avec elle, longtemps. Alors que dans le Metaworld, il s’était métamorphosé. C'est de cette version dont elle était tombée amoureuse. “Mais il adore les animaux et quelqu’un qui aime les animaux, ça ne peut pas être quelqu’un de mauvais !” Un raisonnement logique et parfaitement fondé. Elle continue sur sa lancée. “Il a grandi dans l’Underapple, d’ailleurs ! Il y a encore toute sa famille ici, mais il n’a jamais voulu me les présenter… c’est bizarre, non ?” Elle s’arrête un instant. Elle prend le temps de réfléchir à la situation. Avant de hausser les épaules. “Remarque, je ne lui ai jamais présenté mes parents non plus…” Pour d’autres raisons, il est vrai. Reste quand même qu’il ne les a jamais vus, qu’il ne les verra peut-être jamais

“Enfin bref !” Dani secoue la tête. Pose son regard de nouveau sur Dale. Elle en a fini avec son monologue. “Pourquoi tu poses des questions pour dire ça ne t’intéresse pas juste après ? T’es pas obligé de m’en poser, si tu ne veux pas savoir.” C’est toujours simple avec Dani. Elle aurait pu s’en remettre, s’il ne l’avait pas interrogée. “Faut pas te forcer.” C’est la pire chose, pire encore que de ne pas discuter avec elle. Elle a un léger sourire, un bout de taquinerie sur les lippes. “Et ce n’est pas comme si ça allait m’empêcher de te parler pendant dix minutes…” Exactement comme elle vient de le faire.

  @Dale Marr  

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Dani se rappelle de sa mère qui lui disait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche. De ne jamais prononcer les phrases qui lui viennent immédiatement. De faire attention à ne pas brusquer, ne pas blesser avec ses propos. D'avoir conscience que les mots peuvent être aussi violents que des gestes quand on n’y fait pas attention. Sa mère n’était jamais effarée ni énervée. Elle était toujours compréhensive et bienveillante. Dani aurait dû s’en rappeler avant d’interroger Dale. Elle aurait évité de lui faire baisser les yeux ou de le faire se sentir honteux. Le voilà qui marmonne quelque chose, peut-être une incantation pour la maudire, qu’elle ne comprend pas. Jusqu’aux premiers mots intelligibles. “J’sais pas comment discuter, c’tout.” Les mots tombent. Le diagnostic est posé. Incapacité à discuter. Dani n’est pas médecin. Elle n’est qu’une autodidacte de la communication, de la sociabilité. Et du haut de ses compétences, elle fronce les sourcils. Une grimace étire ses lèvres. Le diagnostic ne colle pas. Dale parle. Discute. Converse. Il a cette aptitude ancrée en lui. Il en est capable. “C’est ce que tu fais là, pourtant.” Peut-être qu’il n’est pas doué ou qu’il a trop peur de déranger. Ce qui expliquerait ses pas en arrière dès qu’il pose une question, ses mots trop rares lorsqu’il parle. Et pourquoi il se concentre autant sur le travail.

Il n’oublie jamais pourquoi iels sont là. Toujours en tête leur objectif. Elle admire sa capacité à rester concentré, elle qui n’est que digression. Sa vie est une patinoire qui lui permet de glisser d’un sujet à un autre, d’une humeur à une autre. Elle n’est pas stable, Dani. Dale l’aide à se focaliser sur un sujet. Aussi chiant soit-il. Elle s’oblige à revenir à la tapisserie, à son odeur humide, à ce mur qui doit être déshabillé. Elle arrache morceau par morceau, s’oblige à la lenteur pour retirer de grands bouts. Une activité manuelle qui exige patience et concentration. Ça l’occupe plus qu’elle ne le pensait. Peut-être même que ça vient apaiser des angoisses qui sommeillaient à l’intérieur. Comme si le cerveau avait enfin quelque chose sur quoi rester bloqué pendant plus d’une minute. Jusqu’à ce que Dale l’arrache à son activité pour parler de lui, de Jin, sans aucune question pour déclencher ce bavardage. Spontanément. Dani retient un sourire. Il sait parler. Il sait même prendre l’initiative et s’intéresser. “Oui, il est vraiment adorable, tu sais. Il veut vraiment mon bonheur… je crois qu’il a peur que je manque parce qu’il passe son temps à m’offrir des cadeaux.” Elle se demande parfois si ce n’est pas une manière d’acheter son affection. Dani ne sait que faire de tous ces présents. C’est trop, mais elle voit dans le regard d’Archie qu’il est heureux d’avoir choisi chaque petite attention. Rien que pour elle. Dans ces conditions, c’est dur de lui dire d’arrêter. “En tout cas, on passe tout notre temps ensemble parce que c’est dur d’être loin l’un de l’autre.” Pourtant, au début, elle le fuyait, le détestait quand iels se voyaient dans la vraie vie. Elle le trouvait agaçant au possible. Et puis, il lui avait brisé le cœur et il était venu s’excuser. Il avait commencé à montrer ses faiblesses. C’est là qu’elle a réalisé qu’elle pouvait l’aimer, qu’elle l’aimait depuis longtemps dans le Metaworld.

Dani tire sur un lambeau, tire encore et encore. Les yeux s’écarquillent en voyant qu’il atteint bientôt le sommet. Un geste trop vif et le papier s’arrache définitivement du mur. Elle le brandit en direction de Dale. Un sourire joyeux, fier, festif, sur les lippes. “Heeeey ! Regarde ! J’ai réussi à faire un grand bout !” Célébrer toutes les petites victoires pour oublier les défaites et les blessures. C'est son credo. Elle en a besoin pour garder son optimisme et ne pas laisser la noirceur la gagner. Cependant, le sourire ne s’installe pas bien longtemps. Il disparaît vite afin de revenir sur un point. “Qu’est-ce qu’il s’est passé avec les parents de Jin ?” Ils n’ont pas dû apprécier ses silences. Tout le monde n’aime pas les silences. Elle en est la preuve vivante. Au moins, elle, elle les vit bien puisqu’elle les comble. Alors que d’autres y voient un problème. À moins que ça ne soit son caractère ? Ce serait honteux. Dale n’est qu’un ours mal léché qui a besoin de temps pour s’ouvrir et se montrer protecteur. Une rencontre ne suffit pas pour réaliser la personne formidable qu’il est. Une honte de laisser un seul repas construire tout un avis. Une honte aussi que ce soit un d’homophobie. Pas en 2026 avec des parents aimants. C’est impossible.

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La fierté dans le sourire qui s’hérisse au coin des lèvres. Elle est heureuse, Dani. A réussi un geste de professionnel. En tout cas, elle en est persuadée. Et elle partage sa joie. Généreuse jusque dans ses sentiments. Ça contamine les lippes de Dale. Elle voit le sourire, timide, léger, mais suffisamment présent pour qu’elle le note. C’est qu’elle est observatrice, la gamine, et que le visage de Dale se transforme totalement dès qu’un rayon de soleil passe dessus. Son appréciation, aussi petite soit-elle, est interprétée comme des félicitations. Vite chassée par un encouragement à poursuivre. Un encouragement ou une moquerie ? Pas d’ombrage sur le visage de Dani. Elle se contente de râler, comme elle sait si bien le faire. Râler, mais avec le sourire. “Laisse-moi fêter ça ! Ce n’est pas tous les jours qu’on arrache un si gros morceau !” Si, tous les jours, quand on en arrache régulièrement et que c’est son métier. Mais pour elle, c’est une grande première. Elle s’applique à plier le papier-peint par terre. Comme si elles allaient en avoir encore besoin plus tard. Tapisserie soigneusement rangée, Dani revient à Dale et aux parents de Jin. Il y a tout de suite un changement d’humeur. Une ombre passe et obscurcit le visage, chasse le rayon de soleil. Dale ne parle pas beaucoup, mais tout se voit sur ses traits. Ils sont finalement plus bavards que lui.

Ce qui suit est laborieux. Il tente d’expliquer un ressenti, une sensation. Un vide. Le vide est la chose la plus difficile à décrire, parce qu’il n’y a rien. Juste de l’air qui ne ressemble à rien, qui ne sent rien, qui n’a aucune texture. Des parents absents mentalement, présents physiquement. Voilà ce qu’elle croit comprendre. Des parents qui ne savent pas aimer, qui n’ont peut-être pas envie d’aimer. Des parents qui ne sont pas à la hauteur de leur fils. “Si tu avais dit quelque chose, ça n’aurait rien changé, tu sais ? Peut-être même que tu aurais fâché Jin.” Un risque qu’il n’aurait pas fallu prendre, de l’avis de Dani. Même si, elle, elle l’aurait pris. Sans réfléchir un instant. “Je crois qu’il y a des parents qui ne sont pas faits pour l’être, qui ne savent pas donner de l’amour et c’est un miracle que leurs enfants s’en sortent bien.” Elle pense à ses parents. Qui ont su donner tout l’amour du monde à leurs deux enfants. Qui ont quitté le Portugal afin de se construire une vie prospère et assurer les besoins de leur progéniture. Anton et Dani n’étaient pas encore né·e·s que déjà ses parents étaient les meilleur·e·s. Elle se sait chanceuse. Elle se sait aussi mauvaise enfant. Elle devrait les remercier pour tous les sacrifices plutôt que de fuir. Dani triture, sans s’en rendre compte, un coin de la tapisserie. Ici et nulle part en même temps. Perdue quelque part dans sa culpabilité.

“Hm ?” Dale a causé, elle n’a rien entendu ou rien compris. Ou les deux. Il a tendance à ne pas articuler, parfois. À croire que c’est un tic, qu’il a besoin de marmonner avant de parler distinctement. Comme un entraînement. “Euh oui… on cause de tout et il écoute. Mais il n’est pas très doué pour ça, alors ça finit souvent avec un câlin et une pizza.” Il sait reconnaître quand il est dépassé par la problématique. Quand c’est le cas, c’est souvent auprès de Cory qu’elle finit par se tourner, parce qu’il est de meilleurs conseils. Mais pour le reste, c’est vers Archie qu’elle va. “Il ne parle pas beaucoup de sa famille, mais je crois que lui aussi, ses parents ne sont pas très bons. Ni même ses frères et sœurs. Il a beaucoup manqué d’amour et ça se ressent maintenant. Mais ça se voit qu’il est plus heureux, plus apaisé et qu’il a trouvé ce qui lui manquait.” Dani ne saurait pas dire quoi. Elle n’est même pas certaine que ça ait un lien avec leur couple. Elle pense plutôt que c’est de vivre à la colocation, dans un environnement chaleureux, joyeux, avec toujours des personnes pour lui montrer qu’il est aimé. “C’est peut-être pareil avec Jin. Il n’a pas les meilleurs parents du monde, mais il t’a, toi, pour lui apporter ce dont il a besoin et lui offrir un endroit en sécurité. C’est important. T’as pas toujours besoin de te dresser face aux autres pour l'aider.” Parfois, c’est même mieux de garder le silence. De juste être là pour la personne qu’on aime pour l’écouter, plutôt que d’être dans la réaction et le conflit pour le protéger. Dale maîtrise le silence à la perfection. Alors, Jin est entre de bonnes mains. “Et si le comportement de ses parents gênait tant Jin, il ne les verrait plus, pas vrai ? Il ne te les aurait pas présentés non plus.” Peut-être que Dani se trompe. Elle ne connaît pas Jin ni sa famille. Tout ce qu’elle a, c’est son regard extérieur. “Donc, tu as pris la bonne décision en ne disant rien.” Elle sourit. Se veut confiante pour deux, lui et elle. Il ne faut pas que Dale s’en veuille ou regrette. Les regrets, ça ne sert à rien. Ça ralentit, ça alourdit la démarche, ça pourrit les pensées. “Tu as rencontré d’autres personnes de sa famille ?”

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Elle aime cette conversation. Ces langues qui se délient petit à petit. Ces confidences qui se font spontanées. Elle aime ça. Ça les aide. Lui comme elle. Ça les pousse à la réflexion. Dale surtout la pousse à réfléchir au sens des relations. À cette notion de mérite. Ça laisse Dani pensive. Elle réfléchit. À Cory. À Liam. À Archie. À elle. Elle réfléchit et oublie où elle est, pourquoi elle est là. Dale a raison, iels acceptent l’amour qu’iels sont persuadé·e·s de mériter. Chacun·e porte sa culpabilité, son manque de confiance. Et ça crée des cœurs brisés, des torrents de larmes, des vies malheureuses. Cory se pense maudit, alors il accepte l’amour de Justin, jusqu’à se marier avec. Justin doit manquer de confiance en lui pour se contenter de l'amour limité et confortable de Cory. Et Liam… Liam pense qu’il causera la perte de son monde s’il se lie à Cory. Puis il y a Dale et Jin. Qui vivent le parfait amour, loin de la famille. C’est préférable parfois. Ainsi, personne ne peut s'insérer dans le coeur pur des uns et des autres et insuffler le doute. Que Jin et Dale vivent leur idylle loin des yeux malveillants, loin des murmures médisants. Ils en seront plus heureux, plus épanouis. La voix grave de Dale la chope en plein vol, l’empêche de rêvasser encore plus. Elle sursaute presque. “Oui, oui, pardon… je ne veux pas te mettre en retard !” L’élève est disciplinée (pour une fois). Se ploie aux règles et aux consignes du maître. Elle tire la langue, elle se concentre pour retirer de nouveau un beau, grand, morceau. Ce n’est pas chose aisée. De se concentrer. Et de réussir à arracher du mur une grande laie. C’est comme si le mur était attaché à ce bout de papier immonde. Comme si on lui retirait une partie de lui. Iels le mettent à nu, chair à vif exposée par l’insouciance et l’innocence de ces deux êtres humains qui ne réalisent pas ce qu'iels lui font subir. Finalement, un reflet de la conversation qui a lieu : les humain·e·se se livrent et dévoilent ce qu'iels ont de plus profond.

La tapisserie capitule sous le geste de Dani. Elle se déchire trop vite, laisse à peine à l’humaine de quoi se réjouir. Elle laisse tomber par terre le papier-peint sans aucune considération. Ce n’est que du papier. Pas la peau de l’immeuble, après tout. Et pendant qu’elle s’essuie les mains sur son bleu de travail, de nouveau la déconcentration. “Pour en revenir à ton truc-là : les gens supportent ce qu’ils pensent mériter…” Les mains ne sont pas tout à fait sèches ni propres, mais elles ne frottent plus contre le tissu. Il ne reste plus assez de concentration pour elles. Tout est focalisé dans la bouche, dans ces mots, dans ce sourire. “C’est peut-être vrai, mais ça va dans les deux sens, dans ce cas.” Pas juste Jin qui considère qu’il ne mérite que Dale (il n’est pas qu’un « que ». Il est bien plus que cela). “Ça veut dire que, toi, tu estimes mériter l’amour fou de quelqu’un et c’est beau parce que malgré ce que tes parents t’ont fait croire, tu sais que tu mérites d’être aimé pour qui tu es !” Et Jin en est la preuve. “Tes parents ne t’ont pas tout pris, en te privant de leur amour !” Et elle sourit. Vraiment. Franchement. Est-ce qu’il se rend compte de ça, Dale ? Qu’il mérite un amour vrai d’une personne qui sait mesurer sa chance de vivre avec lui ? Pas sûre. Mais maintenant, il le sait, Dani le lui a dit. Et elle se retourne vers la tapisserie. Rayonnante de cette vérité, de ce constat qu’elle lui a balancé. Soudainement heureuse de passer du temps avec Dale, à retirer une tapisserie à l’aspect repoussant. “Oh, au fait ! C’est quand ton anniversaire ?” Parce qu’il fait partie de sa vie. Et qu’il aura le droit à un message ce jour-là, peut-être même à plus si elle parvient à en savoir davantage sur lui. Assez pour lui choisir un cadeau qui lui fera plaisir. Sinon, elle demandera à Archie de lui préparer un gâteau et elle le lui apportera au motel. Oui, elle fera ça, Dani. Parce qu’elle l’apprécie de plus en plus et elle considère, elle aussi, sa chance de l’avoir dans sa vie.

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Arrête.
Il est de ces mots qui n’ont pas besoin d’être dit avec colère pour tonner, claquer dans l’air. Il est de ces mots qui font craindre le pire, qui signalent un trop-plein. Dani obéit. Cesse les paroles positives. Observe la silhouette de Dale, en apnée. Elle ignore ce qu’elle a pu dire ou faire de mal. Ce qu'elle n'ignore pas, c'est le reniflement, ce sont les mains qui essuient les yeux. La respiration reprend. Il est ému. Juste ému. Un juste qui représente déjà beaucoup venant de lui. Les épaules relâchent la tension. Le corps veut se mettre en mouvement et fondre sur Dale pour lui octroyer le câlin qu’il mérite (il mérite d’en avoir des centaines). Mais Dale n’est pas un de ses proches amis, avec qui elle peut se permettre cette intrusion. Elle reste donc à sa place et lui offre une échappatoire à ses émotions. D’une date d’anniversaire demandée, avec des idées derrière la tête pour qu’il comprenne qu’il est aimé, qu’il mérite cette affection, que personne ne l’abandonnera. Et il rit. Et c’est presque trop pour qu’elle arrive à croire ses oreilles. Elles la trompent, c’est sûr. Mais les yeux aussi lui crient la même chose. Ils ont vu son visage s’animer, ses traits être secoués par ce spasme. Dale a ri. Et c’est incroyable. Là, à cet instant, il rit et pleure. En même temps. Armure abandonnée au profit de sa vulnérabilité. Il lui fait un beau cadeau. Et elle aussi lui en fera un beau pour son anniversaire. Un cadeau qui vient du cœur. “Parfait, parfait… ça veut dire que je ne l’ai pas loupé !” Elle a même quelques mois pour trouver des idées et lui offrir le meilleur des cadeaux. Plus qu’un cadeau, un rappel qu’il est aimé, qu’il est entouré, qu’il ne sera jamais seul.

Dale gronde. Mais pas d’un grondement terrifiant. Alors, Dani sourit. Une esquisse touchée, touchante. Elle a l’émotion qui grimpe, elle aussi, de le voir ému. Elle les sent, monter jusqu'à ses cils et teinter d'humidité ses yeux. Iels se précipitent tous les deux vers un gouffre d'émotivité, prêt à les avaler entiers. “Je suis désolée…” Les épaules se haussent. Elle l’est. Profondément. Ce n’est jamais agréable de faire pleurer les autres. Même pour de bonnes raisons. “Ma mère m’a toujours dit que les émotions sont plus jolies quand elles sont dehors pour que tout le monde puisse les admirer, comme des joyaux, parce que montrer ses émotions, c’est montrer à l’autre qu’on a confiance.” Dani le pense. Dale lui offre un trésor merveilleux. Chaque larme au coin de ses yeux est un diamant à cueillir avec respect. Chaque larme sur ses joues est un gemme à essuyer avec bienveillance. Les émotions se cristallisent, là, dans ce regard franc, malgré sa rougeur, dans ces gouttes humides, malgré la dureté de la carapace. Et il assume. Elle a ses yeux bleus dans les siens. Il ne masque rien. C'est trop dur de garder la distance. Alors, Dani enfile son masque. Celui du chiot adorable qui pleurniche pour avoir un peu d'attention. Celui de la jeune femme suppliante qui aimerait une réponse positive. “Est-ce que je peux te faire un câlin ?” C’est ce qu’il lui inspire à ce moment-là. Un élan dans sa direction pour apaiser le palpitant, réconforter d’un peu de tendresse. Dale est encore à apprivoiser. Et elle craint de tout gâcher.

  @Dale Marr