the dead don't die | LEO

Tw : nudité

On entend le chant des sirènes; celles faites de néons clinquants et de surdose d’adrénaline. La flicaile s’échappe dans son tombeau de fer sous ton regard qui jauge. Ça te fait bien chier de voir que la caisse déraille direction l’orphelinat; plein sud; mais tu décompresses en te disant que les malheurs n’arrivent pas aux misérables; à ceux qui n’ont déjà plus rien; alors tu soupires; expie ainsi quelques démons malvenus avant de glisser dans une autre ruelle.

(…)

Souvenirs échappés; envolés.

(…)

Le réveil est tortueux; sans douleurs pour une fois, et c’est presque ce qui est le plus déstabilisant. D’habitude; des chimères lacèrent tes entrailles et te rappellent pourquoi rester en vie est parfois le pire qu’il puisse arriver à l’homme. Une souffrance que nul mot ne peut décrire; celle qui troque en réalité un bout de vie, qui repousse la faucheuse.

L’instinct primaire du Caladrius s’est posé ainsi; s’est retrouvé frustré face à un corps qu’il ne saurait guérir; puisqu’il ne saurait mourir.
Un schéma complexe qui pourtant; t’évite d’avoir à hurler de douleur dès les premiers instants d’éveil.

À la blase; cette brume de l’esprit qui s’évapore peu à peu; surtout quand une voix masculine tonne juste à côté. Ce n’est qu’à ce moment que tu réalises que ta peau est rongée par l’abime d’un sol oublié. Chair-goudron; marques noires sur carne opale. Le contraste fait peur. La réalité abime.

- Oh merd-

Une moue à mi chemin entre la terreur et la repentance te fait reculer sur place; fuyant l’origine de la voix comme s’il était le danger du duo.

Encore une foutue insomnie qui se solde sur une putain de nudité que rien n’explique; que tout blâme, toi le premier. Quand tu n’es pas rappatrié d’office pour exhibitionnisme par les flics; tu tombes sur des inconnus qui n’ont pas tous la bienveillance pour offrir l’habit.

Le manteau t’es jeté au visage et tu sursautes presque à son contact; agissant comme un nourrisson qui voit la lumière pour la première fois.

Tu n’as même pas la force ni la conviction d’enfiler le voile de pudeur; bien trop perdu et abattu d’être une fois de plus tombé du nid; mis à nu contre un vulgaire rat de laboratoire. Et dieu que tu te sens crade, en cet instant; sous le regard d’un autre.

- Re… regarde pas

Épuisé; éreinté.
N’a plus le goût à combattre ce qui fait de ton quotidien un enfer. Voudrait presque qu’on l’abandonne là; comme un nuisible; comme une crevure des bas quartiers.

Ton visage s’enlise progressivement derrière son manteau alors que ton corps s’efface; recule jusqu’à trouver un mur comme prison; pour s’y planquer; pour qu’on t’oublie.

La gêne est un mal qui se propage: le genre d’infection qui se transmet d’un simple regard ou geste. Ton malêtre communique de lui même et rend chétif l’aura qui t’oppressais jusque là. Les réveils ne sont jamais de tout repos; ils s’accompagnent de douleurs tellement virulentes que parfois; les nerfs et vaisseaux claquent et battent le rythme d’une maladie chronique. Cette fois: le réceptacle de tes tourments aura le privilège ou la chance de te voir presque indemne: sans museau ensanglanté pour corser les tensions.

Tes paupières se ferment d’elles-mêmes: manquent d’énergie pour veiller à ce qu’une vilaine curiosité ne se retourne pas vers tes faiblesses.

Le manteau sera péniblement enfilé alors que le dos d’un autre est tourné; offert à une vision encore troublée. La nuit sommeille dans tes prunelles d’encre alors que le soleil est à son zénith. Fatigue du damné. Meurtrissures invisibles qui tuent pourtant à petits feux.

- Je-

De l’aide ?

À quoi ça ressemble; une aide qui ne cherche pas à prendre en retour ?

Est-ce que ça a l’odeur de cet imper imparfait ? Est-ce que ça a le calme de cette voix pourtant inconnue.

- J…sais… pas.

Où suis.
Où j’vais.
C’que j’suis.

- On… on est… où ?

Complètement perdu dans ce monde qui tourne trop vite. Désabusé trop de fois par un oiseau malin qui te vole à chaque fois un morceau d’âme pour l’offrir à un autre.

- Jveux rentrer... chez moi.

Oublier que la rue existe.
Oublier les os qui frémissent; le dos qui vrombit à chaque torsion.
La peine d'un corps malade et pourtant sain.