Manège à trois ;; Dani & Cory

TW : crise d'angoisse, Icarus.

Le concours a été annoncé ; et avec, son nom se retrouve dans les urnes.

Une sensation d'angoisse terrible, depuis ; de la difficulté à respirer, à ne serait-ce que faire un pas en dehors du canapé où il s'est allongé pour ne pas juste s'écrouler ; une sensation écrasante contre son poitrail qui l'empêche de bouger, d'avaler de l'air, de penser. Juste cette panique insidieuse installée dans son poitrail et qui n'a de cesse de le compresser un peu plus à chaque instant ; parce qu'il pense à Bonnie, parce qu'il songe à cette absence qui lui tord l'estomac, qui fait si mal au coeur qu'il ne sait plus quoi en faire ; il songe à ce remplacement déjà, à comme c'est bien trop rapide, comme si Icarus avait déjà abandonné tout espoir de voir Bonnie se réveiller. Icarus s'en fout ; Icarus l'a déjà enterré.

Ils sont le soleil ; gare à ceux qui approchent.


Pour cette fois, tant pis. Il a oublié son téléphone chez lui, a tout oublié si ce n'est ce besoin vital de sortir de là où il était prostré, de là où il était à subir la décision d'Icarus ; Liam a besoin de voir quelqu'un qu'il aime, qu'il aurait pas peur de perdre bientôt juste parce que la corporation en aura rien à faire de la balayer du paysage ; y'avait eu déjà Suni, maintenant Bonnie... Et au fond, Liam réalise qu'elles n'ont pas été les seules ; qu'il y en a déjà eu tant d'autres auparavant ; des vies balayées sans se soucier des conséquences ensuite ; sait à présent que ça a été pareil pour lui, ne comprend pas même pourquoi il se retrouve dans ce maudit roaster, qu'il voudrait juste tout détruire à cet instant pour empêcher la machine de projeter son image parmi tout ces gens ; ne veut pas être ainsi aux côtés de June.

Alors, oui, tant pis ; sonne à la porte de cet appartement qui l'a recueilli tant de fois déjà, si bien qu'il se dit qu'il devrait parfois leur payer le loyer pour compenser le fait qu'il y vienne tant ; il a même pas dit à Cory qu'il venait, ne lui a jamais dit qu'il avait besoin de lui ; veut juste... Veut juste les voir, les trois ; en vie, bien, capables de rire et de s'amuser de cette putain de vie remplie de drames pourtant ; il veut voir des sourires qui soient sincères, veut ressentir... Juste ressentir encore quelque chose, d'avant qu'Icarus termine de le broyer, d'en faire une chose si docile qu'il ne saura même plus respirer quand ils ne lui diront pas de le faire.

Ce n'est pas Cory qui ouvre ; mais ça reste un visage amical, l'un qu'il souhaitait voir. "Salut, Dani..." Offre un maigre sourire ; en vérité, c'est à peine un tressautement qui retombe, parce que ce sont leurs sourires qu'il est venu chercher, pas les siens qu'il vient à donner ; c'est à peine s'il tient debout à cet instant, alors, alors, sourire ? Drôle d'idée, quand la figure d'une mère n'a plus sa place dans le quotidien ; quand elle a disparu sous un assaut dont il ne parle même pas de son côté. "Désolé de venir à l'improviste... Je, enfin, j'ai oublié mon téléphone..." Et pour la première fois depuis très longtemps, il ne s'est même pas arrêté pour leur ramener de la bouffe, qu'il a brisé ce rituel parce que, parce que... Il ne sait même pas ; il voulait juste les voir, au plus vite.

S'assurer qu'Icarus ne leur a pas coupé les ailes, à elleux aussi.

MANÈGE À TROIS

When the tears come streaming down your face. When you lose something you can't replace. When you love someone but it goes to waste. Could it be worse? Lights will guide you home. (Wolf Larsen)

Une journée sans travail, c’est un miracle. Ce miracle, elle le doit à sa patronne qui le lui a octroyé par pure bonté. Et parce que Dani l'a demandé. Sans ça, Grace n’aurait jamais insisté pour que son unique employée se casse pendant trois jours de suite. Râleuse, en plus d’exploiter son personnel, il n’y a rien qui va. Heureusement que Dani s'ennuie toute la journée et qu'on attend juste d'elle qu'elle reste derrière un comptoir. M'enfin, quand même
! Il était temps qu’elle ait quelques journées d’affilée sans travailler. Un luxe qui lui rappelle ses années d’études, quand les vacances scolaires étaient si agréables. Une époque bien lointaine. Même si elle n’a que vingt-cinq ans. Et comme ce miracle n’arrive pas tous les jours (le principe du miracle), Dani s’est concocté un programme de qualité. Commençant notamment par une journée avachie sur le canapé, à regarder toutes les émissions et tous les téléfilms diffusés en journée qu’elle ne peut habituellement pas regarder. Le tout avec un buffet de junk food à portée de main. Parce que manger est important.

C’est ainsi qu’on la retrouve plongée en plein cœur d’un documentaire animalier sur les grenouilles d’Afrique. Totalement passionnée par les images, une main dans un paquet de chips, le buste en avant. Il faut tout écouter, tout retenir. Notamment que la grenouille taureau peut mesurer jusqu’à vingt-quatre centimètres. Est-ce qu’elle a regardé autoru d'elle pour trouver un objet mesurant vingt-quatre centimètres ? Bien évidemment. Est-ce qu’elle a eu envie de lâcher son paquet de chips en voyant la tronche affreuse d’une de ces grenouilles ? Il y a des chances, oui. Elles sont horriblement moches. Dani est tellement happée par le reportage qu’elle n’entend pas les pas s’arrêter devant la porte. Il faut que la sonnette retentisse pour qu’elle sursaute et fasse volteface. Comme si la porte allait s’ouvrir d’elle-même. Dani n’attend personne. Alors, Dani imagine le pire : un serial killer dans le couloir. Avant d’appeler la police, il y a un réflexe raisonné qui la pousse à aller observer la personne à travers le judas de sa porte. Ce serait con d'appeler la police pour un type qui veut seulement lui emprunter du ketchup, non ? Quoique. Pas touche au ketchup.

Elle s’approche de la porte doucement. Elle ne veut pas trahir sa présence, même si le son de la télévision l’a sûrement déjà fait pour elle. Derrière la porte, ce n’est pas un serial killer qui l’attend. Même si pour beaucoup, il est le vilain de l’histoire. Dans son histoire à elle, il est quelqu’un de bien. Un ami sur lequel on peut compter, à l’écoute et toujours attentionné. Un ami qu’on aimerait avoir par les temps qui courrent. Alors, forcément, elle déverrouille la porte et l’ouvre à la volée, un “Salut !” aux bords des lèvres. Le ton est guilleret, mais la joie s’efface vite. Ça ne va pas. Ça se lit sur son visage. Ça s'observe dans ses cicatrices. Ça se voit dans son regard. Ça s’entend à ses mots enchevêtrés. Ça ne va pas. La surprise cède la place à l’inquiétude. L’instinct lui fait lâcher la poignée, la pousse à faire un pas en avant. Les bras sont ouverts assez grands pour envelopper Liam dans une étreinte. C’est ridicule. Il est trop grand. Elle est trop petite. Et pourtant, aussi minuscule soit-elle, elle essaye de lui communiquer tout le réconfort dont elle est capable. Assez de réconfort pour le remplir tout entier. Assez de réconfort pour chasser les nuages au-dessus de sa tête.

C’est silencieux, elle n’a même pas prononcé un mot. Il n’y en a pas besoin pour dire qu’on aime quelqu’un et qu’on est là pour lui. En fait, il n’y en a pas d’assez fort pour exprimer cela. Dani laisse les secondes s’écouler. Elle cherche à déceler chez lui un peu de détente, de soulagement. Ou tout le contraire. Un signe qu’il faut en finir avec ce contact. Elle finit par prendre la parole. “T’excuse jamais de venir ici quand ça va mal.” Elle veut qu’il le sache, qu’il l’entende, qu’il le mémorise. Liam sera toujours le bienvenu ici. Cet appartement, c’est un cocon que Dani ne se voit pas garder rien que pour Cory ou elle. Il faut le partager, en ouvrir la porte à toutes les personnes qui en ont besoin. Mais plus que tout, Liam est un ami. Et on ne laisse pas les ami·e·s sur le pas de la porte.

Malgré tout, c'est dur de le voir ainsi. Elle ne veut pas le lâcher parce qu’il faudrait alors affronter son regard triste. Elle n’est pas prête pour ça. Elle le préfère souriant, rieur. C’est tellement plus facile. Mais la vie n’est pas facile. Elle est cruelle, parfois. Elle est douloureuse, souvent. Quand elle lui parle, sa voix paraît étouffée, déformée par l’étreinte. “Tu n’as pas ramené à manger, je vais devoir te garder en otage ici à vie.” Dommage pour lui. Tant mieux pour elle. Dani va pouvoir veiller à ce qu’il se repose, à ce qu’il retrouve sa bonne humeur. Et ce n’est que lorsqu’il aura retrouvé un peu d’éclat qu’il pourra s’échapper. Elle s'écarte enfin et dévoile un sourire léger. Elle fait un pas de côté pour que son prisonnier découvre sa prison dorée. Ici, les punitions sont sévères et consistent à regarder le Bachelor (ou des documentaires animaliers) (elle n'a pas fini celui sur les mochetés grenouilles). Dani en est d’ailleurs la première victime. “Cory n’est pas là. Il devrait rentrer d’ici quelques heures.” qu’elle ajoute. Comme si elle s’excusait d’être seule pour répondre à son appel de détresse. Il n’y a qu’elle et elle ne peut pas faillir. Et elle se retrouve penaude, à ne pas savoir par où commencer. Maladroite, comme si Liam et elle n’avaient pas passé des heures à refaire le monde, assis dans leur salon. Comme si Liam n’était pas le troisième colocataire officieux de leur location. Comme si c’était la première fois qu’iels se voyaient sans Cory.

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Il ne sait plus où se situe sa place, dans ce monde ; c'est qu'on lui a volé le choix de celle-ci. Alors quand les bras de Dani le recueille en leur sein, il a l'impression qu'un bout de réponse se trouve là, près du coeur de la demoiselle ; auprès d'elle, il peut fermer les yeux retenir au mieux les larmes ; pas parce qu'il en a honte, mais parce qu'elles sont la preuve d'un énorme soulagement qu'il ne veut pas laisser s'échapper ainsi ; parce qu'aussi longtemps il se retient, qu'aussi longtemps il lui rend cette étreinte, il a la sensation de retrouver un bout de lui ; et que garder les larmes, c'est permettre à Liam d'exister un peu, parce que ça brûle ses yeux, sa gorge, son être entier... Mais est-ce si grave ?

Il se sent en sécurité ; il se sent vrai.

Dani se rend elle compte du précieux de son existence ? Il doute que non ; elle est juste ainsi. "Merci..." Il en oublie la Tour ; la bataille ; les blessures ; l'hôpital ; les pertes. N'existe que l'amitié à cet instant ; qu'une étreinte rassurante, une qui lui dit qu'il existe en tant que personne ; qu'il a le droit à ses émotions. "Mince... Comment me faire pardonner cet affront... ?" Qu'il souffle contre son épaule, de sa voix étouffée par l'étreinte aussi ; on pourrait percevoir un brin d'émotion encore dans celle-ci, comme s'il se tentait à un sourire mais que s'y risquer, ça serait aussi laisser des larmes s'échapper ; et il ne veut pas. Alors il contrôle le tout encore, chasse l'un et l'autre ; veut juste... Juste être un peu "normal", pour une fois ; ne plus être Jophiel, en vérité. Même quand ils se détachent l'un de l'autre, qu'il plonge son regard dans le sien avant de passer le pas de la porte, de redécouvrir là où il sera retenu en otage jusqu'à avoir su réparer sa terrible erreur. "Ah, tant pis pour lui, il va rater l'occasion de commander avec nous." Pour les multiples commandes à venir, pour se noyer sous la bouffe tout en regardant donc des grenouilles faire des trucs de grenouilles - c'est toujours mieux apparemment.

Liam se défait de sa veste et l'abandonne sur le coin d'un meuble pour voir Pirate qui s'agite déjà - la voix ça trahit jamais - et venir bien assez vite le recueillir sur ses mains, alternant son regard entre Dani et lui. "Je pourrais le gâter en toute impunité..." Cory ne sera pas là pour l'en empêcher, après tout ! Et comme Liam connait son code de carte bleue par coeur... Ca sent l'appartement rempli d'ici peu. "Tu faisais quoi avant que je ne débarque ?" Il entend la télé et tourne enfin la tête vers celle-ci ; penche un peu celle-ci même sur le côté, comme pour tenter d'identifier ce qu'il en est. "Ce sont... Des crapeaux ?" Raté ! C'est bête, une chance sur deux, il était à çaaaa d'avoir l'air intelligent ; à défaut d'être joyeux, il aurait pu au moins avoir ça pour lui.

MANÈGE À TROIS

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“J’sais pas, je vais y réfléchir.” qu’elle articule contre lui. Peut-être que s’il souriait avec son éclat jovial habituel, elle lui pardonnerait tout. Peut-être que le pardon ne tient qu’à ça. À un ami heureux, épanoui. À un ami ayant trouvé sa source de joie quotidienne. Mais elle n’a pas envie de le dire. Parce que ce serait pointer du doigt exactement ce qu’il est venu fuir. Dani ravale la réponse. Dans le fond, elle s'en fout qu'il vienne avec de la nourriture. Tout ce qui compte, ce sont les moments passés ensemble, à avoir l'impression que le monde leur appartient et qu'iels sont invincibles. Alors, pour le moment, elle se contente de garder Liam dans ses bras. Il lui semble tellement frêle, malgré les entraînements. Est-ce qu’il l’a toujours été ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Mais elle se souviendra de cette sensation de Liam contre elle. Elle se remémorera la simplicité de ce contact. C’est si facile d’apporter du réconfort d’une étreinte, de quelques paroles. C’est tout aussi facile de la rompre, de reprendre ses distances.

La porte est refermée, laissant le soin à l’appartement de contenir toutes les angoisses de l'invité du jour. Un logement simple. À peine une pièce à vivre, meublée avec les moyens du bord. Une décoration éclectique. Deux chambres. Une salle de bains. Leur antre. Dans lequel deux humains et un perroquet résident. Dani lâche un reniflement en observant la complicité de Pirate et de Liam. Le perroquet ne fait pas l’unanimité. Dani s’en serait bien passé. Mais il est là. Et Pirate l’aime bien. Alors, elle le tolère. Ce qui ne l’empêche pas de regarder d’un mauvais œil la relation avec l’homme et le volatile. “C’est pas moi qui te dénoncerais, tu peux y aller.” Tant que Pirate ne vient pas lâcher des fientes partout dans l’appartement. C’est à peu près tout ce qu’elle exige. Ah oui, et que Pirate ne s’approche pas de trop près aussi. Si ces deux conditions ne sont pas respectées, il se pourrait que Liam reste plus longtemps dans l'appartement que prévu. À son emprisonnement à vie va s'ajouter une double peine. Il serait obligé de s'installer définitivement dans l'appartement. Quelque chose lui dit que ça ne dérangerait ni le concerné ni Cory.

Y a un truc qui ramène le sourire sur la face de Dani. C’est la mention du reportage sur les grenouilles. Elle lève les yeux au ciel. “Des grenouilles, Liam, des grenouilles ! Ça se voit pourtant !” C’est terrible de ne toujours pas savoir distinguer une grenouille d’un crapaud, quand même, surtout à son âge si avancé (okay, il a un an de plus qu'elle, mais il reste plus vieux). C’est la base de la culture générale ! On ne lui apprend rien à Icarus ?! Par contre, qu’on ne demande pas à Dani de lister les différences. Elle n’en sait pas plus que Liam sur le sujet. Elle se rapproche de l’écran, y colle un doigt gras, pile sous l’un des yeux de l’animal. “Regarde, ces yeux-là, ce sont des yeux de grenouille. Ça ne trompe pas !” Elle se redresse, prend son air le plus sérieux pour enchaîner. Parfaitement équipée d’une armure de mauvaise foi, forgée par les meilleur·e·s dans ce domaine. “Tu savais que lorsque la grenouille d’Afrique se sent en danger, elle saute sur son agresseur et le mord ? Elle peut même pousser des cris !” Les dernières minutes lui ont permis d'engranger de nombreuses connaissances sur le sujet. Mieux encore : elle a vu la terrible attaque de ses propres yeux : une grenouille a attaqué un humain-envahisseur et l'a mordu à multiples endroits. Le climax du documentaire. Évidemment, il y avait une musique épique en fond pour encore plus de tension.

Dani ne poursuit pas son monologue. Au contraire. Elle l’interrompt. Les sourcils se froncent, en réalisant qu’elle pourrait faire une présentation de deux heures sur ces amphibiens sans aucun problème. Merde. Qu’est-ce qu’elle a fait de son jour de congé ? La gravité dans le regard, elle se tourne vers son ami. “Liam. Fais quelque chose. Sauve-moi, par pitié.” Si ça continue, elle va adopter des grenouilles. Plein de grenouilles. De toutes les espèces. Elles s'appelleront Gertrude, Géraldine, Gontrande, Graziella et... non, ça suffit. Elle ne peut pas déjà leur donner des prénoms. À l’aide !

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Il y a une légéreté dans cette appartement qui parvient à apaiser le coeur du super vilain ; qui se sent presque pousser des ailes - mais pas trop non plus, parce qu'Icarus a tendance à les couper - et qui réceptionne Pirate sur son bras, à lui faire les bisous que le volatile réclame ; tout en se faisant un peu happer par la télé, à tenter de deviner si grenouilles ou crapauds... Et son choix n'est pas le bon, indignant Dani ! Et il sourit un peu en la voyant faire, acquiesçant parce que oui, maintenant qu'elle le dit, c'est évident ! Il ne sait pas bien comment il a pu rater ce détail alors que ça semble aussi évident ; et pareil, comment ne pouvait-il pas savoir que ça pouvait hurler, une grenouille d'Afrique ? "Ah ?" Qu'il ose dire, comme demandeur d'en savoir plus (on interrompt pas Dani Duarte dans de tels moments) et la voit s'arrêter d'elle-même... Prépare-t-elle une autre grande information à propos des batraciens ? Non parce que lui en soi, sa seule référence, c'est le Roi dans Shrek quoi... Et c'est pas un crapaud du coup ? Rah, il avait quoi comme yeux ??

Mais c'est un appel à l'aide qui retentit.

Et son estomac se contracte quelques secondes, sous le poids de ce qu'il est venu fuir ; sa bouche frémit, avant qu'il ne parvienne à refouler le tout. "Bien mais alors, pour ça, il va falloir me donner l'autorisation de vous amener ailleurs, m'dame la geôlière." Des cendres vient à naître l'orée d'un sourire qui se fait enfin sincère. "L'opération sauvetage va se passer en extérieur. Au programme... Déjà on va manger au restaurant de ton choix, puis on va... Dans une salle d'arcade. Celle dans le Nexus qui est immense, là..." Il a oublié le nom, oui, mais on lui pardonnera. "Puis on improvise, tant qu'on s'amuse. Pourquoi pas un laser game... Ca fait longtemps..." Il y réfléchit encore...

Mais d'abord il tend la main vers elle.  "Donne moi ton téléphone, que je rajoute ma carte sur une appli." Parce que bah forcément, il a pas pris ses affaires et il leur faudra ce biais-là pour dépenser sans compter (John Hammond style, les dinosaures en moins) et se changer les idées ; à la fois des grenouilles mais aussi d'Icarus. Sans doute finiront ils dans un centre commercial à acheter n'importe quoi pour remplir l'appartement et faire râler Cory... Mais il n'avait qu'à être là, voilà.

MANÈGE À TROIS

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L’appel à l’aide est innocent. Un jeu puérile déclenché par des heures passées à être abrutie par des documentaires. Il est innocent pour Dani, en tout cas. À la lueur qui passe rapidement dans le regard de Liam, ça ne l’est pas tant pour lui. Elle voit ce changement subtil, éphémère, sans réussir à mettre le doigt sur la raison. Faudrait qu’elle creuse, qu’elle comprenne pourquoi il a débarqué avec ce visage. Pour l’instant, c’est juste plus facile de faire comme si de rien était. Parce qu’elle ignore comment aborder le sujet. Parce qu’elle a envie de lui offrir un peu d’insouciance. C’est ce qu’il est venu chercher. Une bulle naïve dans laquelle nager jusqu’à en avoir assez et retourner à son quotidien. C’est ce que Cory et Dani sont. Un refuge quand sa vraie vie l’étouffe de trop. Et iels n’ont jamais rien eu à redire là-dessus. Parce que leur trio a toujours réussi à fonctionner ainsi, à trouver un équilibre stable, sans prise de tête. Toujours prêt à rebondir.

Et Liam rebondit. Il enchaîne et lui dessine le plus beau des plans. Des heures passées en dehors de l’appartement, à écumer les rues de New Blossom, jusqu’à oublier leurs responsabilités et leurs soucis. Pour beaucoup, ce serait puérile. Pour Dani et Liam, c’est une façon de passer du temps ensemble, à profiter de chaque instant. Parce qu’il arrivera bien vite le moment où il faudra discuter de ce qu’il a sur le cœur. Alors, Dani continue de jouer sa partie. À adopter une moue appréciative. Elle n’a pas besoin de trop forcer pour feindre que le programme lui plaît. C’est ça la magie de Liam. Toujours capable d’inventer les meilleurs programmes. “Hm !” Exclamation censée exprimer toute sa satisfaction de voir son otage y mettre du sien. C’est rare de nos jours. “T’sais que t’es le prisonnier le plus coopératif et le plus généreux que j’ai jamais eu ?” Ouais, parce qu’elle a de l’expérience dans le domaine, vous croyez quoi ? Elle aussi peut avoir vécu dix vies depuis sa naissance. Il n’y a pas que Ana et ses histoires monstrueuses. “Pourtant, j’en ai vu des prisonniers en vingt-cinq ans de carrière !” Vingt-cinq ans à bourlinguer sa carcasse à travers une prison. Croyez quoi ? Dani, c’est une vieille qui a déjà tout vu. Ouais, elle a vingt-cinq ans et alors ? Elle est née avec des clés à la ceinture et une ambition unique : celle de veiller sur des prisonniers. Elle rampait dans les couloirs et surveillait les cours de promenade. Faut commencer dès le berceau pour prétendre à la retraite de nos jours ! “J’aime ça !” Ah ça, elle ne va pas s’en plaindre. Dépenser l'argent dûment gagné par un autre est contestable moralement. Ce n’est pas ainsi que Dani a été éduquée. Sauf qu’elle a appris depuis bien longtemps que Liam s’en fiche, que c’est seulement un moyen pour lui de distribuer un peu de bonheur. Et si dans sa générosité, il peut payer une pizza à Dani, qui est-elle pour refuser ? Trop polie pour ça.

Le téléphone est remis à Liam, non sans un avertissement. “Fouille pas dans les messages, hein !” Il ne le fera pas. Elle le sait. Mais c’est plus pour la forme. Elle le laisse même seul avec l’appareil. Dani éteint la télévision et se dépêche de mettre des Converses. “J’suis prêêêête !” Elle est plantée au milieu de la pièce, droite comme jamais. Parée à vivre de grandes aventures. Sans même se soucier que son otage puisse s’enfuir à la moindre occasion. Il ne le fera pas. Il aurait trop peur qu’elle cache des grenouilles dans ses poches et qu’elles le mordent au moindre écart. Tout ceci était prémédité. Hé ouais ! “Tu sais ce que j’ai envie de manger là, tout de suite, maintenant ?” Elle laisse planer le suspense. Comme s’il y en avait réellement un. “D’UNE PIZZA !” Surprise. Qui ne s’en doutait absolument pas ? Hein hein hein ? Levez-les mains ! Personne. Okay. Dani croit toujours être surprenante. C’est raté pour la pizza. Il va falloir se réinventer un peu. “Direction la pizzeria Rossini !” Leurs pizzas sont les meilleures de New Blossom. Tout simplement. Elle jette un coup d’oeil à Liam, quand même. “T’es pas trop regardant sur l’hygiène, hein ?” C’est vrai la pizzeria peut faire peur. Un peu. Beaucoup. Disons qu’il y a de quoi douter quand la semelle colle au sol. Mais c’est ce qui donne ce goût si spécial à leurs pizzas !

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Bout de sourire, à l'entendre ; fait cette moue qui veut dire je sais quand on le qualifie de bon prisonnier, parce qu'après tout son personnage fini toujours par se soumettre dans les films, d'avant que dans le suivant il s'essaye encore à détruire les Sept. Mais il ne doute pas Liam que ça va bientôt changer, parce que le concours a été annoncé et qu'il est dans cette foutue mascarade ; ont-ils si peu d'espoir en Bonnie ? Mais une nouvelle fois, il préfère fuir cette pensée, se concentrer sur ce qui est dit. "J'essaye d'être à la hauteur de ma geôlière !" Et il irait bien pour rajouter que ce n'est pas facile, vu comme elle est forte dans ce domaine (vingt-ans d'expérience qu'elle a dit) et qu'il ne peut que prendre exemple sur son professionnalisme. Mais parce qu'il est encore apprenti dans ce domaine-là aussi, il se fera docile pour savoir comment se rebeller une prochaine fois... Quoique, hors de question d'oublier encore les offrandes habituelles.

Alors il est temps de rajouter sa carte bleue dans une application ; et sourit en l'entendant. "Bien sûr que je vais fouiller !" Non. Mais faire croire que si l'amuse, alors qu'il file directement faire ce pour quoi on lui a confié le téléphone ; et il vient à télécharger l'application de sa banque rapidement pour confirmer le rajout de la carte sur cet appareil-là, histoire que tout soit bien fait pour aller dépenser un centième peut-être de son compte bancaire - mais il se doute que parvenir à l'atteindre sera une tâche compliquée... Il faudra donc compter sur Dani pour ça, parce que lui ne sait pas trop quoi faire de son argent déjà de base, qu'il les gâte parce que justement ça lui brûle pas particulièrement les doigts quoi ; Icarus lui a déjà tout offert pour l'amadouer. "Ah, Cory t'avais demandé de racheter du PQ !" Qu'il dit tout haut, pour faire mine d'avoir lu ses messages, rendant le téléphone à Dani qui pourrait à présent détourner tout son argent si elle le souhaitait... Mais tout comme elle a confiance en lui, c'est pareil pour lui ; et ça le dérangerait qu'à peine en vérité, serait plus embêté si elle le faisait sanas lui demander avant qu'autre chose ; merci Icarus une nouvelle fois, sans doute.

Alors il plonge les mains dans les poches de sa veste, l'écoutant ; et il fait mine de ne pas savoir (une pizza, elle va dire une pizza) ce qu'elle va lui dire... Alors il rit sincèrement pour cette fois, hochant quand il l'entend décider de la direction. "A quel point faut pas être regardant ?" Non parce qu'il y a une échelle de l'acceptable ou non ; et peut-être qu'il serait bien de déterminer à quel point faut pas l'être quoi. "Parce que s'il y a des cafards domestiqués, je pense que je rentre pas..." Il plisse le regard, examine Dani pour savoir ce qu'il en sera ; finalement le prisonnier se rebiffe déjà un peu ? "Enfin, s'ils sont pas domestiqués, c'est pareil hein." Peut-être même qu'il fuit encore plus vite ! "Si non... Ca va, j'imagine." Au pire le programme de s'amuser après sera annulé parce qu'ils seront en train de décéder dans le canapé face à l'intoxication alimentaire du siècle.

L'air de la ville arrache un frisson à Liam ; pourtant il fait pas froid, c'est juste qu'avec ses émotions à vif, il a l'impression d'être plus sensible à tout ça. Finalement il tire sa capuche et propose son bras à Dani pour qu'elle s'y accroche. "Pour compenser l'absence de menottes." Bah ouais, parce que si elle fait à crochet à son bras de sa main, elle est sûre qu'il peut pas partir en courant ! Et puis en prime... "Et comme ça tu pourras nous guider." Après tout, dans son idée, Dani dirigera toute l'opération du jour ; lui a donné les idées, un ensemble dans lequel tailler pour lui donner une forme superbe !

Et avec de la chance, ils vont esquiver les affiches placardées partout d'Icarus.

MANÈGE À TROIS

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TW : mention de petites bêtes qui commencent par la lettre -C

La confiance règne. Toutefois, elle prouve ses limites face à la remarque de Liam, à propos d'une mission PQ. Qui n’existe pas, mais qui pourrait bien ressembler aux messages que les colocataires s’envoient. “Heeeeeey, pas les messages top secrets !” Les deux sont devenus une espèce de vieux couple, ça y est. À s’envoyer des messages pour penser à l'autre de racheter du sel. C’est terrible. En même temps, si Dani a quelque chose plus intéressant à dire à Cory, elle a juste à traverser l’appartement. C’est relativement pratique. Alors, Liam ne peut pas tomber plus juste avec son invention. “Tu vas découvrir qu’on préfère les rouleaux triple épaisseur avec les petits chiens dessinés dessus !” La colocation leur a permis ça : de se rapprocher au point de débattre des heures sur le meilleur liquide vaisselle et quel papier toilette prendre. Des questions de la plus haute importance quand il s’agit de satisfaire tout le monde. Toutes les personnes vivant dans l’appartement ont pu exposer leurs arguments et ont été sondées. À part Pirate. Pirate ne s’essuie pas les fesses avec du PQ. Même si ce serait adorable.

Avant d’assister à ce magnifique spectacle de Pirate au WC, le moment est venu de récupérer son téléphone et de parler sérieusement. Les pizzas. Dans un restaurant dont l’hygiène est un peu douteuse. Quoique. Jusqu’à maintenant, Dani n’a jamais eu de problème. Bien la preuve que tout va bien… ou que son corps ingurgite trop de saletés pour s’émouvoir d’un petit poil oublié au milieu de la sauce tomate (beurk). Par contre, les cafards… Dani serait presque à vomir sur-le-champ. “... je ne suis pas sûre d’avoir déjà vu des cafards chez eux, mais on va éviter. Dans le doute.” Peut-être même qu’elle n’y mettra plus jamais les pieds. Dommage parce que l’équipe est parfaite. Le service aussi. Les pizzas, n’en parlons même pas. Décision est donc prise d’aller ailleurs. Dani avouera-t-elle qu’elle n’a aucune idée d’une nouvelle adresse de restaurant ? Absolument pas. Elle va les faire marcher jusqu’à tomber sur une autre pizzeria à la devanture sympa. C’est son plan et il est infaillible.

À l’extérieur, la différence d’ambiance entre l’appartement et la rue est perturbante. Tout y est plus bruyant, agité, animé. Mais il y a Liam qui propose son bras pour s’y accrocher. Enfin, plutôt pour s’assurer qu’il ne s’enfuit pas à la moindre occasion. Et le guider, ouais ouais. C’est beau de croire en elle. Il y croit peut-être un peu trop. “T'as raison, c'est bien plus sage !” Elle prend les choses en mains. Même si elle ne sait pas où elle va les mettre, les choses. Si tous les artistes savaient ce qu’ils faisaient, leur talent n’aurait plus de secret et tout le monde pourrait reproduire leurs œuvres. Hé ben, Dani, c‘est comme une artiste. Elle est en totale roue libre. Ah tiens, d'ailleurs, ça lui donne une idée. “On devrait organiser une soirée surprise à Cory !” Ça lui vient comme ça. Parce qu’elle voit son meilleur ami travailler et se donner pour tout le monde. À toujours veiller à ce que ses proches et même des inconnu·e·s, avant de s’inquiéter pour lui-même. Et parce qu’il le mérite plus que quiconque. C'est Cory, tout simplement. “Un truc tranquille dans la semaine... un marathon des meilleurs épisodes du Bachelor ?” Elle grimace rien qu'à l'idée. Ça pourrait leur prendre un week-end entier. Qu'est-ce qu'elle ne ferait pas par amour pour lui, hein ?

TW : mention de cafard.

Il y a eu un rire ; parce qu'il n'aurait pas cru découvrir une telle information. "C'est pour ça que j'en vois parfois !" Il saura quoi offrir comme bouquet, un jour prochain ; des roses faites en triple épaisseur avec les fameux petits chiens dessinés dessus ; ça égayerait le salon ! (Non.) (C'est une mauvaise idée.) (Mais il en serait capable.) (Ca reste une mauvaise idée tout de même.) Mais quitte à parler de chose de l'hygiène, autant demander s'il y a des cafards... Et le fait que Dani change finalement d'objectif fait froncer les sourcils de Liam, méfiant soudainement face aux pizzas. "Ou alors on y va et on inspecte ensemble..." Pour savoir ; avoir le coeur net sur cette histoire de sale bestioles !

Mais ils sont dans la rue ; il lui offre son bras pour qu'elle puisse s'assurer qu'il ne s'enfuie pas. Et quand elle s'accroche, ça le fait sourire, met un peu de baume à cette âme usée. Il l'observe, se perd un peu dans l'instant T. "Petite ou grosse surprise ?" Qu'il demande, savoir jusqu'où la démesure peut aller... C'est qu'il a tellement besoin de se changer les idées qu'ils peuvent tout aussi bien acheter une baraque et faire la surprise à Cory en mode "tadam" en disant que c'était pour mettre six chambres entre Dani et Pirate, vu que c'est pas l'amour fou entre eux... Même si Liam pourra jamais comprendre, parce que le piaf est adorable et qu'il pourra sa vie avec ses plumes près de lui ! (Et peut-être qu'il en cache une quelque part dans une de ses vestes.) Alors elle fait bien de préciser. "Ooooh... Ou de nos épisodes préférées ? Comme ça on lui demande son avis sur les nôtres, avant de le laisser nous montrer ceux qu'il préfère ?" Un instant de réflexion. "Enfin, non, mauvaise idée. On va se retrouver à refaire toutes les saisons." Et il souffle un rire, pas moqueur, juste tendre et mutin. Parce qu'au fond, ça le gênerait même pas ; tant que Cory est heureux.

Il réfléchit dès lors ; se dit qu'il peut briller une dernière fois dans son rôle de super-vilain. "Ou alors, on lui fait une surprise ce soir." Il dodeline vaguement de la tête, lueur brillante dans le regard. "Tu disais le PQ avec les petits chiens..." Liam sourit à Dani. "On achète un max de paquets qu'on peut transporter... Et on redécore la chambre avec... Au moins, t'en auras bel et bien acheté, hey !" Il est diabolique ; mais il aidera à tout nettoyer ensuite, bien entendu ; faudra bien, s'il veut dormir à un moment après tout.

MANÈGE À TROIS

When the tears come streaming down your face. When you lose something you can't replace. When you love someone but it goes to waste. Could it be worse? Lights will guide you home. (Wolf Larsen)

Pas la pizzeria. Idée déjà reléguée à un autre jour. Ou à jamais. Maintenant que Liam lui a mis cette pensée en tête, Dani n’a peut-être plus très envie de mettre les pieds dans la pizzeria ou de leur commander à manger. Elle va s’abstenir. Même y retourner pour inspecter ne l’inspire pas. Pas du tout. “Nan. J’préfère pas savoir, Liam. Imagine j’apprends que j’ai mangé des petites bêtes pendant tout ce temps ?” Elle, la végétarienne, manger des animaux. Horrible. C’est tout ce qui l’inquiète. Pas du tout d’avoir risqué quelques intoxications alimentaires ces derniers mois. Remarque, c’est peut-être pour ça qu’elle a un bon apport en protéines malgré son régime alimentaire, hey !

Petite ou grosse surprise. Il y a un moment d’hésitation. Rapport au fait que ces notions sont différentes entre Liam et Dani. Une grosse surprise pour lui est l’achat d’une maison. Une grosse surprise pour Dani, c’est lui organiser une journée avec plein d’activités qui coûtera mille fois moins cher qu’une maison. Alors, faut bien choisir. “Petite surprise !” Bachelor, donc. M’enfin, l’idée entre les mains de Liam commence à prendre des proportions terribles. “Hors de question ! J’ai calculé : il y a vingt-sept saisons, soit deux cent quatre-vingt-quinze épisodes, à raison d’une heure trente par épisode. On en aurait pour… dix-huit jours non-stop.” Ne lui demandez pas à quel moment elle a calculé. Il se peut qu’elle s’ennuie vraiment beaucoup à la boutique. Ce sont des choses qui arrivent. Dans ces moments-là, il est important de faire des calculs qui servent d’arguments pour contrer l’obsession de Cory pour le Bachelor. “Je ne peux pas, Liam. Je n’y survivrais pas.” L’air est grave. Le ton l’est tout autant. Elle l’aime, son meilleur ami. Vraiment. Beaucoup. Elle ferait tout pour lui. Sauf ça. Parce qu’il y a des limites, oh !

L’avantage de Liam, c’est qu’il a toujours des idées. De bonnes idées. D’excellentes idées, même. Envahir la chambre de Cory de rouleaux de PQ. C’est du génie et ça fait beaucoup rire Dani. Elle imagine déjà la tête de Cory. Elle ne se demande absolument pas ce qu’ils feront de ce stock de papiers. Ils en auront pour dix ans à eux deux. Ça, c’est un problème pour le futur. “Tu es machiavélique !” Et à cet instant, il s’agit de la plus belle qualité qui existe. Le regard de Dani s’illumine, une nouvelle idée en tête. Elle tire sur le bras de Liam, déjà excitée à l’idée du plan. “Oh ! Et si on remplaçait ses meubles par des paquets ?” Qui a besoin d’une jolie table de chevet quand on peut en avoir une super moelleuse grâce à deux paquets de PQ empilés ? Je vous le demande ! Il n’y a que le sac de frappe dans sa chambre qui pourrait poser problème… quoique. Une tour de rouleaux de PQ, ça fait l’illusion, non ?

Dani lâche un soupir heureux. La journée s’annonce incroyable. C’est bon. Elle aime les jours de repos, maintenant. C’est sa nouvelle passion. “J’trouve que t’as eu une super idée !” Puis organiser des surprises, c’est la meilleure façon de prouver son affection pour quelqu’un. Autant dire que passer des heures à remplir la chambre de Cory de conneries, c’est une belle preuve d’amour envers lui. Y a plus qu’à voir comment il va le prendre. “Ça nous permettra de mesurer son amour pour nous.” Elle hoche la tête, déjà en train d’élaborer un baromètre des réactions de Cory. “S’il cligne des yeux trois fois, c’est qu’il n’est pas content et qu’il ne nous aime vraiment pas. Ce qui serait étonnant vu comment on est adorables.” Deux petites bouilles innocentes, bienveillantes, aimantes. Y a qu’à voir leur reflet dans les vitrines des magasins. Le duo pue l’adorabilité. “S’il a ce petit sourire en coin, là, mais qu’il veut pas qu’on le voit, c’est qu’il est amusé, mais ne veut pas nous encourager à recommencer. Ou pire ! Qu’il va prévoir une vengeance.” Mais non. Cory ne se vengerait jamais. Il est le plus adorable des trois. Il se contenterait de les serrer dans ses bras et de les remercier pour cette touche de déco très originale. Hein ?

Elle a calculé.
Elle. A. Calculé.

Pour peu il serait admiratif ; puis il se dit qu'en fait parfois Dani s'ennuie vraiment beaucoup et qu'elle devrait le textoter dans ces moments-là plutôt ; il la ramène sur un tournage au pire et il lui montre tout les coulisses... Enfin après, sans ça, il n'aurait jamais su ce que serait un marathon de cette formidable invention humaine. "Est-ce que ça compte toutes les versions ou juste The Bachelor ?" Bah quoi, autant savoir ! Non parce que y'a les versions des autres mondes, et puis la version bachelorette et tout ! Mais sachant que la version féminine a aussi 20 saisons... Elle saura quoi faire la prochaine fois qu'elle s'ennuie.

Mais pas aujourd'hui !

Il faut plutôt trouver de quoi embêter Cory, qu'il rentre en se disant que plus jamais il ne faut les laisser s'ennuyer à deux (sans se dire que c'est en fait né parce qu'ils s'amusaient...) et peut-être même leur interdire d'être seuls à deux à l'avenir. Mais Dani va encore plus loin ; et il éclate de rire en imaginant le tableau. "On met ses meubles où, après ??" Qu'il demande sincèrement, prêt à le faire ; franchement le rêve de faire tout un matelas en PQ (il veut tester de s'allonger dessus réellement) et même que ça pourrait rendre bien ! Alors si Dani résout le souci des meubles... Franchement, ça pourrait se faire si fort.

Et il écoute en souriant, se dit qu'il a envie de tout ça ; plus souvent qu'il ne peut déjà se le permettre. "A-do-ra-bles, même." Il insiste sur ça, parce que tout de même, ils sont la définition même du mot ! Et pour son plus grand malheur, Liam voit très bien de quel sourire en coin il s'agit et sent son coeur se ramollir dans son poitrail ; et parce que c'est dangereux pour tout être humain, il se ressaisit en chassant l'image de Cory de sa tête. "Faudra réussir à le faire craquer pour qu'il rigole. Ca devrait effacer la vengeance de sa tête, si on arrive à lui arracher des rires." Théorie fumeuse ; mais qui voudrait se venger quand on a ri de bon coeur, hein ? Associé au fait qu'ils sont adorables... Aucune chance que ça advienne ! "Et au pire, on accuse Pirate en disant que c'est lui qui nous a dit de le faire." Et Cory n'osera pas se venger de son perroquet, n'est-ce pas ?

Il aurait ce réflexe de regarder son téléphone... Mais ça ne sera pas pour cette fois ; étrange de se retrouver sans rien sur soi, l'impression d'avoir abandonné une part importante de lui ; et si Cory lui envoyait un message, justement ? Mais l'idée de tout les autres l'étouffe bien plus que cette peine-là. "Faut qu'on soit stratégique... Est-ce qu'on essaye de faire livrer une palette chez vous ? Le temps qu'ils le fassent, on peut manger et faire ce qu'on a envie ?" Il se frotte le menton d'une main, y réfléchissant. "Tu préfères quoi, toi ?" Après tout, c'est elle qui va se retrouver avec des paquets de PQ partout ensuite, une fois la blague terminée.

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Parfois, Liam lui fait peur. Suffit d’un rien. Suffit d’un mot. Suffit d’une idée. Suffit d’évoquer les autres versions de l’émission. Et là, Dani a peur. Très peur. Elle s’effraie. Ouvre de grands yeux. Sent son souffle se couper. Non. Elle n’a pas compté ces saisons-là. Non. Elle ne veut surtout pas les compter. Non. Elle n’a pas envie de consacrer une année entière au Bachelor. Oh, elle aime Cory. Vraiment. Profondément. Il est ce qui se rapproche le plus d’un frère. Raison pour laquelle elle accepte de participer à ses soirées dédiées à l'émission. Dani supporte. Par amour. Encore. Toujours. Mais ce que propose Liam, c'est d'aller au-delà du supportable. C’est carrément faire trois milles kilomètres après la limite du supportable. “Je…” Elle perd ses mots. Panique à bord. “... ne les ai pas comptées.” L’aveu est total. L’effroi, aussi. Elle serre le bras de Liam pour attirer son attention, lève ses petits yeux noisette et suppliants vers lui. “Pitié, ne lui donne jamais cette idée, okay ?!” Est-ce qu’on peut faire une overdose de Bachelor ? Sûrement. Dani n’a pas très très envie de l’expérimenter. Elle sait pourtant que c’est ce qui l’attend si elle laisse Cory et Liam lui infliger ça.

Y a des plans plus doux, plus bienveillants qui se profilent. Y a des plans ne nécessitant pas de rester assis devant une télé pendant DES HEURES. De très longues heures. Et ça, Dani, elle adore. Même si cela pose des questions logistiques. Toujours moins pire que le Bachelor, encore une fois. Si vous n’aviez pas compris qu’elle n'apprécie pas l’émission, hein. “On peut les cacher dans ma chambre !” Et après, quand la surprise sera terminée, les meubles iront où ? Le PQ sera stocké à quel endroit ? Bonne question. Dani met des œillères et refuse de se pencher sur ce problème. Elle laisse la Dani du futur s’en occuper. La Dani du futur est meilleure, plus intelligente, plus débrouillarde. Elle trouvera une solution. La Dani du présent ne se fait pas de souci pour ça. Elle est plutôt en train d’anticiper les réactions de Cory. C’est là que Liam est stratège. Faire rire Cory afin de s’assurer qu’il prenne bien le changement de déco, voilà une merveilleuse idée. “Comment ? On l’attaque avec des chatouilles ?” Pauvre Cory. Sa chambre dépourvue de ses meubles, puis une attaque de chatouilles. Trop d’informations en l’espace de cinq minutes. En même temps, qui a eu l’idée de les laisser sans surveillance, hein ? Certainement pas Dani et Liam. Iels sont les victimes dans l'histoire. Victimes de la négligence de leur ami. Voilà la vérité !

Si la stratégie ne fonctionne pas, Liam a déjà pensé à tout. Solution de replis : accuser Pirate. Voici une stratégie qui plaît à Dani. “Deal !” C’est la solution de facilitée. Cory ne pourra jamais en vouloir à son volatile. “Avec ça, y a pas un monde où il va nous en vouloir.” Et c’est ainsi que Dani et Liam se retrouvent en mission PQ. À réfléchir comment faire acheminer assez de paquets à la coloc. Que Dani s’étonne qu’on puisse se faire livrer une palette de PQ chez elle en dit long sur le chemin à parcourir. Si ça ne tenait qu’à elle, elle aurait fait des allers et retours avec le magasin le plus proche. Liam, lui, voit plus loin, plus pratique. “Okay, faisons ça ! Ce sera plus simple.” Beaucoup moins d’effort à fournir. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. Parfois, elle se demande comment elle peut avoir autant besoin de bouger et de faire des choses, tout en ayant la flemme. Elle n’a toujours pas trouvé la réponse. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’elle la trouvera davantage. Elle est plutôt occupée à commander sur internet une livraison de beaucoup, beaucoup, BEAUCOUP de rouleaux de papier toilette. Et en faisant ça, il y a la question de combien faut-il en prendre. Dix ? Pas assez ambitieux. Trente ? Ça en fera à peine assez pour le lit et les tables de chevet. Allez, cent ! Parce que... pourquoi pas. Mieux vaut en avoir trop que pas assez. Au pire, s’il y a un surplus, Liam n’aura qu’à les offrir aux gens. Ça fera une belle action et une belle publicité au super-vilain ! “C’est fait ! Livraison prévue pour quinze heures.” Allez, hop. Problème réglé. Le duo a maintenant du temps libre à occuper. “Ça nous laisse le temps de trouver où manger, de manger et de rentrer ! Ce serait bien qu'on achète des ballons sur la route aussi.” Enfin, s’il existe des ballons qui disent « désolé d’avoir transformé ta chambre en magasin de PQ » ou « Surpriiiiise ! Tes meubles ont disparu ! ». Ils sauront se contenter d’un ballon en forme de perroquet, s’il n’y a rien de tout ça.

La marche reprend de plus belle. La journée est parfaite. Subsiste juste une petite (grosse) ombre au tableau. Il faut encore la chasser une bonne fois pour toute afin que Liam comme Dani passent une belle journée. “Au fait, Liam… tu venais pour quelque chose ?” Elle n’oublie pas son regard en arrivant. Y avait un truc qui le dérangeait, qui le travaillait. Et maintenant qu’ils ont fomenté leur plan, il est temps que Liam passe à la casserole. “Tu voulais peut-être voir Cory ?” Elle lui donne un petit coup d’épaule de connivence. Il serait temps que Liam avoue ses sentiments. Que Cory aussi le fasse. Tout le monde semble voir ce qu’il se trame entre les deux. À part eux. Dani a parfois envie de les emmener chez un spécialiste, juste pour s’assurer qu’ils n’ont pas de problème de vue. Parce que ça crève les yeux qu'ils se plaisent mutuellement. Enfin, ça, c’est quand elle n’a pas envie d’hurler en les voyant se tourner autour, sans rien faire. Ils vont lui faire perdre la tête, à force de ne rien faire.

Grimace. "Si on le chatouille, il risque de nous chatouiller en retour..." Et au vu de sa tête, il semble être sensible aux fameuses ; mauvaise idée d'exposer ainsi son point faible à la vue de tout le monde ! "On trouve les meilleures blagues de tout l'ARGO et on les lui dit quand il voit sa chambre. Il sera obligé de rire !" Ou sinon, ils ont la solution Pirate ; tout est parfaitement rodé ! Alors manque plus que le PQ - commandé, ça y est - et  d'être rentré à temps pour le réceptionner et commettre leur forfait avant que Cory ne rentre. "Des ballons ? Bien, partenaire !" De crime, bien sûr ; parce que c'est un crime qui va être commis ; la trahison d'un être cher ! Mais uniquement pour le faire rire, du coup, ça excuse tout ! Non ? Si. C'est sûr que oui. En tout cas, si qui que ce soit surveille ses dépenses, ça va être drôle pour cette personne ; cent rouleaux de PQ, pouf ; sacré momie... Mais vraiment pas encore le temps d'Halloween.

Mais le sujet qui fâche s'en vient ; et il la regarde en coin de l'oeil ; moins quand elle évoque ainsi Cory. "... C'est pas à nous de cuisiner, pourtant !" Mais il passe tout de même à la casserole ; diantre. "Et puis, un coup de coude comme ça, en pleine rue... J'aurais pu tomber et bousculer quelqu'un, t'imagine !" Tout les arguments sont bons, pour fuir la discussion pourtant nécessaire. Et pour fuir les histoires de coeur... Autant avouer le reste. "Plus sérieusement..." Et son sourire retombe ; la boule d'angoisse revient plomber l'estomac ; il craint demain, les rues remplies des affiches de tout le monde ; des siennes, de celles de June. "Comme tu sais, il y a eu l'attaque contre Icarus..." L'information fut immanquable et il en porte encore les stigmates pour le moment. "Bonnie..." Pince les lèvres. "Enfin, LadyHawk est dans le coma." Rien de nouveau sous les tropiques, pour le moment. "Mais... Ils annoncent aujourd'hui un concours... Pour élire un nouveau Sept à sa place." Sa voix se brise un peu. "... Je suis parmi les candidats." Et il n'aurait jamais cru, de toute sa vie, que prononcer cette phrase lui fera ressentir autant de honte un jour.

Alors qu'il ne sera plus un super vilain.
Alors qu'il pourrait même enfin réaliser son rêve.

Mais le prix à payer est vraiment trop grand ; plein de honte.

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La stratégie est en place afin de réserver une belle surprise à Cory et s’assurer de sa réaction. Le plan est infaillible. Il tient en trois mots : PQ, ballons, blagues. Rien de plus. Rien de moins. Bon, il y aura aussi le charme de Liam et le sourire désolé de Dani pour se faire pardonner. Et, en dernier recours, Pirate qui sera accusé éhontement sans aucune chance de se défendre. Les pirates ont toujours tort, de toute façon. Le sujet étant réglé, Dani laisse les badineries de côté. Se concentre sur ce qui a mené Liam jusqu’à leur appartement. Ça n’allait pas. Ça n’allait pas du tout. Ça ne va pas mieux. Ce n’est pas en planifiant une surprise que l’on règle les problèmes. C'est seulement une façon de les repousser, avant qu’ils ne reviennent à la charge. Plus tard. Encore plus fort, encore plus puissant. Encore plus dévastateur.  

Elle rit, un peu, doucement, à ses contestations. Pas à eux de cuisiner ? Ben voyons ! Dani est la professionnelle de la cuisine d’amis. Elle les saupoudre toujours de sel pour les faire dégorger de toutes leurs larmes. Son secret de cheffe cuisinière. “Je ne suis pas si forte, Liam !” Mais le silence revient vite. Plus question de digresser, de distraire. Dani ne le laissera pas face à ses états-d’âmes sans lui apporter son soutien. Les amitiés sont faites pour ça, n’est-ce pas ? La confidence arrive au compte-goutte. Les liens se font entre chaque phrase distillée. Jusqu’à l’annonce finale. Liam, candidat au poste de Sept. Dani s’arrête en plein milieu du trottoir. Elle ne s'attendait pas à ça. “Oh !” Mince, alors. Ils ne le verront plus, ça en est fini de leur trio à la coloc’, à regarder les épisodes du Bachelor, à manger sans fin (faim ?), à refaire le monde. Ça en est fini des yeux brillants de Cory quand Liam est là. Ils ne seront plus qu’un lointain souvenir pour lui, s'il est élu.

Mais ce n’est pas ce qui importe. Elle se focalise sur Liam. Il n’irradie pas de joie, il ne déborde pas d’enthousiasme, il… est triste ? Perdu, peut-être. Pas dans son état normal, en tout cas. Elle fronce les sourcils, gratte au plus profond d’elle-même pour montrer de l’engouement. “C’est bien, non ? Si tu es élu, les gens vont enfin voir qui tu es vraiment et tu vas pouvoir arrêter de jouer le méchant.” Avant de connaître Liam, elle imaginait les Super-vilains comme des êtres atroces, infréquentables, cruels. Elle a vite découvert avec lui qu’il en était autrement. Elle ne comprend toujours pas comment il fait pour accepter d’être l’éternel méchant quand son cœur est celui d’un ourson en peluche. “Mais ce n’est pas ce que tu veux ?” Des questions. Plein de questions. Parce qu’elle ne comprend pas ce qu’il se passe chez Liam. Perdue quant à la réaction correcte à avoir. De la retenue, c’est peut-être juste ce qu’il faut pour le soutenir.

TW : Évocation d'une personne dans le coma, angoisses.

L'aveu tombe enfin ; et c'est étrange d'avouer quelque chose de confidentiel ainsi ; de reconnaître que dès demain, tout changera ; qu'il ne sera plus un vilain, mais un candidat potentiel pour prendre la relève. Et Liam a cet instinct qui lui hurle que c'est étrange, trop soudain ; aussi bien par rapport à Bonnie que pour lui-même ; pourquoi là, ainsi ? Rien ne lui plaît dans tout ça ; et il sait que ça sera pareil pour un peu tout le monde. Mais la nouvelle est là ; et Dani s'arrête même de marcher ; alors il l'imite, reste près d'elle en lui offrant un air désolé.

Parce qu'il ne sait pas si c'est bien.

Hausse les épaules, dès lors. "Je..." Il ne sait pas quoi répondre. Se contente de lui faire signe pour reprendre, venant même prendre doucement sa main dans la sienne pour ne pas prendre le risque de la perdre en cours de route si elle s'arrête encore. "Je ne sais pas. Dans d'autres circonstances, j'aurais été heureux... Mais pas là. C'est... C'est tellement rapide !" Il ne réalise pas encore que Bonnie est dans le coma ; ne réalise pas que peut-être il n'entendra plus jamais le son de sa voix. "Et puis, Bonnie..." S'arrête ; mais n'a pas le courage d'user de son surnom. "J'ai toujours cru qu'elle serait là, le jour où j'aurais cette chance." Elle lui manque ; et il y a ce truc vicieux de ne jamais savoir ce qu'elle avait pu vouloir lui dire, avant cette foutue attaque.

Le soupir qu'il pousse rompt presque en deux son âme. "Mais oui... Au moins je ne serais plus un vilain." Quoique ? "Enfin, j'imagine. Je sais pas comment ils vont justifier ma présence là vu que Jophiel n'a pas eu son arc de rédemption dans les films." Il hausse les épaules, se dissociant du rôle. "J'ai juste appris que je ferais parti du tout et... Voilà." Et ça l'avait angoissé, si fort ; parce que l'impression d'être dans une cage encore plus petite qu'avant avait été forte, pour ce coup-ci.

Mais il doit lui avouer la toute dernière chose qu'il a sur le coeur. Du bout des lèvres sans toute, plus bas encore que le reste pour être sûr qu'il n'y a que Dani qui l'entende. "... J'ai peur de ce qui pourrait advenir, Dani." De s'il était élu ; de s'il ne l'était pas ; d'absolument tout.

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TW : coma

Elle attend. Lui offre le temps, la patience dont il a besoin à cet instant, alors que les mots manquent. Elle l’observe avec tendresse, essayant de l’encourager du regard. Ignorant d’où vient cette carence verbale : de sa confiance, de sa capacité à se confier ou à la difficulté d’en parler ? Dans tous les cas, Dani reste là, suit le rythme quand il l’invite à reprendre la marche. Main dans la main pour ne pas se lâcher. Les phalanges pressent doucement la main de Liam. Elle est là, Dani. Elle ne bougera pas. Ou peut-être que si. Le myocarde s’effondre sous la détresse de Liam. Il est perdu entre sa loyauté et son amour pour Ladyhawk et ses devoirs en tant qu’employé d’Icarus. “Elle est là. En quelque sorte.” De ce qu’elle en sait, Bonnie n’est pas décédée. Elle est encore là, à respirer, à se battre. Avec l’espoir qu’un jour elle se réveille. “Et si quelqu’un doit reprendre sa place, autant que ce soit quelqu’un qu’elle aime vraiment beaucoup, non ?” Hypothèse lâchée afin de réconforter l’âme. Rien de plus à offrir quand il s’agit d’une vie à laquelle Dani n’est pas mêlée. Elle n’a jamais rencontré Bonnie, celle que Liam connaît, celle qu’il aime, celle qu’il considère comme sa mère. Deux mondes séparés, gardés hermétiques, même si l'un s'affiche en grand sur les écrans, à travers des scénarios et des mises en scène répétés encore et encore.

Ça la frappe d’un coup. Ce n’est pas à Cory qu’il faut préparer une surprise. C’est à Liam. Il en a bien plus besoin que n’importe qui. Il a besoin de voir des gens capables de se donner pour lui. De sentir des proches prêts à tout pour lui. Lui à qui on impose un concours, à qui on colle une fausse histoire. Il a besoin d'une surprise plus élaborée, plus attentionnée que des rouleaux de PQ dans sa chambre. Elle en discutera avec Cory. Mais ça ne réparera pas tout. Parce qu'il a peur. La confidence est lâchée comme une bombe sur Dani. Son ami a peur. Des conséquences. De la suite. Peur de tout. Elle a le regard qui se perd devant, sans trop savoir où se poser. Juste il glisse sur la rue, à la recherche des mots qui sauront apaiser. Liam n’est plus un enfant qui a peur des monstres dans le noir. Sinon, il suffirait de regarder sous le lit, d’ouvrir l’armoire, de soulever le rideau et il aurait la preuve qu’il est en sécurité. Non, Liam est un adulte qui sert de pion dans un jeu beaucoup trop vaste pour lui. Du temps, elle en met afin de trouver quoi dire. Parce qu’il n’y aura jamais rien d’assez fort, d’assez puissant pour taire sa détresse.

Elle s’autorise une inspiration avant de s’élancer dans cette course vaine, à tenter de rassurer Liam, sans pouvoir lui offrir de garantie. “Je ne peux pas te promettre que tout se passera bien, Liam. Je n’en sais rien, c’est un domaine que je ne maîtrise pas, des enjeux que je ne connais pas. Mais…” Elle est inutile, Dani. Elle le sera toujours parce que sa vie est ici bas, à Crimson Bay. Celle de Liam est là-bas, à Solaris, et peut-être bientôt là-haut, à l’Aerium. On ne peut pas faire plus différent. “... au moins, je te promets que je serais là quoi qu’il arrive, d’accord ?” Elle lève la tête vers lui, lui adresse un sourire léger. Elle n’a pas de solution à offrir, seulement sa présence pour le soutenir. C’est tout ce qu’elle peut proposer. À prendre ou à laisser. “Cory aussi sera là.” Elle se fait porte-parole de son meilleur ami, déjà certaine qu’il sera le premier à soutenir Liam dans cette histoire. Comme il l'a toujours fait.

Pour le reste, elle ignore encore comment ce concours va tout changer. Elle sait au moins que ça va bouleverser les habitudes. S’il est élu, il aura encore moins de temps. S’il est choisi, il ne pensera peut-être plus jamais à la coloc. C’est un risque à prendre. Dani refuse d'y penser. “Tu sais où nous trouver et comment nous contacter en cas de besoin.” Il a toujours su les trouver lorsqu’il avait besoin de s’échapper de ses responsabilités et de son quotidien. Sept ou pas Sept, Cory et Dani ne changeront pas. Toujours au même endroit. Toujours joignables de la même manière. “Tu auras juste à nous envoyer un message et on débarquera en force.” Il y aura au moins cette constante dans la vie de Liam. C’est ça, au final, qu’elle peut lui donner en retour. Elle n’a pas beaucoup plus. “On ne te laissera pas seul.”

Il essaye de se dire ça aussi ; de se rassurer avec le fait que Bonnie aurait sans doute voulu ça... Et en même temps. Il n'en sait rien ; songe à son dernier appel ; se demande sans arrêt depuis. Mais elle n'est plus en capacité de lui dire ; plus capable de rien, à vrai dire. Alors il n'en sait rien ; voudrait juste une réponse, quelque chose enfin à penser correctement. Peut-être qu'Icarus lui apportera ; peut-être qu'il devrait continuer d'écouter les ordres, cesser enfin de douter ; arrêter de grandir. Mais il partage cette crainte à Dani, cette peur de l'avenir qui le taraude à chaque fois un peu plus. Et elle ne peut rien promettre ; et tout à l'intérieur de lui, il la remercie de ne pas tenter d'en faire, des fausses promesses, de juste promettre d'être là. Alors il serre juste un peu plus cette main dans la sienne, souriant un peu. "Merci de l'être, depuis tout ce temps." Il a envie de rester près d'elle, de Cory, d'eux ; n'osera sans doute jamais leur dire à quel point ils ont de l'importance pour lui, à a quel point il voudrait leur donner l'univers entier, pour compenser leur gentillesse, pour dire merci mille fois ; à la hauteur de l'amour qu'ils lui donnent.

Il arrive même à en sourire un peu. "Juste un message ? J'ai de la chance, de vous avoir." Il le sait ; et c'est bien pour ça qu'il cherche tant à les préserver d'Icarus ; que le géant ne sache pas à quel point il tient à eux ; il a peur. "Tu sais... Même si je devais être élu, ça changerait rien. Pour nous, je veux dire." Il tient à le dire ; parce que ça lui semble important, terriblement même. "Vous êtes..." Il cherche un mot, pour définir ; puis sait bien qu'il le possède déjà. "Comme une famille, vous aussi." En tout cas, il a ce sentiment réconfortant qu'il prête à une famille, quand il vient les voir, qu'il passe une soirée avec eux, qu'il fini par s'endormir dans le même lit que Cory. "Je passerais vous voir autant que je pourrais, toujours." Et Dani saura que quand il ne pourra pas venir durant de longues semaines, c'est qu'il sera en train de crouler sous les responsabilités.

Il réfléchit à quelque chose ; brièvement ; l'observe en coin avant de parler encore dans un murmure, se penchant vers elle pour la confession. "Je vais tenter de voler des vacances, dès que je pourrais." Bref rire quand il se redresse ; il y songe réellement un peu, c'est ça le pire. Mais il ne pensait pas qu'il allait réellement oser. "Si j'y arrive, je t'envoie une carte postale tous les jours !" N'est pas sérieux, et en même temps... Il n'imagine pas qu'il allait parvenir à partir deux longues semaines loin d'Icarus ; ceci dit, il enverra sans doute trop de colis pour le temps que ça aura duré. "Mais d'ici-là... Des ballons donc, que tu voulais ?" Il lui dit ça tout en soulevant le paquet que leurs mains forment, pour lui désigner un magasin où y'en a dans la devanture, en forme de chiffres ; ils doivent bien en avoir d'autres !

MANÈGE À TROIS

When the tears come streaming down your face. When you lose something you can't replace. When you love someone but it goes to waste. Could it be worse? Lights will guide you home. (Wolf Larsen)

Les mots n’ont jamais été aussi difficiles à trouver pour rassurer. Liam fait face à une peur qu’elle ne connaît pas, qu’elle n’expérimentera jamais. Il est seul face à ses propres émotions. Enfin, pas tout à fait. Dani se tient là, debout, à ses côtés. Prête à lui prendre la main s’il avait besoin d’être guidé. Prête à lui tendre un mouchoir s’il se mettait à pleurer. Prête à le soutenir s’il devait s’effondrer. Parfois, les gestes sont plus forts que les mots. Parfois, il suffit juste d’être là. C’est ce qu’elle propose à Liam. “Juste un message et je serais là.” Elle le répète. C’est une promesse qu’elle lui fait. Qu’elle se fait aussi. Elle a envie d’être à la hauteur de Liam, de ce qu’il lui apporte. C’est lui qui met les mots sur leur relation. Une famille. Leur famille. Voilà ce qu’ils sont. Ils forment une famille, réunis grâce à leurs cœurs boiteux, cassés. Mais une famille aimante. Et avec cette famille, avec Liam, elle a trouvé un frère. C’est un regard ému qu’elle lève vers lui. Touchée qu’il partage cette affection. “Je suis contente que tu en fasses partie.” En quittant sa famille de sang, Dani ne savait pas ce qu’elle allait trouver, si elle se sentirait de nouveau assez proche de gens pour les considérer comme tel. Maintenant, elle sait. Et elle se dit que son petit frère aurait adoré avoir Liam comme figure fraternelle.

Une seule ombre au tableau : ce frère de coeur tout juste trouvé va bientôt s’éloigner, appelé à des devoirs plus grands, contraint à une vie encore plus éloignée de la leur. Il cherche à la rassurer quand elle sait déjà qu’il sera encore plus absent qu’avant. “T’en fais pas pour nous.” Il devrait plutôt se faire du souci pour lui-même. Elle, elle aura toujours Cory. Mais qui veillera sur Liam ? Qui lui donnera l’impression d’être attendu, écouté, soutenu ? “Mais toi, si on te manque, tu auras qu’à nous imaginer de l’autre côté de l’écran dès que tu passeras à la télé, à te regarder et à t’encourager.” L’absence ne leur fera pas oublier Liam. Jamais. Pas même des vacances rêvées, espérées. Parce qu’il prévoit de partir. Il espère, en tout cas. Seul, sûrement. C’est qu’il est bien le seul à avoir les moyens de s’en aller du jour au lendemain.

L’idée de recevoir tous les jours une carte postale la fait rire. Mais pas moins que de l’imaginer les choisir soigneusement et de se poser dans un café, dans un train ou dans une chambre d’hôtel, à réfléchir à tout ce qu’il aimerait lui écrire. Le dos d’une carte postale ne sera pas assez grand pour contenir toutes ses émotions, toutes ses anecdotes, toutes ses réflexions. Il faudra plus. Il faudra des heures pour tout partager. Il faudra attendre son retour afin de vivre ses vacances à travers ses yeux et ses mots. “Tu m’enverras des photos aussi, hein ?” Un avant-goût de ses récits. De quoi la faire voyager et la faire patienter quand elle ne pourra vivre que par procuration.

Comme si l’univers leur rappelait leur mission principale (pourrir la vie de Cory, mais avec amour), une boutique de décoration de fête est repérée. “Oui, des ballons !” Elle embarque Liam vers le magasin. À l’intérieur, le pire cauchemar des minimalistes. Des accessoires et des objets de décoration partout, formant un labyrinthe dans lequel seuls les plus courageux oseront s’aventurer. “Bon ! Concentrons-nous. Nous avons un objectif : trouver des ballons qui disent ‘désolé, mais on t’aime’.” La demande est précise. Tellement précise qu’elle est irréalisable. “Mais si on trouve des ballons en forme de coeur, ça marche aussi.” Pour offrir à Cory leur amour et leurs coeurs (enfin, surtout celui de Liam. Elle sait que le sien, Cory s’en fiche).

Les premiers rayons sont consacrés aux déguisements. De tous les goûts (enfin, surtout de mauvais goût). Dani arrive à en faire abstraction jusqu’à ce que ses yeux butent sur un déguisement de pirate. Elle s’arrête, bloque dessus, un sourire retrousse ses lèvres. “Je suis sûre que j’ai déjà vu une photo de Cory enfant déguisé en pirate…” Et en grand fan de pirate, Cory se doit d’avoir un navire, ainsi qu’une tenue digne de ce nom. Et une perruque. Et une épée. “Tu crois qu’on peut le lui prendre ?” Un réponse affirmative et ce sera la porte ouverte à une chasse aux déguisements pour Liam et elle. Car que serait un pirate sans son équipage ?

Il en est heureux aussi ; n'imagine pas plus grand bonheur que ces moments-là ; Icarus est une très grande part de lui, public et secrète à la fois ; mais Dani et Cory, c'est quelque chose d'autre ; de plus ; qui l'aide à tenir le coup, à être fort, même quand il ne parvient plus à l'être. Et même si parfois Liam reste silencieux, il sait qu'iels l'écoutent quand même. C'est un sentiment réconfortant ; un qui aide, véritablement. Il aimerait savoir rendre la pareille, mais il sait qu'il en est incapable ; il a ce contrat qui le lit au géant ; qui l'écrase ; qui lui offre aucune liberté ; alors Liam la volera, parce qu'enfin sa voix aura de l'impact. Mais d'ici-là, il imaginera les deux derrière leur télé, à sacrifier une soirée bachelor pour le regarder lui plutôt ; l'image lui fait du bien, une nouvelle fois. "Je me le dirais à chaque fois, alors." Parce qu'iels lui manque tout le temps ; c'est pas insupportable, mais c'est comme ça avec les gens qu'on aime ; ils nous manquent toujours un peu.

Même durant ses futures vacances, il pensera à eux ; et Dani veut des photos, de cet hypothétique que Liam n'aura pas cru rendre vrai. "Bien sûr ! Des photos de la nourriture, aussi ?" Bien sûr, il ne pense qu'aux plats végétariens ; n'enverrait jamais la photo d'un steak à Dani... Et franchement, même lui serait pas particulièrement affamé par celle-ci ; un bout de viande, quoi. Mais tout est noté ; et Liam y pensera, perdu en Europe, à vivre enfin une bouffée de liberté plus que nécessaire ; les cartes postales arriveront juste avec beaucoup de retard, la faute à cet océan à traverser pour trouver leurs destinataires.

Mais d'abord, la surprise ; et Liam sourit de voir une boutique qui correspond à ce qu'ils préparent, sur leur route. Alors il se laisse entraîner, écoutant les instructions. "Ok !" Réfléchit un instant. "Je crois que j'avais vu dans un film qu'on pouvait faire graver des phrases sur des ballons ?" Il n'est pas sûr ; mais ça vaut toujours le coup de demander s'ils ont une machine du genre, ou si c'est juste une invention d'Icarus encore. Puis façon, d'avant les ballons, voilà les costumes ; et si Dani se bloque sur l'un, Liam le trouve bien assez vite du regard aussi ; sourit en l'entendant ; il adorerait voir cette photo. "On hésite même pas. On le prend." Il rit, à le dire ; sépare sa main de celle de Dani pour chercher dans les tailles ; trouve celle qui ira à Cory et le passe à Dani. "Il faut le chapeau qui va avec !" Hors de question que le capitaine de leur rafiot n'est pas un chapeau digne de ce nom !

Une nouvelle quête est lancée ; et sans doute que le laser game, lui, est oublié. Pas plus mal, ils ont bien mieux à faire ! Liam cherche après des costumes pour elleux, curieux de ce qu'ils ont. "Qui prend le costume de matelot ?" Elle, lui ? C'est qu'il faut varier ! "Au pire, on achète tout les modèles qu'ils ont et on mélangera ?" Est-ce que sa carte bleue va flamber ? Oui. Est-ce que ça le dérange ? Non. Au contraire, même. "Faut qu'on trouve des décorations dans le thème, aussi !" L'allure d'un gamin, à dire ça ! Et c'est comme un Halloween avant l'heure ; l'idée l'amuse, c'est clair... Mais il perd le sourire un instant, avec une pensée qu'il a ; se pince la lèvre, hésitant à la soumettre ; mais Liam n'est pas mauvais à ce point, alors, il regarde Dani. "On demande à Justin s'il est libre pour venir aussi ?" Il est moins enthousiaste ; voir le couple ensemble lui fait toujours un truc ; plus qu'un pincement, un coup dans le coeur ; mais pour Cory, il peut le supporter.

Alors il demande, oui.

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Cartes postales à foison. Photos de son voyage, aussi. Des petits rien qui rendent joyeux, impatient. Des petits rien qui permettent d’être un peu avec lui pendant ses potentielles aventures. Et ses repas, mais avec une exigence de la part de Dani. Car elle n'est loyale et fidèle qu'envers un seul plat. “Seulement si ce sont des pizzas !” Le reste, elle s’en passera. prête à démarrer une collection de photos de pizzas autour du monde. Ça commencera avec les clichés de Liam, s’il croise la route de quelques restaurants italiens. Il y a intérêt. Elle ne manquera pas de lui reprocher de ne pas assez en manger, si aucune photo ne lui parvient au bout de deux jours. Deux jours étant le sevrage maximum acceptable. Au-delà, il faut s’inquiéter des conséquences sur l’organisme de Liam. Il se pourrait que son estomac s’habitue à ne pas manger de gluten ou de gras. Ce serait terrible !

Dans le magasin, c’est toute une stratégie qui se déploie. Un objectif. Des moyens humains. Des moyens financiers. Il ne manque rien pour atteindre leur but. À part peut-être des ballons adaptés à la situation. Pour cela, Liam a la solution. Des ballons personnalisables. “Ooh ! Ce serait merveilleux, faut qu’on leur demande s’ils en font !” Ses lèvres s’étirent en un sourire en coin, plein de malice. Déjà en train d’imaginer comment elle pourrait user (et abuser) de ce système afin de graver des messages pour toutes les situations. Pardon, j’ai fini les céréales. Hey, tu m’apportes mon petit-déj au lit ? J’ai cassé ta fourchette préférée. Pirate a fait caca sur le canapé… Une mauvaise nouvelle ou une demande passe plus facilement quand elle est annoncée avec un ballon, non ?

Revenons-en à leur stratégie. Qui prend l’eau à la seconde où le costume de pirate se retrouve devant leurs yeux d’enfant. C’est un oui sans équivoque pour Liam. Cory aura donc sa tenue, son bateau. Manque plus que les accessoires... Le chapeau, il a raison ! “Je m’en occupe !” Le chapeau, le chapeau, le chapeauuuu. Il y en a plein. Trop, peut-être. Elle en attrape deux, un dans chaque main. Le costume, lui, est coincé sous son bras. Elle les étudie, leur trouve autant de défauts que de qualités. Elle finit par en mettre un sur la tête de Liam, l’autre sur sa propre tête, quand il trouve le déguisement de matelot. “T’es sûr ? Ça va te coûter cher, Liam. On n’est pas obligé de tout avoir pour s’amuser !” Cette histoire va le ruiner. Et Cory risque de les disputer d’avoir trop dépensé. Au pire, ils cacheront le surplus dans la chambre de Dani et il n’en saura rien. Sauf si ce satané Pirate les balance. Ce serait bien son genre, tiens.

Elle observe le chapeau sur la tête de Liam. Il aurait fait un incroyable pirate. Sûr et certain. Faudrait peut-être qu’il soumette l’idée à Icarus. Super-vilain, okay, mais un super-vilain pirate. Sinon, c’est la grève assurée. Elle se met en quête d’autres modèles de chapeaux, il en faut un parfait pour Cory. Mais déjà, Liam attire son attention sur les décorations. Ça lui fait écarquiller les yeux. Pire qu’une gamine le jour de Noël. “Ooh ! Tu crois qu’ils ont des palmiers ? Et des coffres de pirate ?!” Trop d’idées à la minute. Trop de réflexion à avoir. Les deux vont finir débordés par leur propre ambition. Mais pour l’instant, ils sont pris par leur enthousiasme. Et Dani trépigne déjà de voir la réaction de Cory. Elle espère que ça aura l’effet escompté. Qu’il se libèrera un instant du poids qui le pèse. Qu’il retrouvera un sourire insouciant. C’est quand elle pense au sourire de Cory que celui de Liam dépérit. Il se transforme en pirate triste, sans même que Dani l’ait vu venir. L’explication ne tarde pas. Justin. Le prénom est lâché. Le fantôme du petit-ami apparaît et brise l’ambiance.

Elle retire le chapeau de pirate avec une grimace. “Non, je suis sûre qu’il a autre chose à faire.” Et puis, elle n’a jamais considéré Justin et Cory comme une seule et même entité, à devoir convier les deux à des repas ou à des soirées. Ils sont en couple, certes, mais ils sont deux personnes différentes. Surtout, Dani est l'amie de Cory avant d’être celle de Justin. Et puis, elle veut passer du temps avec lui. Juste avec lui. Pas de Justin au milieu pour changer la dynamique. “Notre cher Cory a besoin de passer des moments privilégiés avec nous !” Elle essaye de rendre la réponse joyeuse, dans l’espoir que Liam retrouve son enthousiasme. Cette baisse de moral n’a rien d’anodine. “On l’aura juste pour nous.” Elle remet le chapeau là où elle l’a pris. C’est un non catégorique pour ce modèle. Trop grand pour elle. “Et puis, on organise cette surprise pour Cory. Pas pour Justin !” Donc, pas de petit-ami à la colocation ce soir. Sauf si Cory l’a invité, sans savoir la surprise qui l’attend. Mais ça, ils ne peuvent pas le contrôler.

Elle plante son regard dans celui de Liam. Elle ne comprend pas qu’ils soient toujours dans cet entre-deux, Cory et lui. Depuis le temps qu’ils se connaissent. Depuis le temps qu’ils se tournent autour. Ça en devient épuisant de les voir faire. Et en même temps, elle admire leur courage de vouloir préserver leur amitié coûte que coûte. Au risque d’avoir le cœur brisé, en voyant l’un dans les bras d’un autre. “Tu devrais lui parler. À Cory.” De tout. De ses sentiments. De ses peurs. De son amour. De ses rêves. De tout. Cory a le droit de savoir. Liam a le droit d’en parler. Et peut-être qu’enfin ils seront heureux ensemble, plutôt qu’heureux côte-à-côte. Enfin, si on peut dire qu’ils sont heureux actuellement.

Un regard sur Dani, quand elle parle d'argent ; elle doit souvent le rappeler à l'ordre, le pauvre, sur le fait qu'il faut parfois faire attention... Mais ils ont acheté une palette de papier toilette, alors, il sourit ; parce que parfois, les bons conseils tombent les mauvais jours. "Bien sûr que je le suis !" Rarement autant qu'aujourd'hui, même. "Imagine si on lui propose trois tenues différentes ou quoi." S'en amuse. "On arrivera à se faire pardonner instantanément toutes les bêtises que Pirate nous avait dit de faire." C'est sûr ! Alors il prend toutes les tenues, aime l'idée de les mélanger. "Puis dans le fond, c'est Icarus qui paye de toute façon." Qu'il dit plus bas, les bras de plus en plus chargés. Parce que vrai que l'argent sur son compte ne doit même pas lui appartenir tout à fait ; que s'ils veulent le reprendre du jour au lendemain, sans doute qu'ils pourraient, par un vice de procédure qu'il n'aurait jamais imaginé.

Et il ne lutterait même pas.

Mais en attendant, y'a encore les décorations aussi à prévoir ! Et définitivement, il va leur falloir encore organiser une livraison, c'est sûr ! Ou réclamer un grand sac, n'importe quoi pour transporter tout ce qu'ils peuvent prévoir. "J'espère ! Faut qu'on fouille !" Et songe à quelque chose. "S'ils ont un coffre, on pourra le porter à deux pour ramener tout dedans !" Et ça sera un peu leur trésor, avant d'être celui de l'appartement et de leur capitaine - même pas encore au courant du rôle qu'il va avoir. Mais faut savoir si le capitaine sera accompagné ; et c'est Dani qui décide, sans doute aidée par l'air assombri de Liam ; il ne s'en rend même pas vraiment compte, s'ouvre sans doute un peu trop à Dani en ce jour. Et aussi vite que l'ombre était apparue, elle repart, laisse de nouveau la lumière se faire ; et Liam se dit qu'ils pourraient prévoir une ou deux lampes en plus pour qu'il puisse jouer d'avec leur projection pour rendre l'arrivée de Cory un peu plus magique encore, à faire apparaître des poissons lumineux, ou quelque du genre. "C'est vrai, tu as raison." Il ne luttera pas pour ça non plus ; en sourit, même.

Et ne comptait pas rebondir plus que ça ; mais Dani plante un couteau dans le juste milieu de cette cible ; faite de non-dits ; gloups. Liam l'observe en retour, avant de hausser les épaules, cherchant à fuir ((cours petit lapin)) très clairement l'évidence souligné. "Je veux pas qu'il s'inquiète plus encore." Il s'en veut déjà d'avoir osé dire tout ça à Dani ; de lui faire porter un poids qu'il devrait porter seul. "Je vais... Trouver une solution pour que ça aille mieux. Promis." Retrouve un bout de sourire ; ne sait pas que ce sera très justement le voyage avec Andrea, à tout envoyer chier, pour réussir à se dire qu'il avait profité une fois avant d'être définitivement enfermé dans sa cage dorée. "Mais je lui dirais avant que ce soit publié, pour le concours. Qu'il ne le découvre pas par surprise." Au moins la soirée le distraira des réseaux sociaux... N'est-ce pas ? Liam ne sait pas comment il abordera le sujet.

Liam ne sait pas grand-chose.
Avec de la chance, il ne dépassera pas le premier tour.
La naïveté est chère à payer, parfois.

Avec tout ça, il parvient à mettre la main sur un grand coffre ; l'extrait de là, voit bien que c'est du toc, mais... "Hey, regarde !" Il lui sourit, l'ouvre pour voir ; et y'a des trucs dedans comme des pièces et tout, tout en plastique... Mais ça peut largement faire l'affaire, à moins que... "On pourra le remplir de PQ si on en a en trop." Sale gosse ; mais autant porter la blague jusqu'au bout, après tout. Ils seront les rois des toilettes ; on dit pas que c'est un trône, après tout ?

MANÈGE À TROIS

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Au milieu des rires enfantins, les doutes adultes. La cruauté de la vie surgit au milieu de l’insouciance. Adulte se rappelant du coût des achats, se souvenant de la réalité. Les questionnements sont abandonnés sous les arguments pertinents. Il en va de la paix dans la colocation. Tous ces costumes assureront l’apaisement de Cory et leur éviteront une guerre entre pirates du même bateau. “Puis dans le fond, c'est Icarus qui paye de toute façon.” Elle éclate de rire, là où l’ajout semblait plus lourd de sens. Dani ne le voit pas. Elle décide de ne pas le voir. “Ils vont se demander ce que tu prépares avec tout cet attirail !” Elle les imagine avoir une vue sur les comptes de Liam, comme s’il n’était pas capable de gérer son propre argent tout seul. Il y a bien des éléments qu’elle ne maîtrise pas, qu’elle ne connaît pas sur Icarus. Un monde hors de sa portée et que Liam conserve loin d’eux. Comme s’il ne fallait surtout pas les y mêler. “Une fête d’anniversaire pour des enfants ? Un délire mégalo de pirate ? Un futur film où tu joueras un pirate ?!” Dani fouine, à la recherche de sabres et d’épées. Mais elle trouve mieux. De faux perroquets à accrocher à l’épaule ou à la main. Plein de Pirate en plastique ! Elle les prend, évidemment.

Chapeaux. Perroquets. Manque le coffre au trésor. Essentiel pour tout bon pirate qui souhaite partir à l’aventure et ramener de l’argent pour se payer de l’alcool dégueulasse dans une taverne. “S'ils ont un coffre, on pourra le porter à deux pour ramener tout dedans !” En voilà un esprit malin et organisé ! “T’es un génie ! Faut qu’on en trouve un absolument !” Parce que leurs bras dégueulent de déguisements et d’accessoires en tout genre. Ils auraient bien besoin d’un sac ou d’un panier. Ou d’un coffre. Dani laisse à Liam le soin d’en trouver un. Elle, elle cherche les armes. Elle s'entête dans sa quête. Elle compte bien organiser un combat épique avec des armes en mousse pour savoir qui mérite vraiment le statut de capitaine. Oui, ça prévoit déjà une destitution de Cory. Ben quoi ? Mais il y a cette bulle d’inquiétude chez Liam qui la déconcentre. La peur que leur histoire à trois se transforme en histoire à quatre avec Justin. Elle tente de rassurer, de réconforter. Sans rien pouvoir promettre. Juste lui assurer que Justin ne montera pas sur leur bateau. Exclu de leur soirée pirate. Ce sera leur moment à eux trois. Ce n’est pas un désamour de Justin. Plutôt un rejet du rôle qu’il a auprès de Cory. Il n'aurait jamais dû l'avoir, ce rôle. Ça aurait dû être la place de Liam. Et c’est bien pour cela que Dani fait preuve d’un tact rare lorsqu'elle tente d'aborder le sujet.

Il n’y a bien que Cory et Liam qui ont le droit à ce tact. Parce que ce qu’ils ont l’un pour l’autre est si fragile. Si doux. Si délicat. Il ne faut pas brusquer, il ne faut pas effrayer. L’affection (l’amour !) qu’ils se portent est un animal sauvage qu’ils doivent réussir à dompter. Mais aucun des deux n’a le courage de le faire. Trop peur. Peur de l’échec. Peur de la perte. Peur de tout. Il n’y a plus qu’à assister au spectacle, à tenter de pousser un peu les choses. Tentatives toujours en échec. Comme là. “Je veux pas qu'il s'inquiète plus encore.” Faut une seconde, deux secondes afin qu’elle saisisse de quoi il parle. Pas de ses sentiments pour Cory. Non, d’autre chose. C’est Dani qui va commencer à s’inquiéter. Est-ce qu’il y a médicalement un seuil de déni et d’aveuglément à partir duquel il faut aller à l’hôpital de toute urgence ? S’il n’y en a pas, il est temps d’en inventer un. Et de toute urgence, merci. Elle en a besoin. “Je vais... Trouver une solution pour que ça aille mieux. Promis.” Elle a arrêté ses mouvements, focalisée sur Liam. Liam et le déni qu’il se creuse. Liam et sa croyance d’un amour inenvisageable. Dani fronce les sourcils. L’agacement à l’orée des lèvres. Prêt à exploser quand son ami refuse de voir la réalité en face et d’assumer. “Mais je lui dirais avant que ce soit publié, pour le concours. Qu'il ne le découvre pas par surprise.” Ça la laisse sans voix. Incapable de faire quoi que ce soit. De dire quoi que ce soit. Elle est devant un mur. Un mur plus haut qu’elle, plus haut que Liam, plus haut que Cory. Impossible de voir ce qu’il y a de l’autre côté. Pourtant, elle y met sa main à couper : le bonheur les attend là-bas.

Et lui, il s’en fiche. Il s’amuse plutôt d’un coffre, trouvé au milieu d’un bordel sans nom. Tout ça parce que c’est plus facile d’acheter pour exprimer son amour. Ça vient plus facilement que les mots. C’est moins direct, ça expose moins les sentiments, c’est moins vulnérable. Elle pense à Archie, à elle. Elle pense à ce construct qu’il a acheté. Elle pense à tous ces éléments qu’il voulait payer de sa poche. Sauf qu’elle ne savait que c’était de l’amour à l’époque. Elle le pensait juste généreux, attentionné. Elle n’imaginait pas la pureté des sentiments derrière. Liam reproduit le même scénario. Cherche à noyer Cory sous les cadeaux, sous les gestes, de la même manière qu’il pourrait le noyer sous son amour. “On pourra le remplir de PQ si on en a en trop.” Bon. Un amour fait de PQ. Y a plus romantique, qu'on se le dise, mais ça compte, pas vrai ? La remarque lui tire un sourire. “C’est machiavélique !” Dani revient rapidement à sa préoccupation première. Qui n'est vraiment pas ce coffre au trésor en plastique douteux. “Mais Liam ?” Elle l’appelle d’un souffle. Faut pas le faire fuir. Elle se le répète. Elle le visualise, l’animal sauvage, blessé. Alors, elle n’avance pas. Elle reste à bonne distance, se contente d’un vague geste de ses bras chargés. “Je ne parlais pas du concours…” Pincettes prises. Dernier effort fourni, avant de foncer droit au but afin que Liam n'ait plus d'autre choix que d'en parler.

“Je parlais de toi et de Cory.” Aka les deux personnes qui se tournent autour depuis tellement longtemps qu’ils ont battu le record du monde. Aka les deux personnes qui ont trop peur de s’élancer, alors qu’ils pourraient être si heureux ensemble. “Tu sais ?” C’est le moment où, normalement, on sort les rames afin de pouvoir avancer. Sauf que là, Dani a une rame en moins : elle ne peut pas dire à Liam que Cory l’aime. En tout cas, pas aussi franchement. Ce n’est pas à elle de le faire. Donc, il lui reste la rame de Liam qu’elle active avec force et désespoir. “De la manière dont tu le regardes ? Le besoin que t’as de passer du temps avec lui ? De toutes ces choses que tu achètes juste pour voir un de ses sourires ?” Hop, un pied dans le plat, puis l’autre. Histoire de bien piétiner le tout.

Il fuit ; parce qu'il ne peut faire que ça, fuir. Parce que la réalité est plus cruelle que Dani peut le penser... Ou ne serait-ce que l'envisager ; qu'il ne peut lui parler qu'il avait quitté la femme qu'il aimait pour les beaux yeux d'Icarus, qu'il ne saura jamais se le pardonner, que depuis il ignore ce qu'est le bonheur si ce n'est quand il est avec ses ami·es. Qu'il ne le croise que dans les sourires de Dani, dans les regards de Cory, dans la complicité avec Andrea. Il voudrait parfois crier sa peine et enfin éclater, voler si bien en éclats qu'il blesserait enfin cette espèce de figure parentale qui ne l'a jamais bien traité ; mais la peur de l'abandon est trop terrible.

Alors il fuit.

L'enterre sous les pièces en plastique et voilà, ça sera plus simple de montrer ainsi combien il aime. Parce que Dani a raison, parce que Liam pense ne pouvoir l'exprimer qu'ainsi, en les gâtant ; peut-être pour aussi qu'on pense à lui en voyant un des cadeaux qu'il avait pu faire, en voyant Pirate jouer d'avec un des jouets qu'il lui ramène ; d'avec le placard rempli des courses qu'il leur fait juste pour toujours ramener quelque chose, ne pas être juste un parasite. Crainte qu'il ne veut pas se voir confirmé ; et qui le terrorise, parce que Liam a beaucoup avoir vingt-six ans, il n'a pas su se construire comme les autres, qu'il est encore trop dépendant de son entourage, comme un enfant ; Icarus a toujours su quoi faire pour garder son emprise, malgré toutes les horreurs. Il a appris à encaisser ; et c'est ce qui le fait craindre de ne plus avoir à le faire.

Être aimé normalement.

N'a-t-il pas vendu son amour au profit de la gloire ? Il voulait être aimé de tous ; vole juste en éclats.

Mais Dani ne veut plus le voir fuir ; et Liam n'ose à la regarder, tandis qu'elle énonce toutes les évidences. Et face à celles-ci, il hésite ; à lui dire toute la vérité, l'entière, la pleine ; pour expliquer aussi ces doutes plutôt, pour qu'elle possède toutes les clefs de ce qu'il est à présent. Mais il a peur, Liam ; il craint la colère du Parent. Drôle d'orphelin qui ne veut pas perdre cette famille-là. "C'est que... Je ne peux pas... Avoir une relation amoureuse." Qu'il murmure à Dani ; sans la regarder, parce que la honte, parce qu'il a vu Icarus imposer à June une relation amoureuse aux yeux du public ; et il tremble à l'idée qu'ils fassent de même avec lui ; ou pire encore... "C'est... Compliqué. Une longue histoire. Et ça risque de l'être encore plus à l'avenir, sans doute." Songe encore à Bonnie ; elle lui manque, tellement. "Je ne veux pas lui briser le coeur." Baisse les épaules, avant même d'avoir su les hausser ; n'accorde aucune importance au fait de se briser le sien au passage. "Il mérite d'être heureux." Et Cory s'est donné une chance de l'être, avec Justin.

Puis, comme pour tenter d'enterrer pour de bon le sujet, il pousse un peu le coffre vers Dani, dans un sourire qui tremble un peu ; les yeux un peu humides. "Tu m'y aide ?" En le faisant capitaine ; en organisant une mutinerie ; en lui faisant des farces ; en jouant tous ensembles.

Loin de tout.
Juste eux trois.

MANÈGE À TROIS

When the tears come streaming down your face. When you lose something you can't replace. When you love someone but it goes to waste. Could it be worse? Lights will guide you home. (Wolf Larsen)

Fuite interdite. Dani rattrape le fugitif, le met devant les faits. L’oblige à garder les yeux grands ouverts afin d’affronter la réalité. Celle de ses sentiments dévorants. Spectatrice impatiente de voir enfin les deux personnes s’enlacer, se murmurer “je t’aime”. Si simple, si compliqué. “C'est que... Je ne peux pas... Avoir une relation amoureuse.” Pourquoi ? Question qu’elle aimerait poser. Pour savoir enfin ce qui le retient, au-delà de Justin. Au-delà de leur amitié. Au-delà de tout. Quelle est cette grande raison qui l’empêche d’accéder au bonheur ? Il y a quelque chose qu’il ne dit pas. Il y a quelque chose qu’elle ne voit. Pourquoi ? L’interrogation ne traverse pas ses lèvres. Elle reste ancrée dans son cerveau, sans une chance d’en sortir. Parce qu’il fuit déjà tellement de son regard, parce qu’il paraît déjà accablé par la réponse. Liam se rapetisse, se tasse, s’écrase. Il semble disparaître sous un poids invisible. S’il le lui permettait, elle prendrait une partie de cette charge. Elle la porterait pour soulager Liam et lui offrir un peu de répit. Mais il ne veut pas. Sa pénitence à lui. Il doit l’assumer. Seul.

Tout ce qu’elle voit, ce sont des excuses. Des excuses tellement solides, tellement ancrées que ça restera ainsi. Que ça aura plus de risques d’empirer que de s'améliorer. Face à cette certitude acquise, les arguments de Dani ne sont pas de taille. Combat perdu d’avance, quand Liam veut préserver le cœur de Cory. Ne pas le mettre en péril. Sous aucun prétexte. Alors, il y a l’amitié, les petites attentions, les cadeaux par milliers. Mais jamais, ô grand jamais, de l’amour. En tout cas, pas celui qui réside au fond de ses yeux. Celui-là, Liam le garde pour lui, secret. “Il mérite d'être heureux.” Faut se retenir. D’hurler que Cory le serait dans ses bras. De secouer Liam. De lui assurer qu’il fait la pire connerie de sa vie. Elle ne peut pas. Liam n’a pas envie de l’entendre de sa bouche. Il veut juste fuir un sujet trop douloureux et trouver en elle une alliée pour accomplir son objectif ultime. Le rendre heureux. “Évidemment que je t’aide.” Elle l’aidera toujours à apporter un peu de joie et de bonheur à Cory. Aujourd’hui, en transformant l’appartement en bateau pirate. Demain, en s’assurant que les deux finissent ensemble. “Tout le monde mérite d’être heureux.” Liam aussi. Liam plus que quiconque.

Mais son bonheur compte moins que celui de son ami. Alors, Dani s’approche du coffre au trésor et observe son contenu. “Je crois qu’on a assez de choses pour la déco !” Elle reprend son ton enjoué. La parenthèse est refermée. Ne reste plus rien de cette conversation, à part les yeux humides de Liam, son sourire tremblant. S’il a en tête de rendre heureux Cory ce soir, elle, elle a pour souhait de donner à Liam un peu de bonheur. Au moins pour aujourd’hui. Assez de joie pour en oublier tous ses démons. Assez de joie pour échapper à sa réalité. “Tu sais ce qui nous manque ?” Déjà en train de penser à la suit, alors que leurs bras débordent de déguisements, à tel point qu’il leur sera impossible de tout porter. “De la nourriture pour faire un banquet de pirate !” De la nourriture. Toujours. Évidemment. Quitte à embarquer Cory dans la piraterie, autant le faire dans les moindres détails.

La blessure a été rouverte ; mais ils peuvent refermer le rideau par-dessus. Liam ignore si Dani a compris le message ou non ; ignore si elle a saisi que s'il ne peut pas, c'est parce qu'une ombre menaçante plane, qu'il n'a pas le choix de ces décisions là. Il n'est personne pour prétendre à avoir de la liberté ; un personne qu'on propose tout de même comme futur Sept. Drôle de monde. Liam préfère le balayer pour le moment, avec l'aide de Dani ; qui accepte aussi bien pour le bonheur de Cory que pour laisser un peu soufflé l'ami. Et même qu'elle sait ce qui leur manque, que ça fait souffler un rire à Liam, l'un de ceux qu'on arrache à une âme ; qui fait du bien, qui fait du mal ; qui fait tout oublier. "Il faut qu'on aille faire des courses, alors !" Ils vont en avoir des choses, à transporter ; des allers retours à faire, sans doute, parce que le coffre, aussi grand soit-il, est déjà rempli de tout ce qu'ils ont engouffré dedans pour l'emporter.


Une pause, réclamée ; Pirate qui piaille et saute sur la cuisse de Liam, pour tenter d'attirer son attention. C'est qu'ils ont fait moult déplacements, entre les différents magasins. L'appartement est rempli, mais rien n'est encore vraiment organisé ! Mais Liam réclame une pause tout de même, parce que fait chaud, parce qu'ils ont fait déjà tellement de choses... Et qu'à regarder les palettes de PQ présentes, il est déjà plus fatigué encore ! Mais bon, faut se relancer ! Alors après quelques papouilles à Pirate, Liam se redresse et avise Dani. "Ok, on fait quoi en premier ?" Qu'il demande, le perroquet posé sur l'épaule ; et parce que le plus long sera le bateau en PQ à faire, faut déjà s'y atteler ! Liam avait acheté du scotch et de la corde en plus, juste pour s'assurer de réussir à faire tenir un peu le tout... Et en guise de proue de navire, c'est un tube de papier cadeau qui a été acheté, avec des motifs de bananes dessus (ben quoi ?!) parce que sinon c'était pas fameux et que bon, ça peut vaguement ressembler à une sirène en clignant vite des yeux, de loin.

La construction est... Bancale.

Disons que ça sera que de la décoration, faite avec les trois rouleaux de scotchs achetés (il en aurait fallu au moins sept de plus !) et tout le cordage à qui il manquait trois bon mètres. Mais quand on sait ce que ça doit représenter, on devine alors ce que c'est ; en penchant un peu la tête sur le côté... Oui, c'est vraiment pas si mal ! Un peu carré, mais après tout, ils avaient pas déterminé de quelle époque devait dater le bateau ! Ou la barque, avec un gros nez et une corne... ? Non, non ! Un véritable fort pouvant naviguer sur l'eau, c'est sûr ! Et pour marquer le tout, Liam y dépose très précautionneusement des éléments de pirate, aka quelques pièces en or (non en plastique) ci-et-là, puis à déposer au centre le trésor en bois (toujours en plastique) qui contiendra... Bon, pas grand-chose encore. C'est qu'ils ont besoin du reste de PQ pour remplacer les meubles de Cory.

Et c'est parti, d'ailleurs !


Après l'emprunt d'une douche et un lavage rapide de tous les costumes qu'ils avaient acheté, Liam est prêt ! Le banquet quasi tout végétarien a été préparé (il s'est occupé des rares viandes, bien sûr), l'appartement décoré, ils sont costumés, leur blague en place dans la chambre de Cory et même Pirate semble surexcité par tout les changements du jour - et pour preuve qu'il grignote un bout de navire, s'éclatant comme un petit fou à attaquer le PQ. Un regard vers Dani, pourvu même d'un sourire sincère, loin de l'attitude qu'il avait des heures auparavant. "On a rien oublié, hein ?" Il lui semble que non... Enfin, à part l'activité qu'ils partaient faire de base, mais bon.